Je Suis L'Empereur. Stefano Conti
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу Je Suis L'Empereur - Stefano Conti страница 3
Je suis ce tailleur gris rayée hors de cet horrible endroit. Les taxis en Turquie sont normalement jaunes, comme presque partout dans le monde, celui-ci est d’une rose pastel incompréhensible. La fille est gentille mais très détachée ; pendant qu’elle regard hors de la fenêtre, j’arrive à la convaincre de se tutoyer pour le reste du voyage. Entre mots elle me raconte d'être fille d’italiens, née et vécue en Turquie : elle a appris l’italien de ses parents, qui ne se sont jamais adaptés au turque et qui ont ouvert un bar à glaces dans un village proche de Ankara.
« J’aimerais voir l’Italie : Venise, Padoue, Jesolo, Oderzo… »
Nous avons aussi d’autres belles villes, en Toscane et dans le reste de la péninsule, mais je comprends que se parents sont de la Vénétie et je ne réponds rien. Même en Allemagne les bar-glaciers sont tous italiens et géré par de vénitiens : cette région est à la glace, comme la Campanie est à la pizza.
A l’ambassade on me donne un petit papier. Cela devrait me garantir de pouvoir circuler librement, mais vu le début du voyage…
« Je crains que avec ce document je n’irai pas trop loin. Je ne suis pas là en vacances, mais pour ramener en Italie le corps de mon professeur universitaire et ex-chef… »
« A-t-il été enterré à Ankara ? » demande-t-elle, n’ayant pas bien compris le problème.
« Luigi Barbarino, c’est son nom, est mort il y a une semaine, pendant qu’il excavait dans un site archéologique à Tarse. Il faut que j’aille jusqu'à là-bas pour récupérer son corps… »
« J’ai un copain qui vit à Tarse… “Ex” copain en réalité : il peut t’aider. Il est ingénieur dans une industrie pétrochimique. Je note son adresse » affirme-t-elle en déchirant une page de son agenda et y écrivant dessus.
Par contre, je ne veux pas m’en profiter : « Merci, mais comment ferai-je avec la langue ? »
« Il parle bien l’italien » répond-elle presque irritée. « Je lui l’ai appris »
« Serait-il possible d’avoir son numéro de portable, pour l’appeler d’ici ? »
« En réalité, je l’ai éliminé, mais si tu te rends à cet adresse tu le trouveras surement. Dis-lui que c’est Chiara qui t’envoie. »
Elle me traite comme un enfant : elle me ramené à la gare des bus, demande un billet à mon nom et me faire monter sur l’autobus. Son parfum est un mixte entre le mystère et l’Orient. Je m'éloigne d’elle, mais pas avant de lui avoir laissé mon numéro écrit sur un papier.
De l'extérieur le bus pour Tarse à l’air mignon, style années ‘60, et quand je rentre je comprends que c’est vraiment de cette période. De plus tout le monde fume : l’air est irrespirable. Heureusement les fenêtres dans les années soixante pouvaient encore s’ouvrir : je passe les six heures de voyage avec ma tête dehors, comme les chiens (qui sait pourquoi en plus). De cette façon je vois Ankara, jusqu'à ce moment j’en n’avait connu que les tristes bureaux. Les bâtiments rassemblent à l’interminable étendue urbaine grise et vague de Londres, avec une seule différence : ici elle est plus décadente ! Pour un moment j’efface de ma visuelle les maisons et les coupoles des mosquées et j’essaye en vain de voir la colonne que la ville de Ancyra (Ankara à l'époque des romains) avait construit en honneur de l’empereur Flavio Claudio Julien.
Le cher Julien !
Depuis des années j’ai une vraie fixation pour le dernier empereur païen d'époque romaine : quand je travaillais à la fac j’ai écrit plusieurs articles et un pair de livres à propos de lui. Surnommée l’Apostat car du christianisme il s'était converti au paganisme et essaya, pour toute sa brève vie, de ramener de nouveaux croyants en faisant de reformes sur la religion traditionnelle : son utopie était de faire revenir au paganisme tout l’empire, désormais inévitablement chrétien. La raison de son charme pour moi est entièrement la : l’empereur Julien voulait changer le monde, sans se rendre compte que le monde avait déjà changé, mais en tout autre direction, et on ne pouvait pas aller à l'arrière. Toujours dans l’avion, je m'étais promis que la colonne de l’empereur philosophe aurait été la première chose que j’allais voir à Ankara, mais avec ce bordel bureaucratique. En réalité c’est Julien le vrai motif qui m’a poussée en Turquie : la mission officielle aurait été celle de récupérer le corps du pauvre Barbarino, mais je suis la surtout pour voir la tombe du cher empereur, jamais retrouvée jusqu'à maintenant, et que le professeur, juste avant mourir, m’avait écrit d’avoir finalement retrouvée !
Le bus voyage vite sur une interminable plaine désertique. Je m’endors en imaginant de me trouver dans un de ces films ou le protagoniste traverse en bus les États américains, d’une cote à l’autre.
En ce moment, à Ankara, le lieutenant Karim, le même de cet infini après-midi en douane, rentre chez lui, ou ses deux enfants l’attendent : leur maman est partie il y a beaucoup d'années. Aturk, le plus grand, était derrière la porte depuis plusieurs minutes et l’ouvre grande dès qu’il entend le bruit de la vielle bagnole.
« Alors, ils vont me la donner ? »
« On ne dit même pas bonjour ? » répond brusque son père.
« Bienvenu Mr le lieutenant », dit Aturk en ton de moquerie, et il répète : « Je vais l’avoir ? »
Karim ne réponds pas, il rentre dans la maison, laisse sa veste sur le portemanteau et va s’asseoir sur le fauteuil marron du salon ; son fils le suit.
« On ne m’a rien dit. »
« Et tu ne peux pas les appeler ? Tu te rends compte de l’importance de cela ? »
« Je sais » il répond sec. « Ramène-moi quelque chose à boire »
Le lieutenant se lève pour récupérer de la poche interne de sa veste un petit cahier noir en cuir, revient sur le fauteuil et compose le numéro : « Bonsoir, c’est… »
« Ne dites pas votre nom ! »
Il est de suite interrompu par la voix de l’autre cote de l’appareil.
« Je vous ai dit de ne pas appeler. »
« Oui… c’est vrai, mais, vous savez… »
La voix mystérieuse coupe court : « Avez-vous fait ce que j’ai demandé ? »
« Oui, monsieur… »
« Je vous ai dit de ne pas faire de noms ! »
« Bref, cet italien : nous l’avons arrêtée et gardée, jusqu'à ce qu’on a pu. Maintenait il a un passepartout de l’ambassade, il aura son passeport seulement lundi. »
« Bien ! N’oubliez pas : quand il revient à Ankara avec le cercueil, faites comme nous avons écrit. »
« Oui, bien la sceller et marquer les lettres… »
« Suivez les instructions » l’interromps la voix autoritaire.