Histoire littéraire d'Italie (1. Pierre Loius Ginguené
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Constantin Porhyrogénète suivit la route que son père, Léon-le-Philosophe, lui avait tracée, et s'y avança plus loin que lui. Ce fut un homme de lettres sur le trône. Il a laissé plusieurs ouvrages, l'un sur l'administration de l'Empire, l'autre contenant une description de ses provinces, un troisième sur la tactique et les opérations militaires. Le quatrième est un assez gros livre sur un sujet moins important, sur le cérémonial de la cour de Bysance; mais enfin il cultiva les lettres, la musique, la peinture; et lorsque Romain Lecapenus l'eut renversé du trône, où il remonta ensuite, il sut, dit-on, se faire une ressource de ses talents et de la vente de ses tableaux; ressource que peu de Souverains pourraient se procurer en pareil cas.
Ce fut vers lui que fut envoyé en ambassade, par Bérenger II, roi d'Italie, un jeune littérateur, devenu depuis un historien de quelque célébrité. Liutprand, dont c'est ici l'occasion de parler, était né à Pavie, d'un père qui avait été député vers la même cour par le roi Hugues, prédécesseur de Bérenger. Hugues conserva au fils la protection qu'il avait accordée au père. Les talents qu'annonçait le jeune Liutprand, favorisèrent ces dispositions, surtout la beauté de sa voix, que ce roi, qui aimait la musique, se plaisait beaucoup à entendre. Quand Bérenger, marquis d'Ivrée, eut forcé Hugues à lui céder son trône, il garda auprès de lui Liutprand, le fit son secrétaire, et l'envoya quelques années après 198, à Constantinople, en qualité d'ambassadeur. Liutprand profita de cette mission pour apprendre le grec, et ce fut à peu près tout le fruit qu'il en retira. De cette haute faveur où il était, il tomba tout-à-coup dans la disgrâce, et fut obligé de se retirer en Allemagne. C'est dans cet exil qu'il composa l'histoire de son temps 199. Il était alors chanoine de l'église de Pavie, titre qu'il prend au commencement de chacun des livres de son histoire. Elle est écrite avec esprit, en latin meilleur que celui des autres écrivains du dixième siècle, et avec une petite pointe de malignité satirique, qui passe même la mesure quand il est question de Bérenger et de sa femme. L'accueil distingué que Liutprand reçut de Constantin Porphyrogénète, fut accordé à son mérite autant qu'à son titre; et il nous a laissé, outre l'histoire dont on vient de parler, une relation piquante de son voyage et de son ambassade 200, ou plutôt de ses ambassades, car il en fit une seconde assez long-temps après 201, dont il fut moins content que de la première; de simple chanoine il était pourtant devenu évêque de Crémone; il était envoyé par un puissant empereur, Othon Ier; à qui il devait la chute de Bérenger, son persécuteur, son rappel dans sa patrie, le rétablissement de sa fortune, et son avancement; mais Porphyrogénète n'était plus là pour le recevoir 202.
Les exemples donnés par ce prince et par son père, quoiqu'ils ne fussent rien moins que de grands princes, contribuèrent cependant beaucoup à ranimer dans l'Orient le goût des études. L'effet s'en prolongea, pour ainsi dire, pendant les règnes tantôt violents, tantôt faibles, toujours étrangers aux lettres, qui suivirent le leur, jusqu'à ce que celui des Comnène vînt, au milieu du onzième siècle, rallumer momentanément l'émulation presque éteinte.
A défaut d'ouvrages de génie, ce fut le temps des recherches et de l'érudition. Dans ce siècle et dans le douzième, on compte des commentateurs tels qu'Eustathe sur Homère, Eustrate sur Aristote; le premier, évêque de Thessalonique; le second, de Nicée, et plusieurs autres. J'ai dit à défaut d'ouvrages de génie, car on ne mettra pas, sans doute, de ce nombre les Chiliades 203 de Tzetzès, qui écrivit en douze mille vers lâches, prolixes et cependant obscurs, sur six cents sujets différents. Alors aussi commence la série des auteurs de l'histoire Bysantine, peu recommandables, si on les compare aux Xénophons et aux Thucydides; mais qu'on se félicite encore de trouver parmi les ténèbres de ces temps barbares. Ils forment du moins dans la même langue une suite presque ininterrompue depuis les auteurs des bons siècles.
