Cara. Hector Malot

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      Lorsqu'elle avait pris le bras de son fils, c'était en mère qu'elle lui avait tout d'abord parlé d'un ton affectueux et vraiment maternel; mais ce ne fut pas la mère qui s'écria: «Tu es fou»; ce fut la femme de volonté, d'autorité, la femme de commerce.

      Léon connaissait trop bien sa mère peur ne pas saisir les moindres nuances de ses intonations, et c'était précisément parce qu'il avait au premier mot senti chez elle de la résistance qu'il avait été si net et si précis dans sa demande: c'était là un des côtés de son caractère; mou dans les circonstances ordinaires, il devenait ferme et même cassant aussitôt qu'il se voyait en face d'une opposition.

      —En quoi est-ce folie de penser à prendre Madeleine pour femme? demanda-t-il.

      Ils étaient arrivés sur la place de la Concorde, madame Haupois s'arrêta tout à coup, puis, après un court mouvement d'hésitation, elle tourna sur elle-même.

      —Rentrons rue de Rivoli, dit-elle.

      —Et pourquoi?

      —Ton père n'est pas encore couché, tu vas lui expliquer ce que tu viens de me dire....

      —Mais....

      —Madeleine est la nièce de ton père; elle est son sang; par le malheur qui vient de la frapper, elle devient jusqu'à un certain point sa fille, c'est donc à lui qu'il appartient de décider d'elle. Je ne veux pas, si la réponse de ton père est contraire à tes désirs ... que tu m'accuses d'avoir pesé sur lui et d'avoir inspiré cette réponse.

      —Mais c'était là justement ce que je voulais, dit-il avec un sourire, tu l'as bien deviné.

      —Rentrons, explique-toi franchement avec ton père, il te dira ce qu'il pense.

      —Mais toi?

      —Je te le dirai aussi.

      —Tu me fais peur.

      Et, sans échanger d'autres paroles, ils revinrent à l'appartement de la rue de Rivoli.

      M. Haupois fut grandement surpris en voyant entrer dans sa chambre sa femme et son fils.

      —Que se passe-t-il donc? demanda-t-il.

      —Léon va te l'expliquer, mais en attendant qu'il le fasse longuement, je veux te le dire en deux mots,—il désire prendre Madeleine pour femme.

      —Il est donc fou!

      —C'est justement le mot que je lui ai répondu.

      Puis, s'adressant à son fils:

      —Tu ne diras pas que ton père et moi nous nous étions entendus.

      Léon resta déconcerté, et pendant plusieurs minutes il regarda son père et sa mère, ses yeux ne quittant celui-ci que pour se poser sur celle-là.

      Enfin il se remit.

      —Il y a une question que j'ai adressée à ma mère, veux-tu me permettre de te la poser?

      —Laquelle?

      —En quoi est-ce folie de vouloir épouser Madeleine?

      —Elle n'a pas un sou.

      —Je ne tiens nullement à épouser une femme riche.

      —Nous y tenons, nous!

      —Je ne t'obligerai jamais, dit M. Haupois, à épouser une femme que tu n'aimerais pas, mais je te demande qu'en échange tu ne prennes pas une femme qui ne nous conviendrait pas.

      —En quoi Madeleine peut-elle ne pas vous convenir? ma mère reconnaissait tout à l'heure qu'elle était charmante sous tous les rapports.

      —Sous tous, j'en conviens, répondit M. Haupois, sous un seul excepté, sous celui de la fortune; ta position....

      —Oh! ma position.

      —Notre position si tu aimes mieux, notre position t'oblige à épouser une femme digne de toi.

      —Je ne connais pas de jeune fille plus digne d'amour que Madeleine.

      —Il n'est pas question d'amour.

      —Il me semble cependant que, si l'on veut se marier, c'est la première question à examiner, répliqua Léon avec une certaine raideur, et pour moi je puis vous affirmer que je n'épouserai qu'une femme que j'aimerai.

      Peu à peu le ton s'était élevé chez le père aussi bien que chez le fils, madame Haupois jugea prudent d'intervenir.

      —Mon cher enfant, dit-elle avec douceur, tu ne comprends pas ton père, tu ne nous comprends pas; ce n'est pas sur la femme, ce n'est pas sur Madeleine que nous discutons, c'est sur la position sociale et financière que doit occuper dans le monde celle qui épousera l'héritier de la maison Haupois-Daguillon. Aie donc un peu la fierté de ta maison, de ton nom et de ta fortune. Autrefois on disait: «noblesse oblige»; la noblesse n'est plus au premier rang; aujourd'hui c'est «fortune qui oblige». Tu sens bien, n'est-il pas vrai, que tu ne peux pas épouser une femme qui n'a rien.

      Depuis que ce gros mot de fortune avait été prononcé, Léon avait une réplique sur les lèvres: «Mon père n'avait rien, ce qui ne l'a pas empêché d'épouser l'héritière des Daguillon;» mais, si décisive qu'elle fût, il ne pouvait la prononcer qu'en blessant son père aussi bien que sa mère, et il la retint:

      —Il y aurait un moyen que Madeleine ne fût pas une femme qui n'a rien, dit-il en essayant de prendre un ton léger.

      —Lequel? demanda M. Haupois, qui n'admettait pas volontiers qu'on ne discutât pas toujours gravement et méthodiquement.

      —Elle est, par le seul fait de la mort de mon pauvre oncle, devenue ta fille, n'est-ce pas?

      —Sans doute.

      —Eh bien! tu ne marieras pas ta fille sans la doter; donne-lui la moitié de ma part, et en nous mariant nous aurons un apport égal.

      —Allons, décidément, tu es tout à fait fou.

      —Non, mon père, et je t'assure que je n'ai jamais parlé plus sérieusement; car je m'appuie sur ta bonté, sur ta générosité, sur ton coeur, et cela n'est pas folie.

      —Tu as raison de croire que je doterai Madeleine; nous nous sommes déjà entendus à ce sujet, ta mère et moi, de même que nous nous sommes entendus aussi sur le choix du mari que nous lui donnerons.

      —Charles! interrompit vivement madame Haupois en mettant un doigt sur ses lèvres; puis tout de suite s'adressant à son fils: C'est assez; nous savons les uns et les autres ce qu'il était important de savoir; ton père et moi nous connaissons tes sentiments, et tu connais les nôtres: il est tard; nous sommes fatigués, et d'ailleurs il ne serait pas sage de discuter ainsi à l'improviste une chose aussi grave; nous y réfléchirons chacun de notre côté, et nous verrons ensuite chez qui ces sentiments doivent changer. Reconduis-moi.

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