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seule chose qu’elle avait vraiment aimé, mettre tout son cœur à l’ouvrage et peut-être restaurer l’héritage qui aurait toujours dû être le sien.

      – Je…, Lex déglutit difficilement, essayant de ne pas pleurer et cherchant ses mots. Je sais que je peux réussir.

      Sa mère souffla de l’autre côté du fil, sa respiration grésilla dans le combiné.

      – J’allais te proposer de prendre en charge ton loyer jusqu’à ce que tu retombes sur tes pieds, mais tu peux faire une croix sur ton investissement, dit-elle fermement. Je ne te donnerais pas d’argent supplémentaire tant que tu n’auras pas abandonné ce rêve ridicule. Jusqu’à ce que tu grandisses et que je sois sûre que tu ne dépenses pas mon aide dans tes histoires de contes de fées. J’enverrai mes chèques directement à ton propriétaire. J’ai déjà ses coordonnées vu que je t’ai aidé avec ta caution.

      – Maman ! s’écria Lex.

      Comment pouvait-elle faire ça ? Elle savait que Lex aurait beaucoup de mal, même pour les petites choses comme les courses et elle était assez aisée pour l’aider. Même si elle était soulagée de ne pas avoir à se préoccuper de son loyer, c’était aussi un calvaire de devoir accepter la charité de sa mère. Surtout si elle s’accompagnait de la condition d’abandonner son rêve si rapidement.

      – C’est pour ton bien, ma chérie, dit sa mère gentiment malgré le ton grave de sa voix. Tu sais que je t’aime et que Roger tient aussi à toi. Mais je ne vais pas financer cette obsession ridicule. Reprends-toi en main et reviens à la réalité. Nous serons là pour toi à ce moment-là.

      L’appel se coupa et Lex regarda le combiné dans sa main en se demandant comment sa propre mère pouvait avoir autant tort.

      Elle allait devoir trouver un autre moyen de réaliser son rêve.

      CHAPITRE QUATRE

      Lex s’aspergea le visage d’eau, observant son reflet dans le miroir. Elle y voyait le même visage qu’elle avait toujours eu : des lèvres pulpeuses qu’elle avait héritées de sa mère, des yeux marron foncé surmontés par ses sourcils parfaitement dessinés et son nez retroussé. Tout cela encadré par ses cheveux : une frange coupée juste au-dessus des sourcils, le reste tombant jusqu’aux épaules.

      – Alexis Blair, dit-elle en se regardant droit dans les yeux. Tu peux le faire. Tu vas réaliser ton rêve.

      Elle se fixa quelques minutes de plus, jusqu’à ce qu’elle soit sûre d’être convaincue puis elle se détourna et s’essuya les mains. Sa vie semblait mal engagée : elle était au chômage, célibataire et devait compter sur sa mère pour payer son loyer.

      Ça ne voulait pas dire que son rêve était sans espoir.

      – Toucher le fond, se dit-elle à voix haute pour mieux se réconforter, signifie que tu peux repartir de zéro. Tu n’as plus rien à perdre. C’est ton moment.

      Elle s’assit en face de son ordinateur, sentant son sang crépiter d’excitation et d’anticipation. Elle pouvait le faire, elle y arriverait.

      Lex y avait bien réfléchi depuis l’appel de sa mère quelques heures auparavant, et elle n’avait pas beaucoup d’options devant elle. Elle ne pouvait pas ouvrir une librairie sans capital et elle n’en avait pas assez pour demander un prêt à la banque. De plus, il lui faudrait du temps pour faire ses recherches : trouver un emplacement, des fournisseurs, calculer les coûts et monter un business plan. Et du temps, elle n’en avait pas.

      Elle savait qu’une librairie d’occasion était un projet viable. Par exemple, la librairie The Strand à New York avait tellement de succès qu’elle était célèbre dans le monde entier ! Lex n’avait même pas besoin d’être célèbre. Elle devait juste gagner assez d’argent pour en vivre. Ce n’était pas invraisemblable.

