Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome I. Constantin-François Volney
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome I - Constantin-François Volney страница 12
«J'ai regardé le pays, il est désert… J'ai vu les montagnes, et elles tremblent; les collines, et elles se choquent; j'ai regardé (partout), il n'y a plus d'hommes; les oiseaux du ciel se sont envolés..... J'ai regardé le Carmel, il est désert, et toutes les villes détruites devant la face de Iahouh et de sa fureur».
(Chap. 5, v. 15): «J'amène sur vous une nation lointaine, une nation robuste, antique, dont vous ne connaissez point le langage, dont vous ne comprenez point les paroles…: son carquois est un sépulcre ouvert…; tous ses guerriers sont forts. Ils mangeront votre pain, votre moisson, vos enfants, vos bœufs, vos figues, vos raisins, etc.»
(Chap. 6, v. 1): «Enfants de Benjamin, fuyez de Jérusalem; sonnez de la trompette, parce que de l'aquilon vient un fléau, une dévastation».
Et (Ch. 8, v. 16 à 20): «Du côté de Dan on entend le bruit de leurs chevaux; la terre retentit de leurs violents hennissements; ils accourent; ils dévorent la terre et son abondance, la ville et ses habitants..... La moisson est passée, l'été est fini, et nous ne sommes pas délivrés».
Nous verrons ailleurs que cette dernière circonstance cadre très-bien avec la date de l'irruption des Scythes, que nous plaçons en 625.
Tous ces maux dépeints par Jérémie duraient donc depuis 4 ans, lorsque Helqiah tira de l'oubli ou du néant un livre qui devait sauver la nation en la régénérant; et cependant le danger qu'elle éprouvait de la part des Scythes n'était pas le seul. Deux puissances voisines, devenues plus ambitieuses depuis quelques années, menaçaient dans leur choc prochain d'écraser le petit royaume de Jérusalem: l'Égypte, d'une part, délivrée des guerres étrangères et civiles qui l'avaient long-temps déchirée, venait de concentrer toutes ses forces dans les mains de Psammitik; et ce prince heureux et habile, avait, par la prise d'Azot et de la Palestine, annoncé à la Syrie les projets d'agrandissement que poursuivit Nekos son fils. D'autre part, les rois de Babylone, héritiers de l'empire ninivite, renouvelaient, sur la Phénicie et la Judée, les prétentions et les attaques de Sennacherib et de Salmanasar. Selon la chronique des Jours52, l'un deux avait fait saisir et emmener captif le roi Manassé, grand-père de Josiah. Helqiah, grand-prêtre et régent en 638, avait pu être témoin de cet événement arrivé 18 ou 20 ans auparavant.—A l'époque présente, c'est-à-dire l'an 621, Nabopolasar, père de Nabukodonosor, régnait depuis 4 ans, et son règne préparait le règne de son fils. Une grande lutte s'annonçait entre l'Égypte et la Chaldée; et dans cette lutte, les politiques juifs ne pouvaient manquer de sentir que leur nation faible et d'ailleurs divisée d'opinions, était menacée d'une entière dissolution. Si le salut était possible, ce n'était qu'en réunissant les esprits, en ressuscitant le caractère national; et si cette pensée dut venir à quelqu'un, ce dut être au grand-prêtre Helqiah, qui, par la minorité du prince, se trouvant chef politique et religieux, eut l'avantage de réunir en sa personne et les connaissances, et l'intérêt, et les moyens d'exécuter une réforme, une régénération urgente. Cette idée une fois conçue, il ne lui resta plus à imaginer que le moyen. Un administrateur purement politique eût pu en apercevoir plusieurs; mais un homme de famille sacerdotale, imbu, dès son berceau, de la prééminence des institutions religieuses, qualifiées divines, ne pouvait en apercevoir que dans la religion et par la religion: celle de Moïse avait eu le pouvoir magique de changer une multitude esclave et poltronne en un peuple de conquérans fanatiques; il fut naturel à un prêtre juif, de penser qu'en rétablissant les institutions anciennes, l'on rétablirait la même ferveur. La religion de Moïse, comme toute autre et plus que toute autre, enseignait que tous les maux qui arrivaient au peuple, provenaient de ce qu'il violait ou négligeait la loi: un successeur de Moïse ne put avoir une autre doctrine et il ne dut éprouver d'embarras que dans le moyen d'exécution. S'il eût été possible d'évoquer le législateur, de ressusciter Moïse lui-même, ce moyen eût été le premier employé. Évoquer son livre, ressusciter sa loi, ne fut qu'une modification de cette idée assez naturelle..... Lors donc que Helqiah, sans un motif d'abord apparent, annonce avec éclat qu'il a trouvé le Livre de la loi, nous avons lieu et droit de penser que ce n'est point une invention fortuite, mais une opération méditée et préparée depuis du temps, concertée même avec quelques personnes nécessaires à l'exécution, spécialement avec Jérémie, dont le rôle et les écrits ont plusieurs rapports frappants avec certains textes du livre produit, ainsi que nous le verrons.
