Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome I. Constantin-François Volney

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Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome I - Constantin-François Volney

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du système ancien, qui traitant celui-ci d'innovation, continua d'écrire la loi avec les caractères dits samaritains; de là s'est formée cette double branche de manuscrits perpétuée jusqu'à nos jours: et parce que les Juifs du pays de Samarie, dès long-temps séparés de ceux de Jérusalem, n'ont en aucun temps voulu se plier à leur autorité ecclésiastique, ni admettre leur genre d'écriture, le parti novateur des chaldaïsants finit par confondre avec eux la branche ou secte réellement orthodoxe des hébraïsants qui ont continué d'écrire comme les Samaritains. Par la suite, sous le régime des Asmonéens, un sanhédrin suprême et despotique s'étant formé, son autorité, semblable à celle des conciles, introduisit des changements qui composent les différences actuelles du texte hébreu avec le samaritain et même avec la version grecque.

      Que si le verset de Balaam, relatif aux vaisseaux de Ketim, désigne la venue d'Alexandre, il faudra attribuer cette interpolation au grand sanhédrin; et alors il faudra admettre qu'il a eu le crédit d'engager ou de contraindre les manuscrits grecs et samaritains à l'admettre, ce qui n'est pas impossible, mais ce qui néanmoins est peu naturel. Il est d'ailleurs singulier et remarquable que par un devoir traditionnel, les copistes ne manquent jamais de laisser à certains endroits des manuscrits hébreux, des places vides ou blanches…, comme si elles eussent primitivement été destinées à recevoir des interpolations du genre de la prophétie que le grand-prêtre Iaddus montra à Alexandre. Au demeurant, lorsque l'on examine tous les détails de l'anecdote de Balaam, on est porté à croire qu'elle est un épisode tiré, quant aux faits, d'un livre tel que celui des Guerres du Seigneur, écrit par Moïse, ou de son temps; et quant aux prédictions, qu'elles ont été composées par le rédacteur même; car qui a tenu le procès verbal des jongleries de Balaam76?

      CHAPITRE X.

      Suite du précédent

      LA rédaction du Pentateuque par Helqiah, explique encore pourquoi l'on trouve dans ce livre quelques faits chronologiques des temps anciens, que l'on ne peut concilier avec les temps postérieurs; par exemple, il est dit dans l'Exode, (ch. XVI, v. 1er et 13):

      «Que les Hébreux étant arrivés dans le désert de Sinaï le quinzième jour du second mois depuis la sortie d'Egypte, le peuple murmura de la disette des vivres, et que le soir il vint une si grande quantité de cailles, qu'il put en manger à satiété.»

      Et dans les Nombres (comparez ch. IX, v, 1er, 3, 5, chap. X, v. 11, et chap. XI, v. 31), il est encore dit:

      «Que l'an II, au deuxième mois, peu après le vingtième jour, le peuple étant campé dans le désert, à 3 jours de marche de Sinaï, il arriva encore une volée de cailles si abondante, que chaque famille put s'en rassasier et en faire sécher pour sa provision.»

      Ce fait d'histoire naturelle n'est point changé; il y a encore, chaque année, 2 passages de cailles dans ce désert et dans l'Égypte. L'un de ces passages a lieu vers la mi-septembre, lorsque les cailles craignant l'hiver, quittent l'Europe pour se rendre en Afrique et en Arabie; l'autre vers la fin de février, lorsque les cailles reviennent en Europe chercher l'abondance de la belle saison.

      De ces 2 passages, celui qui s'applique à l'exemple cité est le passage en février, par les raisons suivantes. Peu avant la sortie d'Égypte, il y avait eu une grêle terrible qui avait détruit l'orge parce qu'il était déjà grand, et le lin, parce qu'il montait en tuyaux;77 elle n'avait point détruit le froment, parce qu'il est plus tardif. Cet état de choses n'a lieu en Egypte que dans le cours de février: l'épi du blé se forme vers la fin de ce mois. Le texte ajoute peu après: Et Dieu dit: «Voici le premier de vos mois (qui arrive), et (ch. XIII, v. 4) aujourd'hui vous sortez dans le mois des nouveaux blés.»

