La clique dorée. Emile Gaboriau

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La clique dorée - Emile Gaboriau

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recevoir vos lettres…

      Mais ces perspectives ne dissipaient pas l'affreuse tristesse de Daniel. Une question lui montait aux lèvres, qu'il n'osait prononcer… A la fin, faisant un effort:

      – Et ensuite? demanda-t-il.

      Ce qu'il voulait dire, Mlle Henriette le comprit:

      Je pensais, répondit-elle, que vous sauriez attendre jusqu'au jour où la loi me donnera le droit de me marier selon mon cœur…

      – Henriette!..

      Elle étendit la main, et d'une voix solennelle:

      – Et ce jour-là, Daniel, poursuivit-elle, je vous le jure, si mon père me refuse encore son consentement, je vous demanderai votre bras, et en plein midi, le front haut, je quitterai cet hôtel pour n'y plus rentrer…

      D'un geste plus prompt que la pensée, Daniel avait saisi la main de Mlle de la Ville-Handry, et la portant à ses lèvres:

      – Merci, prononça-t-il, merci! C'est l'espoir que vous me rendez…

      Cependant, avant de se résigner, il voulait tenter au moins un effort, et pour cela, il était nécessaire que Mlle Henriette évitât le plus longtemps possible de se prononcer.

      Non sans peine, il la décida.

      – Je ferez ce que vous voulez, dit-elle enfin, mais croyez-moi, toutes vos combinaisons ne serviront de rien…

      Elle fut interrompue par l'entrée du comte de la Ville-Handry.

      Il embrassa sa fille sur le front, causa un moment de la pluie et du beau temps; puis, attirant Daniel dans l'embrasure d'une croisée:

      – Vous lui avez parlé? interrogea-t-il.

      – Oui.

      – Eh bien?

      – Mlle Henriette demande quelques jours de réflexion…

      Le comte eut un geste de dépit.

      – C'est absurde, fit-il, et on ne peut plus ridicule… Mais enfin, c'est votre affaire, mon cher Daniel… Et s'il vous faut un stimulant, je vous dirai que ma fille est fort riche et que sa dot sera de plus d'un million…

      – Monsieur le comte!.. protesta Daniel indigné, monsieur…

      Mais déjà M. de la Ville-Handry avait tourné les talons, et le maître d'hôtel venait annoncer que «mademoiselle était servie.»

      Le dîner, bien que fort recherché, devait être triste et durer peu. Le comte semblait sur des charbons ardents, et à tout moment consultait sa montre.

      Le café était à peine sur la table, que s'adressant à Daniel:

      – Hâtez-vous, dit-il. Sarah nous attend.

      A l'instant, Daniel eut fini, et aussitôt le comte, sans lui laisser le loisir de saluer Mlle Henriette, l'entraîna jusqu'à sa voiture, l'y poussa et s'y précipita lui-même en criant au valet de pied:

      – Rue du Cirque… chez miss Brandon. Et qu'on pousse les chevaux.

      VIII

      Ce que M. de la Ville-Handry entendait par «pousser les chevaux,» ses gens le savaient. Le cocher, en ces occasions, lançait son attelage à fond de train, et ma foi! les pauvres piétons eussent couru de grands risques, s'il n'eût été d'une merveilleuse adresse.

      Ce qui n'empêche que ce soir-là, M. de la Ville-Handry, à deux reprises, abaissait les glaces pour crier:

      – Nous ne marchons pas!..

      C'est qu'il avait, encore qu'il s'efforçât de garder sa gravité d'homme politique, toutes les impatiences et les expansives vanités d'un lycéen courant à ses premiers rendez-vous d'amour.

      Maussade tant qu'avait duré le dîner, il babillait maintenant avec une joyeuse volubilité, sans s'inquiéter de ce que son compagnon pouvait penser ou lui répondre.

      Il est vrai que Daniel ne l'entendait même pas.

      Pelotonné dans un des angles de la voiture, il avait assez à faire à dominer son émotion, car il était ému, comme jamais en sa vie, au moment d'aborder cette redoutable aventurière, miss Brandon.

      Et pareil au lutteur qui se ramasse sur lui-même au moment d'un assaut décisif, il rassemblait tout son sang-froid, tout ce qu'il avait d'énergie.

      De la rue de Varennes à la rue du Cirque, la course ne dura guère plus de dix minutes.

      – Nous voici arrivés! s'écria le comte.

      Et sans attendre l'arrêt complet de la voiture, il sauta sur le trottoir et, devançant ses gens, courut frapper à la porte de l'hôtel de miss Sarah Brandon.

      Ce n'était pas, il s'en faut, une de ces habitations modernes dont le luxe ridicule et criard tire l'œil des passants.

      De la rue on eût dit la modeste maison de quelque boutiquier retiré, mangeant là sans faste ni soucis mondains ses douze ou quinze mille livres de rentes. Il est vrai de dire que de la rue on n'apercevait ni le jardin, ni les remises, ni les écuries.

      Cependant, un domestique était venu ouvrir, qui débarrassa de leur pardessus M. de la Ville-Handry et Daniel, et qui les guida le long de l'escalier.

      Arrivé au palier du premier étage, le comte s'arrêta, comme si la respiration tout à coup lui eût manqué.

      – C'est là, balbutia-t-il, là!

      Là!.. Quoi?.. Daniel ne comprenait pas. Le comte voulait simplement lui dire que c'était là, à cette même place, qu'il avait tenu entre ses bras miss Brandon évanouie…

      Mais Daniel n'eut pas le temps d'interroger. Un second domestique sortit de l'appartement et s'inclinant devant M. de la Ville-Handry:

      – Ces dames, dit-il, sortent à peine de table, et sont encore à leur toilette.

      – Ah!..

      – Si ces Messieurs veulent prendre la peine de s'asseoir dans le salon, je vais aller prévenir sir Thomas Elgin.

      – Bien, bien!.. fit le comte, de ce ton de l'homme qui dans une maison amie se sent aussi à l'aise que dans sa propre maison.

      Et il entra dans le salon, toujours suivi de Daniel.

      C'était une vaste pièce, où du tapis au lustre se trahissait l'austérité puritaine de mistress Brian. Ce luxe y éclatait, mais froid, gauche, triste. Tous les meubles avaient des formes anguleuses qui éloignaient jusqu'à l'idée de repos; le sujet de la pendule avait été pris dans la Bible, les candélabres et les bronzes réalisaient le type du laid.

      Et pas un objet d'art, pas une statuette, pas un tableau.

      Si, cependant… En face de la cheminée, à la place d'honneur, s'étalait dans un cadre splendide, une méchante toile, vrai barbouillage de sauvage, représentant un homme d'une cinquantaine d'années, portant un uniforme de fantaisie, d'énormes épaulettes, un grand sabre, un chapeau emplumé, et

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