Aristophane; Traduction nouvelle, tome premier. Аристофан
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Tu composes juché en l'air, quand tu peux être en bas. Il n'est pas étonnant que tu crées des boiteux. Et pourquoi as-tu ces haillons tragiques, ces vêtements pitoyables? Il n'est pas étonnant que tu crées des mendiants. Mais, je t'en prie à genoux, Euripidès, donne-moi les haillons de quelque vieux drame. J'ai à débiter au Chœur un long discours, qui me vaudra la mort, si je parle mal.
Quelles guenilles veux-tu? Celles que portait, dans son rôle, Œneus, cet infortuné vieillard?
Non; pas celles d'Œneus, mais d'un plus malheureux encore.
De Phœnix l'aveugle?
Non, pas de Phœnix, non, mais il y en avait un autre plus malheureux que Phœnix.
Mais quelles sont les loques d'habits dont parle cet homme? Parles-tu de celles du mendiant Philoktétès?
Non, d'un autre, beaucoup, beaucoup plus mendiant.
Sont-ce les vêtements crasseux que portait le boiteux Bellérophôn?
Pas Bellérophôn. Mon homme était boiteux, mendiant, bavard, disert.
Je sais, le Mysien Téléphos.
Oui, Téléphos: donne-moi, je t'en prie, ses haillons.
Esclave, donne-moi les guenilles de Téléphos. Elles traînent au-dessus des loques de Thyestès, mêlées à celles d'Ino.
Les voici, prends.
O Zeus, dont l'œil voit et pénètre partout, laisse-moi me vêtir comme le plus misérable des êtres. Euripidès, puisque tu m'as accordé ceci, donne-moi, comme complément de ces guenilles, le petit bonnet qui coiffait le Mysien. Il me faut aujourd'hui avoir l'air d'un mendiant, être ce que je suis, mais ne pas le paraître. Les spectateurs sauront que je suis moi, mais les khoreutes seront assez bêtes pour être dupes de mon verbiage.
Je te le donnerai, car ta subtilité machine des finesses.
«Sois heureux, et qu'il arrive à Téléphos ce que je souhaite. » Très bien! Comme je suis bourré de sentences! Mais il me faut un bâton de mendiant.
Prends, et éloigne-toi de ces portiques.
O mon âme, tu vois comme on me chasse de ces demeures, quand j'ai encore besoin d'un tas d'accessoires. Sois donc pressante, quémandeuse, suppliante. Euripidès, donne-moi une corbeille avec une lampe allumée.
Mais, malheureux, qu'as-tu besoin de ce tissu d'osier?
Je n'en ai pas besoin, mais je veux tout de même l'avoir.
Tu deviens importun: va-t'en de ma maison.
Hélas! Sois heureux comme autrefois ta mère!
Va-t'en, maintenant.
Ah! donne-moi seulement une petite écuelle à la lèvre ébréchée.
Prends, et qu'il t'arrive malheur! Sache que tu es un fléau pour ma demeure.
Oh! par Zeus! tu ne sais pas tout le mal que tu me fais. Mais, mon très doux Euripidès, plus rien qu'une marmite doublée d'une éponge.
Hé, l'homme! tu m'enlèves une tragédie. Prends et va-t'en.
Je m'en vais. Cependant que faire? Il me faut une chose, et, si je ne l'ai pas, c'est fait de moi. O très doux Euripidès, donne-moi cela, car je m'en vais pour ne plus revenir. Donne-moi dans mon panier quelques légères feuilles de légumes.
Tu me ruines. Tiens, voici; mais c'en est fait de mes drames.
C'est fini; je me retire. Je suis trop importun, je ne songe pas que «je me ferais haïr des rois». Ah! malheureux! Je suis perdu! J'ai oublié une chose dans laquelle se résument toutes mes affaires. Mon petit, mon très doux, mon très cher Euripidès, que je meure de male mort, de te demander encore une seule chose, seule, rien qu'une seule! Donne-moi du skandix, que tu as reçu de ta mère.
Cet homme fait l'insolent: fermez la porte au verrou.
O mon âme, il faut partir sans skandix. Ne sais-tu pas quel grand combat tu vas combattre sans doute, en prenant la parole au sujet des Lakédæmoniens? Avance, mon âme: voici la carrière. Tu hésites? N'as-tu pas avalé Euripidès? Je t'en loue. Voyons, maintenant, pauvre cœur, en avant, offre ensuite ta tête, et dis tout ce qu'il te plaira. Hardi! Allons! Marche. Je suis ravi de mon courage.
Que vas-tu faire? Que vas-tu dire? Songe que tu es un résolu, un homme de fer qui livre sa tête à la ville, et qui va, seul, contredire tous les autres.
Notre homme ne recule pas devant l'entreprise. Allons, maintenant, puisque tu le veux, parle.
Ne m'en veuillez point, citoyens spectateurs, si, tout pauvre que je suis, je m'adresse aux Athéniens au sujet de la ville, et en acteur de trygédie. Or, la trygédie sait aussi ce qui est juste. Mes paroles seront donc amères, mais justes. Certes, Kléôn ne m'accusera point aujourd'hui de dire du mal de la ville en présence des étrangers. Nous sommes seuls: c'est la fête des Lénæa; les étrangers n'y sont pas encore; les tributs n'arrivent pas, ni les alliés venant de leurs villes. Nous sommes donc seuls et triés au volet; car les métèques, selon moi, sont aux citoyens ce que la paille est au blé.
Je déteste de tout mon cœur les Lakédæmoniens: et puisse Poséidon, le dieu du Tænaron, leur envoyer un tremblement qui renverse toutes leurs maisons! Et de fait, mes vignes ont été coupées. Mais, voyons, car il n'y a que des amis présents à mon discours, pourquoi accuser de tout cela les Lakoniens? Chez nous, quelques hommes, je ne dis pas la ville, souvenez-vous bien que je ne dis pas la ville, quelques misérables pervers, décriés, pas même citoyens, ont accusé les Mégariens de contrebande de lainage. Voyaient-ils un concombre, un levraut, un cochon de lait, une gousse d'ail, un grain de sel: «Cela vient de Mégara!» et on le vendait sur l'heure. Seulement, c'est peu de chose, et cela ne sort pas de chez nous. Mais la courtisane Simætha ayant été enlevée par des jeunes gens ivres, venus à Mégara, les Mégariens, outrés de douleur, enlèvent, à leur tour, deux courtisanes d'Aspasia; et voilà la guerre allumée chez tous les Hellènes pour trois filles. Sur ce point, du haut de sa colère, l'Olympien Périklès éclaire, tonne, bouleverse la Hellas et fait une loi qui, comme dit le skolie, interdit aux Mégariens de «séjourner sur la terre, sur l'Agora, sur la mer et sur le continent». Alors les Mégariens, finissant par mourir de faim, prient les Lakédæmoniens de faire rapporter le décret rendu à cause des filles de joie. Nous ne voulons pas écouter leurs demandes réitérées, et dès lors commence un fracas de boucliers. Quelqu'un va dire: «Il ne fallait