      L'année commençait donc en hiver. Le passage des cailles n'était donc pas celui de septembre, qui placerait le premier mois en août: c'était le passage de février, qui étant arrivé vers le vingt ou vingt-cinquième jour du second mois, nous indique le commencement de l'année vers la fin de décembre ou le début de janvier: les circonstances de la grêle n'y seraient point discordantes, lors même que l'on supposerait exact tout ce récit; ce qui ne peut s'admettre, vu les prodiges magiques qui y sont joints. Nous avons donc lieu de croire qu'à l'époque de Moïse, l'année commençait au solstice d'hiver, selon un usage des Égyptiens, dont ce législateur emprunta beaucoup d'idées. Cependant tous les livres juifs, y compris le Pentateuque, indiquent que l'année commençait à l'équinoxe du printemps..... Ce n'est pas tout....., le livre intitulé Josué, écrit sur des matériaux anciens, et rédigé, à ce qu'il semble, avant le temps de Salomon, porte un autre passage tout-à-fait contraire à celui-ci. On y lit:78 «que Josué, devenu chef, s'approcha du Jourdain pour le passer; qu'il trouva cette rivière gonflée, parce que le Jourdain au temps de la moisson, a coutume de remplir son lit; et que le peuple le traversa le dixième jour du premier mois79.» Notez ces circonstances; le peuple passe le Jourdain le dixième jour du premier mois, et le Jourdain est gonflé parce que c'est son usage au temps de la moisson; ce qui a encore lieu de nos jours, à raison de la fonte des neiges. L'année commençait donc à cette époque: or, la moisson dans le pays de Jéricho se fait, selon Josèphe80, 14 jours avant le pays de Jérusalem; et dans ce pays, comme dans la Palestine, elle a lieu vers la fin de mai: tout est fini du 1er au 5 juin. La date du passage est donc indiquée vers le solstice d'été; et cette date, vu l'importance du fait, a dû être notée et conservée même par la tradition.

      Nous avons ici deux textes clairs et positifs, indiquant chacun le commencement de l'année à une époque différente; l'une au solstice d'hiver, l'autre au solstice d'été. D'où peut venir une telle contradiction? Selon nous, elle vient de ce qu'à l'époque de Moïse et de Josué, les Hébreux avaient une manière de compter le temps, qui fut changée sous le régime obscur et anarchique des juges; et que le grand-prêtre Helqiah en rédigeant son livre, a fait disparaître la méthode des temps anciens et des livres originaux, parce qu'elle n'était plus d'usage et qu'elle eût contrarié ses récits en d'autres occasions, spécialement à l'occasion du déluge. Notre opinion pourra sembler singulière à quelques lecteurs; mais ceux qui connaissent certains passages de Pline, de Plutarque, de Macrobe, et surtout le Traité de Censorin, de Die natali, pourront admettre avec nous, que les Hébreux, dans l'origine, ont été du nombre de ces peuples qui ne mesuraient point le temps par la double révolution du soleil dans l'écliptique, et qui trouvaient plus simple d'employer de moindres révolutions de cet astre ou de la lune, telles que les mois, les saisons de 3 mois, et la durée de 6 mois que le soleil met à se rendre d'un tropique à l'autre, ou de l'un à l'autre équinoxe: de là est venue l'expression singulière d'années d'un mois, d'années de trois mois, d'années de six mois, dont les anciens citent beaucoup d'exemples.

      «L'an le plus ancien usité en Egypte, dit Censorin81, fut de 2 mois: Orus le fit de 3; le roi Pison le porta à 4. Les Cariens et les Arcarnaniens ont eu des années de 6 mois; les Arcadiens des années de 3 mois, etc.

      «Chez les anciens, dit Pline82, l'année a eu des valeurs bien différentes de celle que nous lui donnons aujourd'hui; les uns faisaient un an de l'été et un an de l'hiver; d'autres, comme les Arcadiens, composaient l'année de 3 mois; d'autres, comme les Égyptiens, avaient des années d'un mois.»

      En raisonnant d'après ces exemples, qu'il nous serait facile de multiplier83, nous pensons que les Hébreux eurent d'abord des années de 6 mois, prises d'un solstice à l'autre

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<p>76</p>

Le livre célèbre intitulé, Tractatus theologico-politicus, publié en 1670, est le premier qui ait traité tout ce qui concerne les livres hébreux avec la liberté d'esprit convenable pour y porter la lumière..... Le lecteur y trouvera beaucoup de détails intéressants sur le sujet que nous traitons; mais son auteur, qui a cru qu'Ezdras composa le Pentateuque, nous paraît s'être trompé dans plusieurs de ses raisonnements; son grand mérite est d'avoir ouvert une route où presque personne n'avait osé mettre le pied avant lui.

<p>77</p>

Exod., chap. 9, v. 23, 31, 32.

<p>78</p>

Chap. 3, v. 1, 15.

<p>79</p>

Chap. 4, v. 19.

<p>80</p>

De Bello judaico.

<p>81</p>

Censorinus, de Die natali par Lindenbroq. Cantabrigiæ, 1695, in-12, chap. 19. Et in Ægypto antiquissimum ferunt annum bimestrem fuisse; deinde a Pisone rege quadrimestrem factum. Dîodore, liv. I, pag. 22, dit, d'un mois, d'accord avec Plutarque, Pline, Augustin, Varro et Proclus. Item in Achaiâ, Arcades trimestrem habuisse; Cares autem et Acarnanes semestres habuerunt annos, et inter se dissimiles quibus alternis dies augescerent aut senescerent, eosque conjunctos veluti trieterida annum magnum.

<p>82</p>

Hist. nat., lib. VII, cap. 49.

<p>83</p>

Voyez Plutarque, de Numa; Diodore, lib. I, Varron; Proclus, Comment. in Timeum.