Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome II. Constantin-François Volney

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Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome II - Constantin-François Volney

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reconnaissable sous le nom de Kosrou. Ce que Ferdousi rapporte de sa naissance clandestine, de son enfance passée dans l’état de berger, etc., ajoute encore à la ressemblance.

      Kê Kosrou eut de grandes guerres avec Afra-siab roi de Turkestan, qui, après bien des combats, fut tué en Adârbidjân, c’est-à-dire en Médie.... Un roi du Turkestan par-delà l’Oxus, qui vient se réfugier en Médie, au cœur des états de son ennemi, est une circonstance bizarre et absurde; mais si le Touran fut le pays montueux d’Atouria et de Media, comme nous l’avons dit, le récit devient naturel; Afrasiab est Astyag, à qui Kyrus fit en effet la guerre en Médie, et qui, selon Ktésias, fut ensuite tué par un eunuque chargé de l’amener à Kyrus.

      Kê Kosrou laissa un grand nom et passe pour un prophète. Parmi les variantes de son règne, il en est une qui lui donne une durée de 30 ans. Tout cela convient à Kyrus. Il est très probable que c’est à ce prince même qu’il faut attribuer les variantes sur le règne de son aïeul, et la suppression des faits véritables qui eussent été peu avantageux à son orgueil, et d’un exemple dangereux pour ses successeurs.

      Maintenant nous devrions trouver l’histoire de Cambyses et du mage Smerdis, tué par les conjurés, dont l’un (Darius, fils d’Hystasp) devint roi; mais la politique royale des Perses a encore supprimé le premier, à titre de fou furieux, et la politique sacerdotale des mages a supprimé le second, comme souvenir fâcheux du massacre de leur caste, arrivé alors. Pour remplir le vide, on a introduit, après Kosrou, mort sans enfants, le roi Lohr-asp, descendant supposé de Qobâd.

      Mirkond le peint cruel et fier, par opposition aux autres auteurs, qui le peignent bon et juste:

      «Devenu roi par élection, il eut des opposants qu’il réduisit bientôt au silence; il institua un tribunal de justice particulière pour l’armée; il établit une solde réglée, au lieu des pillages qu’exerçaient les soldats; il rendit la justice sur une estrade dorée, avec un rideau tendu devant sa personne, qui devint invisible, etc.»

      Tous ces traits conviennent à Déïokès. Écoutons Hérodote:

      «Déïokès ayant bâti son palais en la ville d’Ekbatanes, fut le premier qui établit pour règle que personne n’entrerait chez le roi; que toutes les affaires seraient traitées par l’entremise de certains officiers, qui lui en feraient leur rapport (c’est-à-dire, par des secrétaires d’état, des vizirs); que personne ne regarderait le roi; que l’on ne rirait ni ne cracherait en sa présence. Il institua ce cérémonial imposant, afin que ceux qui avaient été ses égaux ne lui portassent pas envie, et ne conspirassent pas contre sa personne.... Il pensa qu’en se rendant invisible, il passerait pour un être d’une espèce différente. Ces règlements établis, il rendit sévèrement la justice. Les procès lui étaient envoyés par écrit; il les jugeait et les renvoyait avec sa décision.... Quant à la police, il eut dans tous ses états des émissaires qui épièrent les discours et les actions de chacun (c’est-à-dire qu’il institua l’espionnage); et si quelqu’un faisait une injure, il le mandait et le punissait.» Hérodote, lib. I, §§ XCIX et C.

      N’est-ce pas là le portrait de Lohrasp? On ajoute que ce prince fit de grandes conquêtes, d’abord au levant, puis au couchant (en Asie mineure). Ce fut lui qui envoya en Palestine un de ses lieutenants, Raham, surnommé Bakhtnasar ou Naboukodon-asar; Raham détrôna le fils de David, qui y régnait alors, et il enleva du pays un butin immense56.

      Ici Lohrasp devient ce Kyaxar-Astibaras qui s’entendit avec Nabukodonosor (selon Eupolème), pour envoyer une armée contre Jérusalem; et en effet cette ville fut prise et rançonnée sous le roi Ioaqim.

      D’après tous ces récits, nos romanciers persans sont convaincus, comme Ktésias, de confusion d’époque, et de redoublement de personnes. Le fils de Lohrasp, appelé Kestasp, prince inquiet, ambitieux, se retire chez Afrasiab, roi de Touran, Mirkond dit chez Kaisar, roi de Roum (Cæsar, roi des Romains), dont il épouse la fille, par une suite d’aventures romanesques: il fait déclarer la guerre à son père, et conduit l’armée contre lui. Lohrasp, pour épargner le sang, lui résigne la tiare, se retire dans un couvent et périt, comme nous l’avons vu dans l’article de Zoroastre.

