Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome II. Constantin-François Volney
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Voilà les contes populaires que débitent sérieusement, et que croient dévotement la plupart des historiens musulmans et parsis: certainement nous avons ici bien des fables; mais, sous leur broderie, nous avons aussi un fond de vérités historiques. Essayons de les démêler.
La Perse proprement dite (ayant pour capitale Estakar), envahie et subjuguée par un roi étranger, reporte nos idées vers l’Assyrien Ninus et le Mède Phraortes, seuls conquérans que lui connaisse l’histoire. Mais cet étranger, nous dit-on, fut un arabe, un Homairi, c’est-à-dire un roi sabéen. Nous en connaissons plusieurs; recherchons celui-ci: son père, ou l’un de ses pères, était le célèbre Cheddâd, fils d’Aâd, l’un et l’autre anciens rois d’Iémen; nous avons vu ces noms dans les traditions arabes de Schultens. Aboulfeda, parlant de Haret Arraies, nous a dit qu’il était fils de Cheddâd, fils d’Aâd58, anciens rois d’Iémen; Haret serait donc le Zohâk des Perses, comme il est, dans Ktésias, l’Arraïos allié de Ninus et coopérateur de ses conquêtes: or la Perse fut précisément l’une de ces conquêtes. D’autres circonstances viennent appuyer ces analogies: par exemple, le corps de dix mille chevaux arabes brillants d’or et d’argent, d’où, vient l’épithète de qaislohoub. En effet, plusieurs auteurs font Haret, fils ou partisan de Qais, nom qui, chez les Arabes, fut de toute antiquité celui d’un parti distingué par le drapeau rouge, en opposition au Iamani distingué par son drapeau blanc: enfin, l’invention du supplice en croix rappelle la cruauté de Ninus envers Pharnus, roi de Médie, et lie ensemble les récits de Ktésias, de Mirkond et d’Aboulfeda. Mais, selon Ktésias, la Perse, fut assujettie à l’empire assyrien, et non aux rois Tobbas, arabes; il faut donc supposer que Haret, en ayant fait la conquête comme lieutenant et allié de Ninus, l’ayant peut-être gouvernée quelque temps, a porté tout l’odieux de l’invasion, et qu’ensuite l’ayant remise aux Assyriens, le nom de Zohâk, que nous allons voir désigner tout être puissant malfaisant, a passé collectivement, selon le style oriental, à la dynastie entière de Ninus: de là ce règne de 1,000 ans, attribué à Zohâk, durée qui a quelque analogie avec les 1,070 que Velleïus attribue aux rois d’Assyrie59.
Si notre manière de voir est juste, Féridoun, vainqueur de Zohâk et libérateur de l’Irân, doit être Arbâk, vainqueur de Sardanapale et libérateur des Perses amenés par Gaô au secours des Mèdes; et réellement, ainsi qu’Arbâk, Féridoun est Mède de naissance; il vit en Aderbidjân ou Médie; il est de race royale, mais il vit en simple particulier. Il devient roi par élection, promu par Gaô, comme Arbâk l’est par Bélésys; il règne à Ourmi, ancienne capitale de la Médie propre; enfin il abdique, et tout indique qu’Arbâk dut abdiquer.
Ferdousi ajoute que la ville où Zohâk fut attaqué par Féridoun, s’appelait la Forte Nevehet, ou Nuhet; et c’est le nom oriental de Nin-nuh ou Nin-Nevet (séjour de Ninus), où Sardanapale fut attaqué par Arbâk. Quant à ce que le poète ajoute de son chef, que Nevehet est Aïlia, c’est-à-dire Jérusalem, on voit là l’ignorance historique et géographique du musulman, puisque le nom d’Aïlia ne fut introduit qu’au temps d’Adrien. C’est par suite de cette fausse interprétation que, décrivant la marche de Féridoun, Ferdousi lui fait traverser le Tigre, au bord duquel l’action se passa.
Un écrivain antérieur à ceux que nous copions, l’arménien Moïse de Chorène, a connu au 5e siècle (vers 450) toutes ces traditions perso-mèdes, et en nous présentant les noms de Zohâk et de Fridoun, sous une forme plus ancienne, il nous fournit d’utiles renseignements.
