Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин

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Jane Austen: Oeuvres Majeures - Джейн Остин

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bien ! voyez comme il est drôle, il est dans ses humeurs de ne pas m’écouter.

      Maria en faisait bien autant. En entrant elle parcourut le salon d’un regard ; il n’y était pas, et pour elle il n’y avait personne. Elle s’assit tristement dans un coin, également mal disposée pour avoir du plaisir ou pour en donner. Il y avait environ une heure qu’ils étaient rassemblés, lorsque M. Palmer sortant de sa rêverie, s’avança en bâillant auprès d’Elinor, exprima sa surprise de la voir en ville, quoique ce fût chez lui que le colonel Brandon eût appris leur arrivée. D’honneur, je croyais que vous passiez tout l’hiver en Devonshire.

      — Vraiment, dit Elinor en riant.

      — Quand y retournez-vous ?

      — Je l’ignore. Les violons arrivèrent ; la conversation finit ; on se prépara à danser. Jamais Maria n’avait été si peu en train. Enfin cette mortelle soirée finit, sans avoir encore vu Willoughby. Je n’ai de ma vie été plus fatiguée, dit Maria en entrant dans la voiture ; le parquet n’a point d’élasticité.

      — Ne cherchez pas chicane à ce pauvre parquet, dit en riant madame Jennings ; vous l’auriez trouvé assez bon si vous l’aviez parcouru avec quelqu’un que je ne veux pas nommer ; vous ne seriez alors pas du tout fatiguée. À dire vrai, ce n’est pas trop honnête à lui de ne pas venir danser avec vous, quand il était invité.

      — Invité ! s’écria Maria, il était invité !

      — Oui, ma fille me l’a dit, et sir Georges aussi, qui l’a rencontré ce matin, et l’a fort pressé de venir.

      Maria ne dit plus rien, mais sa contenance annonçait combien elle était blessée. Elinor l’était aussi, et résolut d’écrire à sa mère le matin suivant, d’éveiller ses craintes sur la santé de Maria, et de l’engager à exiger sa confiance. Elle fut confirmée dans cette résolution en s’apercevant le lendemain après déjeûner que Maria écrivait à Willoughby. Car à qui d’autre qu’à lui pouvait-elle écrire ?

      Avant dîner madame Jennings sortit pour quelques affaires. Elinor commença sa lettre. Maria trop inquiète pour lire, trop agitée pour travailler, allait d’une fenêtre à l’autre, ou se promenait dans la chambre les bras croisés, ou assise devant le feu dans une attitude mélancolique.

      Elinor fut très-pressante dans ses supplications à leur mère ; elle lui racontait tout ce qui s’était passé depuis leur arrivée, ses soupçons sur l’inconstance de Willoughby, et la conjurait au nom de ses devoirs de mère et de sa tendresse pour Maria, d’exiger d’elle un aveu positif de sa situation.

      Sa lettre était à peine finie, qu’un coup de marteau annonça une visite. Maria fatiguée d’espérer, se hâta de sortir pour ne pas entendre annoncer une autre personne que Willoughby. Un regard amical sur Elinor fut interprêté par cette dernière comme une prière muette de la faire demander si c’était lui. Ce n’était pas lui ; c’était encore le bon colonel Brandon. Il paraissait plus triste qu’à l’ordinaire. Après avoir exprimé à Elinor sa satisfaction de la trouver seule, comme s’il avait quelque chose de particulier à lui dire, il s’assit à côté d’elle en silence, et comme oppressé de ses pensées. Elinor persuadée qu’il avait quelque chose à lui communiquer qui concernait sa sœur, attendait impatiemment qu’il commençât. Ce n’était pas la première fois qu’elle avait cette conviction. Souvent déjà, quand Maria sortait ou restait rêveuse dans un coin du salon, le colonel s’approchait d’Elinor, lui disait avec l’air du plus grand intérêt : mademoiselle Maria n’est pas bien aujourd’hui, ou bien : Votre sœur est bien absorbée… Il s’arrêtait, il hésitait. Elle voyait dans son regard qu’il avait quelque chose à dire de plus, qu’il n’osait pas prononcer. Cette fois après quelques instans d’hésitation, après s’être levé et rassis, il lui demanda d’une voix tremblante quand il pourrait la féliciter de l’acquisition d’un frère. Elinor n’était pas préparée à cette question, et n’ayant pas de réponse prête, elle fut obligée de dire, comme on dit toujours ; je n’entends pas… je ne comprends pas… parlez-vous de mon frère John ! Sont-ils arrivés !…