      Ceci est un mélange de l’histoire d’Astyag, marié en Lydie, et de celle de Kyrus détrônant Astyag, le tout arrangé selon la convenance d’Ardéchir et de ses mages, ou de quelque roi parthe avant lui; la suite ne vaut pas la peine d’être examinée: mais jetons un coup d’œil sur la dynastie Piche-dâd.

      § VI.

      Dynastie Piche-Dâd

      Si les Kêaniens ont été les Mèdes, leurs prédécesseurs devraient être les Assyriens de Ninive. Nos romanciers ne citent et ne connaissent pas un seul de ces noms, et cependant ils disent que leurs monuments sont anciens. Kéomors fut, selon eux, le premier homme ou roi. Nous saurons bientôt qu’en penser.

      Le cinquième des Piche-dâd fixe d’abord notre attention; nous croyons le reconnaître dans tous ses traits et même dans son nom. Écoutons les chroniques:

      «Djem-Chid régnait depuis 5 ou 600 ans sur la Perse (les années ne coûtent rien): il résidait à Estakar, qu’il avait embellie; il y avait «fait une entrée triomphale à l’équinoxe du printemps, le jour où le soleil entrait au bélier; et de là vint le Naurouz des Perses.... Il avait divisé la nation en trois classes, les guerriers, les laboureurs, les artisans; il avait composé ou soumis sept provinces. Son règne était glorieux, lorsque Dieu, pour le punir d’avoir voulu se faire adorer, suscita contre lui un ennemi puissant, qui le renversa.

      «Cet ennemi fut Zohâk, qui, selon quelques auteurs, fut son parent; mais qui, de l’avis de tous, fut un prince Tâzi, c’est-à-dire arabe. Les uns le disent fils immédiat de Cheddâd, fils d’Aâd, ancien roi d’Iémen: d’autres disent seulement qu’il en descendait par Olouân ou Olouïan. Zohâk, à la tête d’une puissante armée, chassa Djemchid, qui disparut, et voyagea incognito pendant 100 ans sur toute la terre.... Devenu roi, Zohâk fut un tyran très-cruel; ce fut lui qui inventa divers supplices, entre autres celui de mettre en croix et d’écorcher vif: on lui donna divers surnoms, tels que Piour-asp, c’est-à-dire, en pehlevi, l’homme aux dix mille chevaux, parce qu’il marchait toujours escorté de dix mille chevaux arabes brillants d’or et d’argent (il est évident que ce fut un corps de cavalerie d’élite). On le nomma aussi tantôt Homairi, c’est-à-dire Homérite; tantôt Qaislohoub, c’est-à-dire le Qaisi aux armes étincelantes57; tantôt ajdehâc et mâr, c’est-à-dire serpent, par la raison qu’il avait sur les épaules deux serpens attachés à deux ulcères que le diable y avait imprimés par deux baisers. Pour remède, il avait conseillé à Zohâk d’y appliquer des cervelles d’hommes et d’enfants: on remplissait les prisons de victimes destinées à cette œuvre exécrable. Les geôliers, touchés de pitié, en laissèrent échapper quelques-uns, qui se réfugièrent dans les montagnes, et devinrent la souche des Kurdes. Deux enfants d’un forgeron de la capitale du Pars (la Perse) ayant été saisis, leur père, appelé Gao ou Kao, ameuta le peuple par ses cris, et devint chef d’abord d’une sédition, puis d’une armée régulière, dont l’étendard principal fut le tablier de cuir que Gao avait élevé au bout d’une perche. Ce tablier, qui ne cessa depuis d’être l’étendard royal, fut successivement enrichi de tant

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<p>56</p>

Que les Perses de Kyrus et de Darius, possesseurs de Babylone, aient cru que les rois de cette ville avaient toujours été leurs lieutenants et vassaux, cela se conçoit, parce que, relativement aux Mèdes, prédécesseurs des Perses, il y a un fond de vérité. Mais que les auteurs persans du XIe siècle viennent nous dire que Kyrus et Xercès n’étaient que des vassaux et des lieutenants d’un châh imaginaire, cela ne prouve que leur ignorance profonde de l’antiquité, et ne mérite aucune discussion. On ne peut voir sans regrets que M. Mouradja d’Ohson ait adopté et préconisé chez nous ces rêves asiatiques, dans son Tableau historique de l’Orient; mais l’on conçoit que né Arménien, élevé à Stamboul dans le respect et l’admiration d’un grand pouvoir, M. Mouradja, en devenant drogman et comte suédois, n’ait pu changer d’esprit comme de vêtement: son livre, que nous venons de citer, écrit sans ordre, sans indication d’aucune autorité, n’est propre qu’à donner des idées fausses et vagues, et ne doit, en aucun cas, être regardé comme une histoire de l’ancien Orient.

<p>57</p>

La racine lahab manque dans l’arabe (Voyez Golius), mais elle subsiste dans l’hébreu, qui, en plusieurs cas, explique très-bien le vieil arabe.