Micah Clarke – Tome III. La Bataille de Sedgemoor. Артур Конан Дойл
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À nos pieds se trouvaient le pont de Keynsham, notre armée formant des taches sombres sur le vert des champs, la fumée des bivouacs et les voix des conversations flottant encore dans l'air de l'été.
Une route longeait les bords de l'Avon du côté du Comté de Somerset.
Sur cette route s'avançaient deux escadrons de cavalerie, qui se proposaient d'établir des postes avancés sur notre flanc d'est.
Comme ils défilaient à grand bruit, sans grand ordre, ils avaient à traverser un bois de pins, dans lequel la route fait un brusque détour.
Nous étions en train de contempler la scène, quand tout à coup, pareil à l'éclair qui jaillit du nuage, un escadron des Horseguards fit demi-tour pour se lancer sur le terrain découvert, et passant rapidement à l'allure du trot, puis du galop, fondit comme un tourbillon d'habits bleus et d'acier sur nos escadrons surpris.
Des rangs de tête partit le bruit des carabines qu'on épaule, mais en un instant, les Gardes passèrent à travers eux et fondirent sur le second escadron.
Pendant quelque temps les braves paysans tinrent ferme.
La masse compacte d'hommes et de chevaux oscillait, avançant, reculant, les lames de sabre tournoyant au dessus d'elle en éclairs d'une lumière rageuse.
Puis, des habits bleus se montrèrent çà et là parmi les habits de bure.
La lutte reporta ses mouvements furieux sur une centaine de pas en arrière.
La masse épaisse fut fendue en deux et les Gardes du Roi s'élancèrent comme un flot dans la brèche, s'épandant à droite et à gauche, forçant les haies, franchissant les fossés, sabrant de la pointe et du tranchant les cavaliers qui fuyaient.
Toute la scène, ces chevaux qui frappaient du pied, ces crinières agitées, ces cris de triomphe ou de désespoir, ces halètements pénibles, cette sonorité musicale de l'acier qui heurte l'acier, ce fut pour nous, qui étions sur la hauteur, comme une vision désordonnée, tant elle fut prompte à paraître et à disparaître.
Un coup de clairon sec, impérieux, ramena les Bleus sur la route, où ils se reformèrent et partirent au petit trop avant que de nouveaux escadrons eussent le temps de venir du camp.
Le soleil continuait à briller, la rivière à se rider.
Il ne restait plus rien qu'un long amas d'hommes et de chevaux pour marquer le passage de la tempête infernale qui avait éclaté sur nous si brusquement.
Pendant que les Bleus s'éloignaient, nous remarquâmes un officier isolé qui formait l'arrière-garde.
Il chevauchait très lentement, comme s'il trouvait fort mauvais de tourner le dos même à une armée entière.
L'intervalle entre l'escadron et lui ne cessait de s'accroître, mais il ne faisait rien pour hâter le pas.
Il allait tranquillement son train, jetant de temps à autre un regard en arrière pour voir s'il était suivi.
La même idée surgit simultanément dans l'esprit de mon camarade et dans le mien, et nous la devinâmes en échangeant un coup d'œil.
– Prenons ce sentier, cria-t-il avec vivacité. Il nous mènera au delà du bouquet d'arbres et il est encaissé dans toute sa longueur.
– Conduisons les chevaux à la main, jusqu'à ce que nous soyons sur un meilleur terrain, répondis-je. Nous lui couperons la retraite, si nous avons de la chance.
Sans prendre le temps d'en dire davantage, nous nous hâtâmes de descendre par le sentier inégal, où nous glissions et faisions des rainures dans le gazon détrempé par la pluie.
Puis nous remettant en selle, nous parcourûmes le défilé, traversâmes le bouquet d'arbre, et nous nous trouvâmes sur la route assez tôt pour voir l'escadron disparaître dans le lointain et nous trouver face à face avec l'officier isolé.
C'était un homme brûlé par le soleil, aux traits fortement marqués, aux moustaches noires.
Il montait un grand cheval osseux, de robe châtain.
À notre apparition sur la route, il fit halte pour nous examiner de près.
Puis s'étant convaincu de nos intentions hostiles, il dégaina son épée, tira de son arçon un pistolet, avec la main gauche, puis mettant la bride entre ses dents, il planta ses éperons dans les flancs de son cheval, et se lança sur nous à fond de train.
Comme nous nous élancions sur lui, Ruben à sa gauche, et moi à droite, il me lança un violent coup de sabre, et en même temps fit feu sur mon camarade.
La balle effleura la joue de Ruben, laissant sur son passage une ligne rouge semblable à celle qu'aurait produite un coup de fouet, en même temps que la poudre lui noircissait la figure.
Mais le coup de sabre ne m'atteignit pas.
Au moment où nos chevaux se touchaient presque dans leur course, je l'arrachai de sa selle et l'attirai en travers de la mienne, la figure en haut.
Le brave Covenant partit un peu ralenti par son double fardeau, et avant que les Gardes se fussent aperçus qu'ils avaient perdu leur officier, nous avions amené celui-ci, malgré, ses efforts et ses mouvements désespérés jusqu'en vue du camp de Monmouth.
– Il m'a rasé de près, l'ami, dit Ruben en portant la main à sa joue; il m'a tatoué la figure avec de la poudre, si bien qu'on va me prendre pour le frère cadet de Salomon Sprent.
– Grâce à Dieu, vous n'avez pas de mal, dis-je. Regardez, voici notre cavalerie qui s'avance sur le haut de la route. Lord Grey est à sa tête. Ce que nous avons de mieux à faire, c'est d'amener notre prisonnier au camp, puisque nous ne servons à rien ici.
– Au nom du Christ, s'écria celui-ci, tuez-moi ou mettez-moi à terre, je ne saurais souffrir d'être porté de cette façon comme un enfant à moitié sevré, à travers tout votre campement de rustauds qui ricanent.
– Je ne veux nullement me divertir aux dépens d'un brave, répondis-je. Si vous consentez à donner votre parole de rester avec nous, vous marcherez entre nous.
– Volontiers, dit-il en se laissant glisser à terre et rajustant son uniforme froissé. Par ma foi, messieurs, vous m'aurez appris à ne point faire fi de mes ennemis. Je serais resté auprès de mon escadron, si j'avais cru à la possibilité de rencontrer des avant-postes ou des vedettes.
– Nous étions sur la hauteur, avant de vous avoir coupé, dit Ruben. Si cette balle de pistolet était allée plus droit, c'est plutôt moi qui aurais été coupé. Diable! Micah! Il n'y a qu'un instant je grognais parce que j'avais maigri, mais si j'avais eu la joue aussi ronde que jadis, le morceau de plomb l'aurait traversée.
– Où vous ai-je déjà vus? demanda notre prisonnier, en fixant sur moi ses yeux noirs. Ah! oui, j'y suis, c'était à l'hôtellerie de Salisbury, où notre écervelé de camarade, Horsford, a dégainé contre un vieux soldat qui était avec vous. Pour moi, je me nomme Ogilvy… Major Ogilvy, des Horseguards bleus. J'ai été vraiment enchanté d'apprendre que vous aviez échappé aux mâtins. Après votre départ, quelques mots ont fait entrevoir votre véritable destination, et un ou deux faiseurs d'embarras, en qui