«Comment vous amusez-vous (dit-il à son ami Isaac Bagratou), comment vous amusez-vous des plates fables populaires sur Biour-asp-Azdahâk? Et comment m’imposez-vous la tâche de vous répéter les contes absurdes sur son bienfait-méfait, sur les démons qui le servent? de vous raconter comment Hrodan (ou Vrodan) le lia avec des chaînes d’airain, et l’emmena au mont Dembaouend? Comment Hrodan s’étant endormi en route, Biourasp l’entraînait vers une colline, lorsque Hrodan réveillé le conduisit à la caverne, où il l’enferma?… etc.» (p. 77).
Ici notre épithète connue de Piourasp, jointe à Azdehâk, nous prouve que ce dernier nom est la véritable forme ancienne de celui de Zohâk, et que les Persans modernes lui ont fait une mauvaise étymologie, en l’expliquant deh-âq, ou dix hontes. Moïse de Chorène est plus autorisé et mieux instruit qu’eux, lorsqu’il nous dit que, dans la langue arménienne [analogue en plusieurs points à l’ancien mède]60, le mot Azdehâk signifie draco, grand serpent; ce qui est le sens même du mot persan mâr, que nous avons vu être une épithète de Zohâk, ayant pour type fondamental le Draco borealis, génie de l’hiver et de tous ses maux, dont Zoroastre fit sa grande couleuvre, Ahrimân.
D’autre part, l’arménien Mosès nous dit, pag. 38, que le nom arménien et mède d’Astyag, fils de Kyaxar, était Azdehâk, qui n’en diffère que par l’échange des consonnes fortes avec les consonnes faibles (aSTuaG aZDehâK); d’où il résulte qu’Astyag, roi méchant et fourbe, fut aussi un Zohâk61; et ce nom dut être appliqué par les Arméniens et les Perses à toute la dynastie mède; car, d’une part, Mosès ajoute que dans les vieilles chansons des paysans de son temps, la race d’Astyag était appelée race des Dragons: et d’autre part, si nous analysons le nom de Dêïôk dans sa prononciation grecque, nous y trouvons nettement Dohâk, synonyme incontestable de Zohâk.
Alors que les rois mèdes, et spécialement Astyag, ont, comme les Assyriens et Sardanapale, reçu des peuples opprimés le nom de Zohâk ou de génies du mal, leur libérateur Féridoun devra se trouver Kyrus, qui effectivement le fut comme Arbâk. Dans les récits de Moïse de Chorène, Hrodan ou Urodan est le mot même de Fridoun ou Féridoun, attendu que les Arméniens ne prononçant pas f, ils le remplacent par H, comme font les Espagnols dans les mots hijo, hacer, hierro, etc., pour fijo, facere, ferro. Ce qu’ajoute une autre tradition persane, «que Féridoun, après avoir vaincu Zohâk, envoya en Abissinie une armée contre Koûs-Fil-Dendan, c’est-à-dire contre l’Éthiopien aux dents d’éléphant, frère de Zohâk»; ce récit, qui porte un caractère antique dans ses expressions, ne peut convenir à Arbâk, et convient très-bien à Kyrus, dont le fils Cambyses fit la guerre aux Éthiopiens, que nous savons être une race fraternelle des Homérites; enfin cet entraînement d’Azdebâk au mont Dembaouend; convient encore à Kyrus, qui, selon Ktésias62, confina Astyag chez les Barcaniens ou Hyrcaniens, dans le pays desquels se trouve le mont Dembaouend: ceci nous expliquerait un fait historique cité par Mirkoud:
«63Vers l’an 1000 de notre ère, dit-il, lorsque Mahmoud Sebecteghin détruisit la dynastie des princes de Gaur, la tradition du pays était qu’ils descendaient des enfants de Zohâk, auxquels Féridoun laissa la vie, en transportant leur père au Dembaouend.»
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Il est évident que ce nom d’
Dans leurs récits mêlés de fables, les auteurs arabes citent, relativement à
«Aâd eut un grand nombre d’enfants dont trois régnèrent après lui (savoir):
Le
«Dans son livre des
Il faut laisser à l’écart toutes les fables que les écrivains ont brodées sur ce riche canevas: les 200 ans de
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La qualité de parent de Djemchid se trouve même en harmonie avec la tradition citée par
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On trouve dans l’ancienne Arménie le mont
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Si l’on observe qu’en parlant de la défaite d’Astyag par Tigrane et Kyrus,
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Ktésias dans Photuis, p. 110.
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