La Fille Aux Arcs-En-Ciel Interdits. Rosette
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“Quelle est votre âge, Mademoiselle Bruno?”
“Vingt-deux, monsieur” répondis-je, enveloppée encore par la profondeur de ses yeux.
“Je suis vraiment vieux pour toi, Mademoiselle Bruno” dit-il avec un petit rire. Donc il baissa le regard, et la nuit froide retourna à l’envelopper entre ses nœuds, plus cruel qu’un serpent. Toute trace de chaleur disparait. “Dans tout cas vous pouvez rester tranquille. Vous ne devriez craindre des harcèlements sexuels tandis que vous dormez dans votre lit. Comme vous voyez, je suis condamné à l’immobilité”.
Je me tus, puisque je ne savais quoi répondre. Son ton était amer et sans espoir, le visage sculpté dans la pierre.
Ses yeux sondèrent les miens, à la recherche de quelque chose qu’il semblait ne pas trouver. Il se concéda un petit sourire. “Au moins il n’y a pas de pitié en vous. Cela me réjouis. Je ne la veux pas, j’n’en ai pas besoin. Je suis plus heureux que beaucoup d’autres personnes, Mademoiselle Bruno, parce que je suis libre, complètement, absolument”. Il plissa les sourcils. “Qu’est-ce que vous faites encore ici? Vous pouvez aller”.
Le congés brusque me troubla. Je me soulevai indécise, et il en profita pour donner libre cours à sa colère sur moi.
“Vous êtes encore ici? Qu’est-ce que vous voulez? Déjà votre salaire? Ou vous voulez parler de votre jour de liberté?” Il m’accusa en colère.
“Non, Monsieur Mc Laine”. Je me dirigeai maladroitement vers la porte. J’avais déjà la main sur la poignée quand il m’arrêta.
“A neuf heure demain matin, Mademoiselle Bruno. Je suis en train d’écrire un nouveau livre, le titre est Morts sans sépulture. Vous le trouvez affreux?” Son sourire devint plus grand.
Le saute brusque d’humeur devait être un trait dominant de son charactère. J’essayais de m’en rappeler pour l’avenir, autrefois je pouvais risquer de crises de nerfs une vingtaine de fois par jour. “Il semble intéressant, monsieur” Je répondis avec prudence.
Il renversa la tête en arrière, et il explosa dans une bonne poliade. “Intéressant! Je parie que vous n’avez jamais lu un de mes livres Mademoiselle Bruno. Vous me semblez trop sensible... Tu ne dormirais pas pendant toute la nuit, harcelée par tes cauchemars...” Il rit encore, en sautant du tu au vous avec la même rapidité de ses sautes d’humeur.
“Je ne suis pas ainsi sensible qu’il n’y paraît, monsieur” répondis-je contrite, en déclenchant une autre vague de rire.
Il manœuvra le fauteuil roulant avec ses mains et une habilité féline admirable, acquise après années et années d’habitude, et il se porta à une vitesse extraordinaire aux mes côtés. Il était si proche à rendre inutile toute ma tentative de formuler une pensée rationnelle. Je reculai instinctivement d’un pas. Il fit semblance de ne pas remarquer mon déplacement, et il indiqua la librairie à ma droite.
“Prends le quatrième livre de gauche, troisième étagère”.
Obéissante, je saisis le livre qu’il m’indiquait. Le titre m’était familier puisque j’avais fait une recherche sur lui sur Internet avant de partir, toutefois je n’avais jamais lu rien écrit par lui. L'horreur n’était pas mon genre, décidemment plus apte à palais forts, et inapte au mien, délicat et romantique.
“Zombies en chemin” je lus à haute voix.
“Il est le plus indiqué pour commencer. Il est le moins... comment dire? Moins peureux?” Il rit aux éclats, en se moquant clairement de moi, et du malaise décidemment peu voilé qui transparut par les pores de mon corps.
“Pourquoi tu ne le commences à lire ce soir? Juste pour te préparer à ton nouveau travail” suggéra-t-il, les yeux riants.
“Ok, je le ferai” répondis-je avec peu d’enthousiasme.
“A demain matin, Mademoiselle Bruno” il me congédia, l’air encore grave. “Ferme-toi dans ta chambre, je ne voudrais pas que les esprits du palais, ou quelque autre redoutable créature nocturne, viendraient te visiter cette nuit. Tu sais...” Il fit une pause, un éclair de drôle dans le noir de ses yeux. “Comme Je t’ai dit avant, il est difficile de trouver employées par ici ”.
J’essayais un sourire, peu convaincant, tout bien considéré.
“Bonne nuit Monsieur Mc Laine”. Avant de fermer la porte, la répartie me sortit des lèvres, sans que je pusse la retenir.
“Je ne crois pas aux esprits ou aux créatures nocturnes”.
“Vous êtes sûre?”
“Il n’existe aucune preuve de leur existence, monsieur” je répondis, en lui signant involontairement.
“Néanmoins du fait qu’ils n’existent pas” répliqua-t-il. Tourna le fauteuil roulant, et il reviendra derrière le bureau.
Je fermai délicatement la porte, le cœur sous les pieds. Peut-être qu’il avait raison, et les zombies existent. Parce que dans ce moment je me sentais une d’eux. Etourdie, le cerveau en tilt, suspendue dans des limbes dans lesquels je ne savais plus distinguer entre réel et irréel. Il était pire que ne savoir pas distinguer les couleurs.
Je dînai sans conviction en compagnie de Madame Mc Millian, la tête ailleurs, avec une toute autre compagnie. Je craignais que je l’eusse récupérée seulement le lendemain matin, en retournant chez celui au près duquel je l’avais laissée. Quelque chose me disait qu’ils n’étaient pas de bonnes mains celles auxquelles mon cœur confiant l’avait livrée.
Je me rappelle très peu de la conversation de ce soir avec la gouvernante. Elle parlait toute seule, incessante. Elle semblait au septième ciel pour avoir finalement quelqu’un avec lequel parler. Ou plutôt, qui l’écoutait. J’étais parfaite en ce sens. Trop polie pour l’interrompre, trop respectueuse pour montrer mon désintérêt, trop occupée pour penser à autre pour avertir la nécessité de rester seule. Dans tout cas j’aurais pensé à lui.
Dans ma chambre, une heure plus tard, assise tranquillement dans mon lit, la tête appuyée sur les coussins, j’ouvris le livre en me plongeant dans la lecture. A la deuxième page j’étais déjà terrifiée, et répréhensiblement, en considérant qu’il s’agissait simplement d’un livre.
Malgré le bon sens duquel, en théorie, j’étais bien douée, l’atmosphère dans la chambre devenait asphyxiante, et le désir de prendre l’air devint urgent.
A pieds nus je traversai la chambre dans la pénombre et j’ouvris grande la fenêtre. Je m’assis sur le rebord, en m’immergeant dans la nuit tiède de début été, le silence déchiré seulement par le striduler des grillons et le rappel d’une chouette. Il était beau d’être là, loin années-lumière de la frénésie de Londres, de ses rythmes pressants, toujours au fil de l’hystérie. Le nuit était un édredon noir, à part la blancheur de quelques étoiles ici et là. J’aimais la nuit, et je pensai oisivement que j’aurais aimé d’être une créature nocturne. L’obscurité était mon alliée. Sans lumière tout est noir, et mon incapacité génétique de distinguer les