Cara. Hector Malot

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Cara - Hector Malot

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      Les mauvaises dispositions manifestées par son père et sa mère ne pouvaient pas empêcher Léon de s'occuper des affaires de Madeleine: tout au contraire.

      Le lendemain, il parla à son père de son projet d'aller à Rouen pour voir quelle était précisément la situation de son oncle.

      Mais, aux premiers mots, M. Haupois l'arrêta:

      —Ce voyage est inutile, dit-il, j'ai déjà écrit à Rouen, et j'ai chargé un de mes anciens camarades, aujourd'hui avoué, de mener à bien cette liquidation; il vaut mieux que nous ne paraissions pas; un homme d'affaires viendra plus facilement à bout des créanciers.

      Le mot «liquidation» avait fait lever la tête à Léon, l'idée de venir «à bout des créanciers facilement» le souleva:

      —Pardon, s'écria-t-il, mais l'intention de Madeleine est d'abandonner tous les droits qu'elle tient de sa mère, pour que les créanciers soient payés; il n'y a donc pas à venir à bout d'eux.

      —Ceci me regarde et ne regarde que moi; les droits de Madeleine sont insignifiants, et si c'est pour en faire abandon que tu veux aller à Rouen, ton voyage est inutile.

      —Je te répète ce que Madeleine m'a dit.

      —C'est bien, je sais ce que j'ai à faire. Mais puisqu'il est question de Madeleine, revenons, je te prie, sur notre entretien d'hier soir: ce n'est pas sérieusement que tu penses à prendre Madeleine pour ta femme, n'est-ce pas?

      —Rien n'est plus sérieux.

      —Tu veux te marier?

      —Je désire devenir le mari de Madeleine.

      —À vingt-quatre ans, tu veux dire adieu à la vie de garçon, à la liberté, au plaisir! Il n'y a donc plus de jeunes gens?

      —La vie de garçon n'a pas pour moi les charmes que tu supposes, et je me soucie peu d'une liberté dont je ne sais bien souvent que faire. J'ai plutôt besoin d'affection et de tendresse.

      —Il me semble que ni l'affection ni la tendresse ne t'ont manqué, répliqua M. Haupois. Je t'ai dit hier que tu étais fou, je te le répète aujourd'hui, non plus sous une impression de surprise, mais de sang-froid et après réflexion. Toute la nuit j'ai réfléchi à ton projet, à ta fantaisie; et de quelque côté que je l'aie retourné, il m'a paru ce qu'il est réellement, c'est-à-dire insensé; aussi, pour ne pas laisser aller les choses plus loin, je te déclare, puisque nous sommes sur ce sujet, que je ne donnerai jamais mon consentement à un mariage avec Madeleine. Jamais; tu entends, jamais; et en te parlant ainsi, je te parle en mon nom et au nom de ta mère; tu n'épouseras pas ta cousine avec notre agrément; sans doute tu toucheras bientôt à l'âge où l'on peut se marier malgré ses parents; mais, si tu prends ainsi Madeleine pour femme, il est bien entendu dès maintenant que ce sera malgré nous. Nous avons d'autres projets pour toi, et je dois te le dire pour être franc, nous en avons d'autres pour Madeleine. Quand je t'ai écrit que notre intention était de recueillir cette pauvre enfant et de la traiter comme notre fille, nous pensions, ta mère et moi, que tu n'éprouverais pour elle que des sentiments fraternels, en un mot qu'elle serait pour toi une soeur et rien qu'une soeur; mais ce que tu nous a appris hier nous prouve que nous nous trompions.

      —Jusqu'à ce jour Madeleine n'a été pour moi qu'une soeur.

      —Jusqu'à ce jour; mais maintenant, si vous vous voyez à chaque instant, et si vous vivez sous le même toit, les sentiments fraternels seront remplacés par d'autres sans doute; tu te laisseras entraîner par la sympathie qu'elle t'inspire et tu l'aimeras; elle, de son côté, pourra très-bien ne pas rester insensible à ta tendresse et t'aimer aussi. Cela est-il possible, je le demande?

      —Que voulez-vous donc, ma mère et toi?

      —Nous voulons ce que le devoir et l'honneur exigent, puisque nous sommes décidés à ne pas te laisser épouser Madeleine.

      —Lui fermer votre maison! ah! ni toi ni ma mère vous ne ferez cela.

      —Il dépend de toi que Madeleine reste ici comme si elle était notre fille.

      —Et comment cela?

      —Tu comprends, n'est-ce pas, qu'après ce que tu nous as dit nous ne pouvons pas, nous qui ne voulons pas que Madeleine devienne ta femme, nous ne pouvons pas tolérer que vous viviez l'un et l'autre dans une étroite intimité.

      —Vous reconnaissez donc de bien grandes qualités à Madeleine, que vous craignez qu'une intimité de chaque jour développe un amour naissant? Si Madeleine n'est pas digne d'être aimée, le meilleur moyen de de me le prouver n'est-il pas de me laisser vivre près d'elle pour que j'apprenne à la connaître et à la juger telle qu'elle est?

      —Il ne s'agit pas de cela. Je dis que vous ne devez pas vivre sous le même toit, et bien que tu aies ton appartement particulier, il en serait ainsi si nous laissions les choses aller comme elles ont commencé; régulièrement, beaucoup plus régulièrement qu'autrefois, tu déjeunerais avec nous, tu dînerais avec nous, tu passerais tes soirées avec nous, c'est-à-dire avec Madeleine. Pour que cela ne se réalise pas, il n'y a que deux partis à prendre: ou Madeleine quitte notre maison, ou tu t'éloignes toi-même.

      —C'est ma mère qui a eu cette idée?

      —Ta mère et moi; mais ne nous fais pas porter une responsabilité qui t'incombe à toi-même, et si ce que je viens de te dire te blesse, n'accuse que celui qui nous impose ces résolutions.

      —Et où dois-je aller?

      —À Madrid, où ta présence sera utile, très-utile aux affaires de notre maison. Tu acceptes cette combinaison, Madeleine reste chez nous, et nous avons pour elle les soins d'un père et d'une mère; tu la refuses, alors je m'occupe de trouver pour elle une maison respectable où elle vivra jusqu'au jour de son mariage.

      Léon resta assez longtemps sans répondre.

      —Eh bien? demanda M. Haupois. Tu ne dis rien?

      —Je sens que votre résolution est par malheur bien arrêtée, je ne lui résisterai donc pas. J'irai à Madrid, car je ne veux pas causer à Madeleine la douleur de sortir de cette maison. Mais pour me rendre à votre volonté, je ne renonce pas à Madeleine. Loin d'elle j'interrogerai mon coeur. L'absence me dira quels sentiments j'éprouve pour elle, quelle est leur solidité et leur profondeur; à mon retour je vous ferai connaître ces sentiments, j'interrogerai ceux de Madeleine et nous reprendrons alors cet entretien. Quand veux-tu que je parte!

      —Le plus tôt sera le mieux.

       Table des matières

      Ce n'était pas la première fois que Léon se trouvait en opposition avec les idées ambitieuses de son père et de sa mère; il les connaissait donc bien et, mieux que personne, il savait qu'il n'y avait pas à lutter contre elles.

      Quand sa mère avait dit avec modestie et les yeux baissés: «notre position», tout était dit.

      Et, pour son père, il n'y avait rien au-dessus de la fortune «gagnée loyalement dans le commerce».

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