Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome I. Constantin-François Volney
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Pesons les mots et les circonstances de ce récit; et d'abord remarquons que Josiah, enfant couronné dès l'âge de 8 ans, fut élevé par le grand prêtre Helqiah, qui pendant 10 ou 12 ans fut le véritable régent de l'État et du prince: par conséquent Josiah, maintenant âgé de 25 à 26 ans, est encore sous l'influence morale du pontife et de l'éducation sacerdotale qu'il en a reçue. A cet âge et l'an 18 de son règne, il fait un message solennel au grand-prêtre: l'objet de ce message est de remettre aux entrepreneurs des réparations du temple, des sommes d'argent sans leur en faire rendre compte. Pourquoi cette faveur d'un genre singulier, même injuste et imprudent? Elle a certainement un motif, un objet en vue; cet objet est de se concilier ces gens: et leurs familles, et, par suite, leurs amis et le peuple dont ils font partie: pour réponse, le grand-prêtre présente un livre, qu'il dit être le livre de la loi, et qu'il dit avoir trouvé dans le temple. Où est la preuve qu'il a trouvé ce livre? at-il des témoins? On ne le dit pas; mais il est clair que s'il a besoin d'appui, tous les ouvriers du temple qu'il a gratifiés lui seront dévoués. Admettons qu'il ait trouvé ce livre, et qu'il ne l'ait pas lui-même composé; du moins il l'a eu en main, seul et aussi long-temps qu'il a voulu: n'y a-t-il pas fait des changements? C'est un manuscrit unique; personne ne l'a contrôlé; rien n'établit son authenticité. Ce manuscrit dut être un rouleau de papyrus ou de vélin; quelle main l'a écrit? est-ce la main de Moïse? Helqiah ne le dit pas, il dit seulement le livre de la loi: cela est remarquable. S'il fût venu de Moïse, Helqiah eût-il supprimé une circonstance, si propre à ajouter au respect? D'ailleurs, s'il fût venu de Moïse, ce manuscrit aurait eu à cette époque plus de 800 ans d'existence; et depuis tant de temps, oublié dans quelque armoire, il eût dû être rongé des vers et de poussière, dans un climat aussi rongeur que l'est la Judée. Il y aurait eu des lacunes; l'écriture même aurait dû être différente, et beaucoup de mots tombés en désuétude; car il est sans exemple qu'une langue et qu'une forme d'écriture aient subsisté 800 ans sans altération. Cependant le secrétaire Saphan le lit couramment et à livre ouvert: il porte le livre au roi, et le roi entendant le contenu, est surpris, effrayé au point de déchirer ses vêtements. Quoi, le roi Josiah, élevé par le grand-prêtre, ne connaissait pas la loi de Moïse! cette loi, dont tout prince, à son avénement, devait avoir une copie transcrite à son usage par les prêtres, selon un ordre exprès du Deutéronome, chapitre 17. Tout était donc oublié; ou bien tout est simulé. Le roi Josiah de suite fait consulter Dieu; l'oracle auquel on s'adresse est une vieille femme, exerçant le métier de devineresse, et jouissant d'un grand crédit sur le peuple, c'est-à-dire dans la classe des ouvriers que le roi a gratifiés. Le grand-prêtre, le secrétaire Saphan, Akbour et d'autres prêtres, se rendent en pompe chez cette femme.... N'est-il pas clair que l'intention d'une telle démarche est de produire une vive sensation sur le peuple et de donner de l'éclat à une chose nouvelle?
La prophétesse répond dans le sens désiré..... Elle annonce que Iahouh, Dieu d'Israël, va envoyer contre Jérusalem et ses habitants, toutes les calamités écrites dans le livre que le roi a entendu, et cela parce que les Juifs ont abandonné leur Dieu, et qu'ils ont sacrifié à des dieux étrangers.