      Il essaya de sourire et répliqua avec une espèce d’effort : Vous ne voulez pas me comprendre. J’entends… les engagemens de votre sœur avec M. Willoughby de Haute-Combe,… Ils sont connus généralement ; et j’ai cru…

      — Ils ne peuvent être connus, dit Elinor, puisque la famille les ignore.

      Il parut très-surpris. — Je vous demande mille pardons, dit-il ; je crains à présent que mes questions n’aient été très-indiscrètes ; mais je ne pouvais imaginer qu’il y eût du mystère, puisqu’ils correspondent ouvertement, et que tout le monde parle de leur mariage.

      — Tout le monde en parle dites-vous ! vous me surprenez toujours davantage. Dites-moi, je vous en prie, par qui vous en avez été informé.

      — Par plusieurs personnes. Il y en a que vous ne connaissez pas, d’autres avec qui vous êtes très-liée, comme par exemple madame Jennings, les Palmer, les Middleton. Malgré cela, je ne l’aurais pas cru, parce qu’on cherche toujours à douter de ce que l’on craint, mais l’autre matin en entrant ici, je vis accidentellement une lettre entre les mains du domestique, qui ne cherchait pas à la cacher. Elle était adressée à M. Willoughby et de l’écriture de votre sœur. Je vous ai demandé si elle se mariait, mais j’en étais déjà convaincu. Est-ce que tout est conclu définitivement ? ne me reste-t-il aucun espoir ? Mais non, lors même qu’il y aurait des obstacles insurmontables, je n’ai aucun droit, aucune chance de jamais succéder… De grâce excusez-moi, bonne Elinor ; j’en dis trop sans doute et j’ai grand tort, mais je sais à peine ce que je dis et je me confie entièrement en votre prudence. Dites-moi que tout est arrangé quoiqu’il faille encore garder le secret quelque temps, Ah ! combien j’ai besoin d’être sûr que mon malheur soit décidé, de ne plus rester en suspens, et d’employer toutes les forces de mon ame à me guérir d’un sentiment inutile et coupable !

      Ces paroles incohérentes, cet aveu positif de son amour pour Maria, affectèrent beaucoup Elinor, au point même de l’empêcher de parler ; et, quand elle se sentit un peu remise, il succéda à ce trouble un extrême embarras de répondre convenablement. L’état réel des choses entre sa sœur et M. Willoughby lui était trop peu connu pour qu’elle ne craignit pas de la compromettre en disant trop ou trop peu. Cependant, comme elle était convaincue de l’affection de sa sœur pour Willoughby, qui ne laissait aucun espoir au colonel quelque fût l’événement, étant bien aise d’ailleurs d’épargner à Maria le blâme auquel elle donnait lieu si souvent, elle jugea plus prudent d’en avouer davantage qu’elle n’en croyait elle-même : elle lui dit donc que quoi qu’elle n’eût jamais été informée par eux-mêmes des termes où ils en étaient, elle n’avait aucun doute de leur affection mutuelle, et qu’elle n’était pas surprise d’apprendre leur correspondance.

      Le colonel l’écouta avec une silencieuse attention, et, quand elle eut cessé de parler, il se leva et dit avec une voix émue : Je souhaite à votre sœur tous les bonheurs imaginables. Puisse-t-elle, puisse Willoughby mériter la félicité qui leur est destinée ! Il la salua de la main, leva les yeux au ciel avec l’expression la plus douloureuse, et partit.

      Elinor resta triste et pensive. Cet entretien loin de lui avoir apporté quelque consolation, laissait un poids sur son cœur. Ses espérances du mariage de sa sœur s’étaient, il est vrai, renouvelées ; mais serait-elle heureuse ? Les vœux du colonel avaient quelque chose de sombre ; il semblait en douter. Le malheur de cet homme intéressant l’affligeait aussi. Elle déplorait la fatalité qui l’avait entraîné dans un amour sans espoir ; et cette conformité

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