Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome I. Constantin-François Volney
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome I - Constantin-François Volney страница 13
A l'époque et dans les circonstances dont nous parlons, l'état politique et religieux des Juifs nous semble avoir été le même que celui des Parsis et des Hindous, qui pratiquent les lois de Brahma et de Zoroastre, sur des traditions, sur des commentaires et liturgies de prêtres, sans posséder les livres autographes de leur prophètes53. Maintenant supposons qu'un roi perse, tel que Darius Hystasp ou Ardchir-Babekan, eût concerté avec le grand Môbed, la découverte et la mise au jour de l'ouvrage de Zoroastre, n'est-il pas vrai que personne autre n'ayant en main ni l'original, ni une copie, n'eût pu démontrer la fausseté de leur opération, et que nous n'aurions de moyen d'en juger, que par l'examen du livre lui-même, questionné et interrogé dans tous ses détails: or ce cas est précisément celui de Josiah et de Helqiah, avec la différence que le grand-prêtre est ici l'auteur et le promoteur principal. Ils ont pu dire tout ce qui leur a convenu sur la découverte du livre: c'est à nous de n'admettre que ce qui est conforme au raisonnement et aux preuves ou indices fournis par ce livre lui-même. Déja nous y avons vu des preuves chronologiques d'une composition postérieure de plusieurs siècles à Moïse; maintenant si nous le questionnons encore, nous serons conduits à penser que les livres réels de Moïse ne sont point contenus dans le Pentateuque en original, mais par extraits et par citation; et que le rédacteur, en écartant tout ce qui ne marchait pas à son but, y a introduit des portions tout-à-fait étrangères et probablement inconnues à ce législateur.
On ne saurait douter que Moïse ait composé des livres et laissé des écrits. Son rôle de législateur lui en suppose la faculté, comme il lui en impose la nécessité. Il se trouva dans la même position que Mahomet, avec la différence que Mahomet feignit de ne savoir pas écrire. Aussi trouvons-nous la mention expresse de certains écrits de Moïse, dans plusieurs passages de l'Exode et du Deutéronome. Par exemple, au chapitre 24 de l'Exode, versets 3 à 7, il est dit que «Moïse étant descendu de la montagne d'Horeb vers le peuple, il lui répéta tout ce que (le Dieu) Iahouh lui avait dit: qu'il l'écrivit (ce jour-là) et que le matin (du lendemain) étant retourné au pied de la montagne avec le peuple, pour faire un sacrifice, il prit en main le volume ou rouleau qu'il avait écrit, il le lut au peuple, qui dit: Tout ce que vous nous ordonnez, nous l'observerons.»
Il est clair qu'un rouleau écrit dans un jour, et lu en préliminaire d'un sacrifice, n'est pas le Pentateuque, ni même le Deutéronome. Si nous confrontons ce qui précède et ce qui suit, nous trouvons que ce volume ou livre de l'Alliance dut être composé des 126 versets ou articles de la loi que nous lisons (chap. 20, vers. 2, jusqu'au chap. 24, vers. 1er), qui effectivement comprennent toute l'essence de la loi des Juifs. Or, ce livre de l'Alliance n'étant employé dans le Pentateuque que comme fragment, il est clair que nous n'avons pas les écrits originaux de Moïse dans leur état distinct et isolé.
En un autre endroit (Exode, chap. 17, verset 14), il est dit que Josué ayant battu les Amalékites qui étaient venus attaquer les Hébreux, peu après leur sortie d'Égypte, le dieu Iahouh ordonna à Moïse d'écrire ce premier fait d'armes dans le livre. Que peut avoir été ce livre, sinon le registre ou journal des opérations militaires des Hébreux, guidés par leur dieu Iahouh, et par son visir Moïse; opérations dont ce lieutenant voulut, comme tout chef militaire, avoir le tableau pour le consulter au besoin? Lorsque ensuite nous trouvons au livre des Nombres (chap, 21, vers. 14) la citation d'un livre intitulé livre des Guerres (du Dieu) Iahouh…, exprimée dans les termes suivants: «Les enfants d'Israël décampèrent du torrent de Zared et vinrent camper sur l'Arnon, qui est dans le désert, et sort de la montagne des Amrim. Or, l'Arnon est la frontière de Moab qui le sépare des Amrim: c'est pourquoi il est dit dans le livre des Guerres de Iahouh, ce qu'a fait Iahouh sur la mer Rouge, (il l'a fait) sur les torrents d'Arnon»; nous disons qu'un tel récit, une telle citation ne saurait être de Moïse, et qu'ils ne conviennent qu'à un interlocuteur posthume qui écrivait d'après des matériaux qu'il avait sous les yeux, et où il trouvait décrits les campements et les faits militaires des Hébreux. Or ce livre ancien et original semble devoir être celui-là même où Moïse écrivit la victoire sur Amaleq, l'an 1er, puis tout ce qui arriva pendant le séjour dans le désert, et enfin l'an 40, la victoire sur Sehoun et celle sur Og, qui furent les derniers exploits du législateur. Lorsqu' ensuite les livres que nous avons en main portent une lacune totale entre l'an 2 et l'an 40, et que tout leur récit de ce qui se passa pendant 37 ans, se borne à une stérile notice de campements54, c'est parce que le rédacteur posthume a supprimé, comme inutiles à son but, les détails du Journal de Moïse, de ce livre des Guerres du Dieu Iahouh, que nous n'avons pas.
