LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан страница 283
Il attendit donc, prêt à se dissimuler derrière un rideau de velours qui se tirait au besoin sur la baie vitrée.
Il perçut le bruit des portes. Quelqu’un entra dans le cabinet de travail et ralluma l’électricité. Il reconnut Daubrecq.
C’était un gros homme, trapu, court d’encolure, avec un collier de barbe grise, presque chauve, et qui portait toujours – car il avait les yeux très fatigués – un binocle à verres noirs par dessus ses lunettes.
Lupin remarqua l’énergie du visage, le menton carré, la saillie des os. Les poings étaient velus et massifs, les jambes torses, et il marchait, le dos voûté, en pesant alternativement sur l’une et sur l’autre hanche, ce qui lui donnait un peu l’allure d’un quadrumane. Mais un front énorme, tourmenté, creusé de vallons, hérissé de bosses, surmontait la face.
L’ensemble avait quelque chose de bestial, de répugnant, de sauvage. Lupin se rappela que, à la Chambre, on appelait Daubrecq « l’homme des Bois », et on l’appelait ainsi non pas seulement parce qu’il se tenait à l’écart et ne frayait guère avec ses collègues, mais aussi à cause de son aspect même, de ses façons, de sa démarche, de sa musculature puissante.
Il s’assit devant son bureau, tira de sa poche une pipe en écume, choisit parmi plusieurs paquets de tabac qui séchaient dans un vase, un paquet de maryland, déchira la bande, bourra sa pipe et l’alluma. Puis il se mit à écrire des lettres.
Au bout d’un moment, il suspendit sa besogne et demeura songeur, l’attention fixée sur un point de son bureau.
Vivement il prit une petite boîte à timbres qu’il examina. Ensuite, il vérifia la position de certains objets que Prasville avait touchés et replacés et il les scrutait du regard, les palpait de la main, se penchait sur eux, comme si certains signes, connus de lui seul, eussent pu le renseigner.
À la fin, il saisit la poire d’une sonnerie électrique et pressa le bouton.
Une minute après, la concierge se présentait.
Il lui dit :
– Ils sont venus, n’est-ce pas ?
Et, comme la femme hésitait, il insista :
– Voyons, Clémence, est-ce vous qui avez ouvert cette petite boîte à timbres ?
– Non, monsieur.
– Eh bien, j’en avais cacheté le couvercle avec une bande étroite de papier gommé. Cette bande a été brisée.
– Je peux pourtant certifier, commença la femme…
– Pourquoi mentir, dit-il, puisque je vous ai dit, moi-même, de vous prêter à toutes ces visites ?
– C’est que…
– C’est que vous aimez bien manger aux deux râteliers… Soit… Il lui tendit un billet de cinquante francs et répéta :
– Ils sont venus ?
– Oui, monsieur.
– Les mêmes qu’au printemps ?
– Oui, tous les cinq… avec un autre… qui les commandait.
– Un grand ?… brun ?…
– Oui.
Lupin vit la mâchoire de Daubrecq qui se contractait, et Daubrecq poursuivit :
– C’est tout ?
– Il en est venu un autre, après eux, qui les a rejoints… et puis, tout à l’heure, deux autres, les deux qui montent ordinairement la faction devant l’hôtel.
– Ils sont restés dans ce cabinet ?
– Oui, monsieur.
– Et ils sont repartis comme j’arrivais ? Quelques minutes avant, peut-être ?
– Oui, monsieur.
– C’est bien.
La femme s’en alla. Daubrecq se remit à sa correspondance. Puis, allongeant le bras, il inscrivit des signes sur un cahier de papier blanc qui se trouvait à l’extrémité de son bureau, et qu’il dressa ensuite, comme s’il eût voulu ne point le perdre de vue.
C’étaient des chiffres. Lupin put lire cette formule de soustraction :
9-8=1
Et Daubrecq, entre ses dents, articulait ces syllabes d’un air attentif.
– Pas le moindre doute, dit-il à haute voix.
Il écrivit encore une lettre, très courte, et, sur l’enveloppe, il traça cette adresse que Lupin déchiffra quand la lettre fut posée près du cahier de papier.
« Monsieur Prasville, secrétaire général de la Préfecture. »
Puis il sonna de nouveau.
– Clémence, dit-il à la concierge, est-ce que vous avez été à l’école dans votre jeune âge ?
– Dame, oui ! Monsieur.
– Et l’on vous a enseigné le calcul ?
– Mais, monsieur…
– C’est que vous n’êtes pas très forte en soustraction.
– Pourquoi donc ?
– Parce que vous ignorez que neuf moins huit égale un, et cela, vous voyez, c’est d’une importance capitale. Pas d’existence possible si vous ignorez cette vérité première.
Tout en parlant, il s’était levé et faisait le tour de la pièce, les mains au dos, et en se balançant sur ses hanches. Il le fit encore une fois. Puis, s’arrêtant devant la salle à manger, il ouvrit la porte.
– Le problème, d’ailleurs, peut s’énoncer autrement, dit-il. Qui de neuf ôte huit, reste un. Et celui qui reste, le voilà, hein ? L’opération est juste, et monsieur, n’est-il pas vrai ? Nous en fournit une preuve éclatante.
Il tapotait le rideau de velours dans les plis duquel Lupin s’était vivement enveloppé.
– En vérité, monsieur, vous devez étouffer là-dessous ? Sans compter que j’aurais pu me divertir à transpercer ce rideau à coups de dague… Rappelez-vous le délire d’Hamlet et la mort de Polonius… « C’est un rat, vous dis-je, un gros rat… » Allons, monsieur Polonius, sortez de votre trou.
C’était là une de ces postures dont Lupin n’avait pas l’habitude et qu’il exécrait. Prendre les autres au piège et se payer leur tête, il l’admettait, mais non point qu’on se gaussât de lui et qu’on s’esclaffât à ses dépens. Pourtant pouvait-il