Cette langue, altérée dans ses mots et dans ses tours, était pourtant encore matériellement la langue d'Homère et de Démosthène, au lieu qu'on oserait à peine dire, en parlant du langage corrompu dans lequel on écrivait alors à Rome et dans l'Italie, comme en France et dans l'Europe entière, que ce fut la langue de Cicéron et de Virgile. Aussi, malgré la place honorable que ce siècle conserve dans l'Histoire littéraire d'Italie, quels monuments latins a-t-il laissés? de quels auteurs peut-il citer les productions? Quels sont ceux qui, dans cette dépravation générale, montrèrent du moins un bon esprit et quelques traces d'un meilleur style?
Les deux plus grands génies de ce siècle, qui remplirent de leur renommée l'Italie, la France et l'Angleterre, furent Lanfranc et Anselme. Le premier surtout, qui fut le maître du second, eut la plus forte et la plus heureuse influence sur l'amélioration des études. Né à Pavie 204, vers le commencementdu siècle, il y brilla dès sa première jeunesse dans les exercices du barreau, passa en France, se retira du monde, jeune encore, et entra dans une abbaye qu'il rendit célèbre, l'abbaye du Bec en Normandie. L'école qu'il y ouvrit devint fameuse, et la philosophie du Bec passa, pour ainsi dire, en proverbe 205. La dialectique de Lanfranc et sa manière d'écrire en latin, étaient en grande partie dégagées de la rouille de l'école. Le premier, depuis les siècles de barbarie, il essaya de faire renaître la science de la critique. Les ouvrages des pères de l'église, et même les livres saints (car on ne connaissait guère alors d'autre littérature), altérés et corrompus par l'ignorance des copistes, reprenaient, en passant sous ses yeux, leur pureté originelle. Il les examinait, les collationnait, les corrigeait de sa main, et ces copies ainsi restituées, devenaient des manuscrits authentiques et dignes de foi.
Guillaume, alors duc de Normandie, ayant acquis par la conquête de l'Angleterre, le surnom de Conquérant, voulut attirer Lanfranc dans ses nouveaux états, et le fit archevêque de Cantorbéry. Lanfranc occupa ce siège pendant dix-neuf ans. Sa vertu y fut mise à l'épreuve, et la faveur dont il jouissait fut troublée par les querelles qui s'élevèrent entre son roi et le pape Grégoire VII, à l'occasion des investitures; il ne cessa d'être un sujet soumis qu'autant qu'il le fallait pour obéir au souverain pontife, qui étendait sur toutes les couronnes ses prétentions de souveraineté. Sa résistance n'eut rien de séditieux, et sa modération éclata jusque dans l'exécution des ordres violents, auxquels il ne se croyait pas permis de résister. Elle ne brilla pas moins dans un concile tenu à Rome 206, où il fut appelé par le pape. L'hérésiarque Bérenger y fut cité pour ses erreurs. L'archevêque, chargé de le combattre, fit mieux, il le persuada, et le convertit.
Lanfranc, mort en 1089, n'a laissé qu'un traité de l'Eucharistie contre l'hérésie de Bérenger, et des lettres écrites, les unes avant, les autres pendant son épiscopat. Ce fut donc moins par ses ouvrages que par sa méthode d'enseignement qu'il servit au progrès de la philosophie et des lettres. C'est dans l'école qu'il tint au milieu de la forêt du Bec, que sont ses plus beaux titres de gloire. Parmi les personnages illustres qui en sortirent, il suffit de citer Ives de Chartres, regardé comme le restaurateur du droit canonique en France, et dont les lettres sont si précieuses pour notre histoire; Anselme, qui devint Pape sous le nom d'Alexandre II, et cet autre Anselme, dont la renommée littéraire égala celle de
198
En 946.
199
200
201
En 968.
202
203
On prononce
204
Tiraboschi, t. III, p. 227 et suiv.
205
Launoi,
206
En 1078.