      Pour se lancer, elle avait d’abord besoin d’un travail. Pour autant, ça ne voulait pas dire que ce travail devait être une perte de temps : un autre détour dans la quête de son rêve. Il pourrait même l’aider à l’atteindre. Elle avait commencé comme éditrice pour apprendre à connaître le marché et elle avait réussi. Maintenant elle voulait du concret, de l’expérience.

      Et si elle voulait ouvrir une librairie d’occasion dans une petite ville, alors la meilleure préparation ne serait-elle pas de travailler dans une librairie d’occasion dans une petite ville ?

      Lex fit craquer ses doigts, fixant la page ouverte du moteur de recherche devant elle. Elle devait trouver l’endroit idéal : un magasin qui vendait des livres d’occasion et surtout qui cherchait à embaucher. Elle n’était pas difficile, elle préfèrerait une position de manager qui payait mieux pour l’aider à économiser, mais peu importe. Elle pouvait se serrer la ceinture, déménager dans un plus petit espace quand sa mère arrêterait de couvrir son loyer, manger des nouilles trois fois par jour, tout ce qu’il faudrait pour mettre de l’argent de côté.

      Elle ferait en sorte que ça fonctionne.

      Lex tapa quelques mots-clés et commença à parcourir les sites de recrutement pour voir ce qu’elle pourrait trouver à Boston. Les grosses chaînes de magasins embauchaient, mais ça ne collerait pas. Elle avait besoin d’un magasin indépendant qui ne profitait pas des avantages d’un gros budget marketing et de vente en gros pour s’en sortir. De plus elle cherchait des livres d’occasion, pas du neuf. La vente d’occasion n’avait rien à voir avec la vente de nouveautés. C’était sans doute ce qui avait fait échouer son père. Se lancer dans un secteur de l’industrie du livre qu’il ne connaissait pas aussi bien qu’il le pensait.

      Il y avait quelques librairies d’occasions que Lex connaissait déjà dans le coin, du moins assez proche pour qu’elle puisse s’y rendre en voiture, mais aucune n’avait de poste à pourvoir. Elle aurait souhaité rester en ville pour garder son appartement, mais plus elle cherchait, moins elle y croyait. Lex se mordit la lèvre et changea les paramètres de recherche pour regarder plus loin, espérant ne pas chercher une opportunité qui n’existait pas.

      Après avoir écarté quelques offres qui ne correspondaient pas à ses critères, il ne lui en resta plus qu’une. Dans les quatre-vingts kilomètres autour de Boston, il n’y avait qu’une librairie d’occasion qui embauchait et ce n’était qu’un poste d’assistant commercial. C’était assez loin, elle ne pourrait donc pas garder son appartement. Non pas que ce soit une mauvaise chose. Au moins elle n’aurait plus à compter sur l’aide de sa mère, ce qui aurait été mauvais pour son égo.

      Lex vérifia le salaire et faillit recracher son café. Il était élevé, le triple des autres offres qu’elle avait consultées. Même plus élevé que le salaire qu’elle touchait chez Enlivrez-vous.

      Il devait y avoir erreur. Pourquoi une assistante commerciale gagnerait autant dans une librairie d’occasion ?

      Lex ouvrit un nouvel onglet et tapa le nom du magasin, La Curieuse Librairie. Il n’y avait qu’un résultat, une image tirée de Street View montrant un petit magasin pittoresque situé dans un ancien bâtiment charmant. La façade était composée de boiseries et de briques apparentes. Il y avait un énorme « 36  » en cuivre au-dessus de la porte et Lex réalisa avec stupeur que la librairie de son père avait possédé le même numéro.

      La coïncidence était étrange. Même si ça ne voulait rien dire, évidemment. Mais voir ces chiffres faillit lui tirer une larme. C’était peut-être le signe qu’elle devait se lancer.

      Vérifiant

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