LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан

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LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан

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j’en ai compté, de loin, sur l’avenue, une bande de huit. Huit ôtés de neuf reste un, lequel évidemment était resté ici en observation. Ecce Homo.

      – Et après ? dit Lupin, qui avait une envie folle de sauter sur le personnage et de le réduire au silence.

      – Après ? Mais rien du tout, mon brave. Que voulezvous de plus ? La comédie est finie. Je vous demanderai seulement de porter au sieur Prasville, votre maître, cette petite missive que je viens de lui écrire. Clémence, veuillez montrer le chemin à M. Polonius. Et, si jamais il se présente, ouvrez-lui les portes toutes grandes. Vous êtes ici chez vous, monsieur Polonius. Votre serviteur…

      Lupin hésita. Il eût voulu le prendre de haut, et lancer une phrase d’adieu, un mot de la fin, comme on en lance au théâtre du fond de la scène, pour se ménager d’une belle sortie et disparaître tout au moins avec les honneurs de la guerre. Mais sa défaite était si pitoyable qu’il ne trouva rien de mieux que d’enfoncer son chapeau sur la tête, d’un coup de poing, et de suivre la concierge en frappant des pieds. La revanche était maigre.

      – Bougre de coquin ! cria-t-il une fois dehors et en se retournant vers les fenêtres de Daubrecq. Misérable ! Canaille ! Député ! Tu me la paieras, celle-là !… Ah ! Monsieur se permet… Ah ! Monsieur a le culot… Eh bien, je te jure Dieu, monsieur, qu’un jour ou l’autre…

      Il écumait de rage, d’autant que, au fond de lui, il reconnaissait la force de cet ennemi nouveau, et qu’il ne pouvait nier la maîtrise déployée en cette affaire.

      Le flegme de Daubrecq, l’assurance avec laquelle il roulait les fonctionnaires de la Préfecture, le mépris avec lequel il se prêtait aux visites de son appartement, et, pardessus tout, son sang-froid admirable, sa désinvolture et l’impertinence de sa conduite en face du neuvième personnage qui l’espionnait, tout cela dénotait un homme de caractère, puissant, équilibré, lucide, audacieux, sûr de lui et des cartes qu’il avait en mains.

      Mais quelles étaient ces cartes ? Quelle partie jouait-il ? Qui tenait l’enjeu ? Et jusqu’à quel point se trouvait-on engagé de part et d’autre ? Lupin l’ignorait. Sans rien connaître, tête baissée il se jetait au plus fort de la bataille, entre des adversaires violemment engagés dont il ne savait ni la position, ni les armes, ni les ressources, ni les plans secrets. Car, enfin, il ne pouvait admettre que le but de tant d’efforts fût la possession d’un bouchon de cristal !

      Une seule chose le réjouissait Daubrecq ne l’avait pas démasqué. Daubrecq le croyait inféodé à la police. Ni Daubrecq, ni la police par conséquent, ne soupçonnaient l’intrusion dans l’affaire d’un troisième larron. C’était son unique atout, atout qui lui donnait une liberté d’action à laquelle il attachait une importance extrême.

      Sans plus tarder, il décacheta la lettre que Daubrecq lui avait remise pour le secrétaire général de la Préfecture. Elle contenait ces quelques lignes :

      « À portée de ta main, mon bon Prasville… Tu l’as touché. Un peu plus, et ça y était… mais tu es trop bête. Et dire qu’on n’a pas trouvé mieux que toi pour me faire mordre la poussière. Pauvre France ! Au revoir, Prasville. Mais si je te pince sur le fait, tant pis pour toi, je tire.

      « Signé : DAUBRECQ. »

      « À portée de la main… se répéta Lupin, après avoir lu. Ce drôle écrit peut-être la vérité. Les cachettes les plus élémentaires sont les plus sûres. Tout de même, tout de même, il faudra que nous voyions cela… Et il faudra voir aussi pourquoi ce Daubrecq est l’objet d’une surveillance si étroite, et de se documenter quelque peu sur l’individu. »

      Les renseignements que Lupin avait fait prendre, dans une agence spéciale, se résumaient ainsi :

      Alexis Daubrecq, député des Bouches-du-Rhône depuis deux ans, siège parmi les indépendants ; opinions assez mal définies, mais situation électorale très solide grâce aux énormes sommes qu’il dépense pour sa candidature. Aucune fortune. Cependant hôtel à Paris, villa à Enghien et à Nice, grosses pertes au jeu, sans qu’on sache d’où vient l’argent. Très influent, obtient ce qu’il veut, quoiqu’il ne fréquente pas les ministères, et ne paraisse avoir ni amitiés, ni relations dans les milieux politiques.

      « Fiche commerciale, se dit Lupin en relisant cette note. Ce qu’il me faudrait, c’est une fiche intime, une fiche policière, qui me renseigne sur la vie privée du monsieur, et qui me permette de manœuvrer plus à l’aise dans ces ténèbres et de savoir si je ne patauge pas en m’occupant du Daubrecq. Bigre ! C’est que le temps marche ! »

      Un des logis que Lupin habitait à cette époque, et où il revenait le plus souvent, était situé rue Chateaubriand, près de l’Arc de Triomphe. On l’y connaissait sous le nom de Michel Beaumont. Il y avait une installation assez confortable, et un domestique, Achille, qui lui était très dévoué, et dont la besogne consistait à centraliser les communications téléphoniques adressées à Lupin par ses affidés.

      Rentré chez lui, Lupin apprit avec un grand étonnement qu’une ouvrière l’attendait depuis une heure au moins.

      – Comment ? Mais personne ne vient jamais me voir ici ? Elle est jeune ?

      – Non… Je ne crois pas.

      – Tu ne crois pas !

      – Elle porte une mantille sur la tête, à la place du chapeau, et on ne voit pas sa figure… C’est plutôt une employée… une personne de magasin pas élégante…

      – Qui a-t-elle demandé ?

      – M. Michel Beaumont, répondit le domestique.

      – Bizarre. Et quel motif ?

      – Elle m’a dit simplement que cela concernait l’affaire d’Enghien !… Alors, j’ai cru…

      – Hein ! L’affaire d’Enghien ! Elle sait donc que je suis mêlé à cette affaire !… Elle sait donc qu’en s’adressant ici…

      – Je n’ai rien pu obtenir d’elle, mais j’ai cru tout de même qu’il fallait la recevoir.

      – Tu as bien fait. Où est-elle ?

      – Au salon. J’ai allumé.

      Lupin traversa vivement l’antichambre et ouvrit la porte du salon.

      – Qu’est-ce que tu chantes ? dit-il à son domestique. Il n’y a personne.

      – Personne ? fit Achille qui s’élança. En effet, le salon était vide.

      – Oh ! Par exemple, celle-là est raide ! s’écria le domestique. Il n’y a pas plus de vingt minutes que je suis revenu voir par précaution. Elle était là. Je n’ai pourtant pas la berlue.

      – Voyons, voyons, dit Lupin avec irritation. Où étais-tu pendant que cette femme attendait ?

      – Dans le vestibule, patron ! Je n’ai pas quitté le vestibule une seconde ! Je l’aurais bien vue sortir, nom d’un chien !

      – Cependant elle n’est plus là…

      – Évidemment… évidemment… gémit le domestique, ahuri… Elle aura perdu patience, et elle s’en est allée. Mais je voudrais bien savoir

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