Ces expressions nous deviendront bientôt utiles; mais pour le présent remarquons que cette prophétie de Holdah a une analogie frappante avec les autres prophéties que depuis cinq ans proclamait Jérémie: or, dans sa qualité de prêtre et de fils de prêtre, Jérémie avait des rapports nécessaires avec le pontife; il était, comme Holdah, dans la dépendance plus ou moins médiate de Helqiah50; et lorsque nous trouvons que peu d'années après les fils de Saphan et d'Akbour furent les amis et protecteurs zélés de Jérémie contre la colère de Ihouaqim, nous avons lieu de soupçonner que déja il avait des liaisons avec Saphan et Akbour, qui figurent dans cette affaire; que par conséquent il était lui-même, comme Holdah, l'un des confidents de ce drame concerté; qu'en un mot il y a eu dans cette occasion un pacte secret, un plan combiné entre le grand-prêtre, le roi, le secrétaire Saphan, le prêtre Akbour, le prophète Jérémie et la prophétesse Holdah; et cela, pour un motif, une affaire d'état de la plus haute importance, puisqu'il s'agissait de sauver la nation du danger imminent d'une destruction absolue ou d'une dispersion prochaine.
En effet, à l'époque dont nous parlons, l'an 621, le royaume de Jérusalem se trouvait dans les circonstances les plus désastreuses. Depuis quatre ans les Scythes, venus du Caucase, exerçaient ces ravages dont parle Hérodote, et dont leurs pareils, les Tatars de Genghizkan et de Tamerlan, nous ont fourni d'effrayants exemples dans les temps modernes. Vainqueurs de Kyaxare et de ses Mèdes, maîtres de la haute et de la basse Asie, les Scythes n'avaient pu parvenir à Azot, où les arrêta Psammitik, sans inonder la Syrie et la Palestine: leur cavalerie innombrable avait ravagé tout le pays plat, avec cette cruauté féroce et impitoyable qui a toujours caractérisé les Tatars; le pays montueux, investi de toutes parts, privé de toutes communications, attaqué dans ses postes faibles, menacé dans toute sa masse, ressemblait à une grande place assiégée, et subissait tous les maux attachés à cette situation: or voilà premièrement le tableau que trace Jérémie dans ses dix-sept premiers chapitres.
«L'an 13 de Josiah, dit cet écrivain, le (Dieu de Moïse) Iahouh, m'adressa la parole51, «Et il me dit (chap. 1): Que vois-tu? Je vois une chaudière bouillante; elle est dans le nord (prête à verser), et Dieu dit: Du nord accourt le mal sur tous les habitants de cette terre; car voici que j'appelle toutes les familles des royaumes du nord, et elles viennent établir chacune leur tente aux portes de Jérusalem, autour de ses murs et dans toutes les villes de Juda, et je prononcerai mes décrets contre les pervers qui m'ont abandonné, et qui ont sacrifié aux dieux étrangers».
Cette dernière phrase est mot pour mot, le motif allégué par la prophétesse Holdah. Les chapitres suivants sont remplis de reproches, de menaces et d'exhortations.
Le prophète s'écrie (ch. 4): «Annoncez dans Juda; publiez dans Jérusalem; sonnez de la trompette; criez et dites: Rassemblez-vous; retirez-vous dans les villes fortes; élevez des signaux de fuite; ne restez pas, parce que, dit le Seigneur, voici que j'apporte du nord une calamité, une grande destruction; le lion a quitté son repaire; le destructeur des peuples est parti de son pays pour réduire cette terre en solitude».
Ceci convient parfaitement aux Scythes; ce qui suit les caractérise encore mieux:
«Voici qu'un peuple vient du nord; une grande nation est sortie des flancs de la terre....; ils portent l'arc et le bouclier; ils brisent et déchirent sans pitié....; leur bruit ressemble au bruissement des flots; ils montent des chevaux armés (et bardés) eux-mêmes comme un guerrier, etc.»: voilà bien les cavaliers scythes.
«Voici que (l'ennemi) monte comme une nue, ses chars (volent)
50
Son père se nommait Helqiah, comme le grand-prêtre; ils ont pu être parents.
51
Cet an 13 de Josiah est l'an 626 avant notre ère, ainsi que nous le prouverons par la suite.