CHAPITRE VIII
Suite des preuves
MAIS que faut-il entendre par ce Livre de la Loi, découvert dans le temple et porté au roi? Les commentateurs qui veulent absolument que le Pentateuque soit l'ouvrage immédiat de Moïse, imaginent ici diverses hypothèses pour détourner l'idée qui s'offre d'abord: cependant tout esprit impartial qui voudra peser les circonstances accessoires, pensera probablement, comme nous, que ce livre ne saurait être autre que le Pentateuque tel que nous l'avons, et cela par plusieurs raisons qui se confirment réciproquement.
1° Parce que l'on n'aperçoit pas le moindre indice de l'existence du Pentateuque avant le roi Josiah, et que s'il eût été connu, un silence aussi absolu eût été une chose impossible.
2° Parce que depuis l'époque de Helqiah, nous trouvons le Pentateuque accrédité d'une manière imposante, et qu'il est habituellement désigné chez les Juifs sous le nom de Livre de la Loi. C'est ce livre qu'Esdras lut au peuple rassemblé aux portes du nouveau temple, et cette lecture, qui dura six matinées consécutives, nous donne précisément l'espace de temps qui convient à une lecture publique du Pentateuque.
Après Esdras, les docteurs l'appelèrent indifféremment Livre de la Loi ou Livre de Moïse, parce qu'il contient la loi de ce prophète; or il est facile de voir que ce fut cette expression qui introduisit l'usage de regarder Moïse comme son auteur: les Pharisiens consacrèrent cette opinion par bigoterie; puis, en haine des Saducéens, ils déclarèrent hérétiques quiconque la rejetterait.
3° Si le Pentateuque eût existé avant Josiah, il eût été connu du moins dans les hautes classes; et le jeune roi, élevé par le grand-prêtre, n'eût pu être surpris en entendant des préceptes qui s'y trouvent répétés cent fois. Au contraire, le Pentateuque n'ayant pas existé jusque-là, on conçoit l'épouvante vraie ou simulée de Josiah à la lecture des anathèmes terribles contenus dans les chapitres 27 et 28 du Deutéronome. Mais, nous dira-t-on, si le livre trouvé par Helqiah, fût le Pentateuque, et si, par toutes les raisons citées, Moïse ne put en être l'auteur, s'ensuivra-t-il que Helqiah l'ait composé de toutes pièces, et qu'on doive le regarder comme un livre entièrement supposé?
Nous n'admettons point cette conséquence exagérée; nous pensons seulement que ce grand-prêtre se proposant de ressusciter la loi de Moïse, généralement oubliée par les Juifs, a recherché tout ce qui a pu subsister d'écrits et de monuments relatifs à son but; qu'il a réellement pu trouver des écrits dont Moïse fut l'auteur mais plutôt en copie de seconde main qu'en original; qu'à raison des 800 ans écoulés depuis ce prophète, beaucoup de choses étant tombées en désuétude dans le langage, dans l'écriture, et dans les usages géographiques ou civils, il a fait de tous ces matériaux une refonte, une rédaction nouvelle, dans laquelle il a conservé beaucoup de fragments anciens, mais aussi dans laquelle il a introduit beaucoup de liaisons et d'explications de son propre chef. D'autre part nous rejetons aussi l'opinion de ceux qui veulent regarder tous les passages anachroniques comme des notes marginales introduites dans le texte par la succession des copistes; il suffit de lire avec attention ces passages et d'autres que nous ne citons pas, pour sentir qu'il font partie intégrante de la narration, et qu'il faudrait considérer des chapitres entiers comme des parenthèses. Les redites même, qui sont si nombreuses, prouvent cette rédaction par compilation telle que nous l'indiquons: il serait d'ailleurs
52
Les Paralipomènes.