Le Deutéronome55 parle encore plusieurs fois d'un livre de la Loi écrit par Moïse l'an 40, outre le livre de l'Alliance écrit au pied de l'Horeb, l'an 2..... Moïse remit ce livre peu avant sa mort, aux prêtres, enfants de Lévi, et aux anciens d'Israël (ch. 31, v. 9), pour être lu, tous les 7 ans, à la fête des Tabernacles, à l'époque du Jubilé: or, ce livre ne saurait être ni le Pentateuque, ni le Deutéronome entier, attendu que Moïse ordonna (ch. 27, v. 2), qu'après le passage du Jourdain, ledit livre serait écrit en entier sur les pierres du pourtour d'un autel dont la face aurait été enduite de chaux pour recevoir l'écriture. Il est déraisonnable et impossible de supposer qu'une masse d'écriture, telle que le Deutéronome, ait été écrite sur des pierres, surtout lorsqu'une partie contient des récits étrangers à la loi et postérieurs à Moïse..... Ce second livre de la Loi ne peut donc être qu'un nouvel exposé des lois, avec quelques développements, tels qu'on les trouve dans certains chapitres du Deutéronome; mais là encore, nous n'avons l'écrit de Moïse que par intermédiaire et non pas autographe, tel qu'il le produisit; et toujours nous sommes ramenés à l'idée d'un compilateur posthume, qui retranchant, ajoutant, choisissant ce qu'il a voulu, a composé l'ouvrage réellement confus et peu cohérent, que l'on appelle Pentateuque.
Ici revient se placer une remarque qui semble avoir échappé à nos prédécesseurs, et que nous avons indiquée plus haut56. Nous avons dit que l'oracle rendu par la prophétesse Holdah, désignait d'une manière spéciale les anathèmes des chapitres 27 et 28 du Deutéronome.
«Le dieu d'Israël, dit cette femme, va envoyer contre Jérusalem tous les maux écrits dans le livre dont le roi a ouï la lecture, et cela, parce que les Juifs ont abandonné leur Dieu et sacrifié à des dieux étrangers.»
On feuillette vainement l'Exode, le Lévitique, les Nombres, l'on n'aperçoit rien qui corresponde à ces paroles, ni qui remplisse l'idée de ces maux; mais lorsqu'on arrive au chapitre 27 du Deutéronome, on trouve une série de malédictions et d'anathèmes qui continue dans le chapitre 28, et qui réellement présente un tableau affreux.
«Si vous n'écoutez point la voix de Dieu, dit le verset 15, pour observer tous ses commandements et pratiquer ces cérémonies, une foule de maux viendra vous accabler. Vous serez maudits dans vos villes, maudits dans vos campagnes.....; Dieu vous enverra la disette et la famine.....; il vous enverra la peste qui vous consumera......; la pluie du ciel sera une poussière et une cendre brûlante, etc., etc.»
Maintenant, comment se fait-il que la suite de ces anathèmes ait pour le sens, et, qui plus est, pour l'expression, une analogie frappante avec les premiers chapitres de Jérémie, écrits depuis l'an 625 jusqu'à 621, c'est-à-dire pendant les 4 années où le grand-prêtre dut être occupé de la rédaction du Pentateuque. Les chapitres 4, 5 et 6 en offrent surtout des exemples frappants:
53
Depuis Alexandre on a peine à prouver l'existence des livres de Zerdoust. Quant aux Vedas, on a long-temps douté de la leur; et il a fallu toute la puissance des Anglais pour parvenir à compléter une copie de ces livres, réduits à un seul manuscrit dont rien ne garantit la parfaite pureté.
54
55
56
Page 70.