Le legs de Caïn. Леопольд фон Захер-Мазох

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Le legs de Caïn - Леопольд фон Захер-Мазох

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lui plaisait plus qu'aucun homme qu'elle eût encore rencontré; elle se sentait le pouvoir de le rendre amoureux quand bon lui semblerait; mais qu'en adviendrait-il? Un homme marié! Elle serait donc sa maîtresse; la maîtresse d'un gueux?... fi donc! L'obstacle était là. Une fois mariée elle-même, elle n'aurait certes pas d'autre galant; mais où trouver le mari? Son regard tomba sur Bromirski, et ce regard décida du sort du vieux roué. Une pensée en fait naître une autre. La fantaisie de Warwara se transformait en projet, projet romanesque peut-être, mais sans mélange d'imprudence, et le projet devait être exécuté sur-le-champ; il n'y avait pas de temps à perdre.

      Maryan vint avertir Warwara que tout était prêt chez elle; en effet, il avait ajouté aux matelas les coussins de sa voiture et jeté sur le plancher son propre manteau en guise de tapis.—Le baron offrit son bras à mademoiselle Gondola, mais elle refusa froidement, en alléguant que Maryan Janowski avait été le premier à se mettre à ses ordres, ce qui n'empêcha pas Bromirski de monter l'escalier derrière elle en sautillant. Il fallut pour le forcer à se retirer que Warwara lui fermât la porte au nez d'un mouvement si brusque qu'il porta instinctivement la main à cette partie de son visage. S'étant assuré qu'elle était saine et sauve, Bromirski soupira, se frappa trois fois le front et retourna dans la salle pour charger de nouveau sa pipe. Warwara regardait autour d'elle.

      —Êtes-vous contente? demanda Maryan.

      —Vous vous êtes privé de tout pour me donner le superflu, dit-elle avec vivacité; laissez-moi voir s'il vous reste le nécessaire.

      Elle saisit la lumière et se fit montrer la chambre du jeune homme, située plus loin dans le même corridor, mais donnant sur la route.

      —Qu'est-ce que je disais? vous n'avez plus d'oreiller!

      —Une bonne conscience suffit, mademoiselle.

      —Plus de couvertures!

      —Je m'envelopperai dans mes espérances.

      —Qu'espérez vous donc?

      —Une place pour ne pas mourir de faim.

      —Oui, dans l'avenir, mais tout de suite?

      Maryan baissa les yeux en souriant.

      —Que voulez-vous? un pauvre diable de ma sorte doit se contenter du pain quotidien.

      —Vous m'avez paru cependant à table aimer assez les sucreries?

      —Elles ne sont pas faites pour moi; il y a tant de choses plus douces auxquelles je ne puis aspirer!

      —C'est que vous manquez de courage.

      —Le courage risque parfois de ressembler à de l'insolence.

      —Votre langage est celui d'un homme d'honneur, mais si je vous disais...

      Elle avait éteint la lumière, et Maryan sentit deux lèvres brûlantes contre les siennes, dans ses bras un corps frémissant.

      Warwara sortit de la chambre de Maryan, en marchant avec précaution sur la pointe des pieds.

      Arrivée devant sa propre chambre, elle respira, déposa sur le seuil la chandelle éteinte qu'elle tenait et descendit dans la cour pour demander des allumettes au juif. Comme il faisait nuit, elle n'avançait qu'à tâtons. Dans toutes les voitures ronflaient des nez invisibles, formant un concert étrange qui rappelait un peu l'ouverture du Tannhauser. Tout à coup, un petit cercle de feu illumina le visage bouffi et la brillante perruque noire du baron. Warwara put remarquer que ce vieux drôle se penchait tantôt sur un pied, tantôt sur l'autre pour regarder dans les voitures transformées en dortoirs, quand il ne s'accroupissait pas pour surprendre par les fenêtres basses, éclairées au dedans, les secrets de toilette d'une Suzanne quelconque.

      —Monsieur le baron, dit-elle tout haut, je vous prierai de me donner de la lumière.

      —Comment! vous ici, mademoiselle!... Je vous croyais endormie.

      —Il a, pensa Warwara, déjà regardé par ma fenêtre.

      Le baron tira son briquet de sa poche et lui remit ce qu'elle demandait.

      —Cela vous suffit?

      —Tout à fait.

      —Alors, je peux baiser aussi la petite main?...

      —Toutes les deux si vous voulez.

      Il la regarda s'éloigner.

      —Quelle charmante créature! Et elle pourrait embellir ma vie... Si ce freluquet n'était pas ici! Il ne semble pas lui déplaire, quoiqu'il n'ait pas le sou! Ces petites personnes-là pourtant aiment les belles robes, les pelisses de fourrure, les diamants...

      La méditation du baron fut interrompue par la lumière qui brilla soudain à la fenêtre de Warwara, dont on avait négligé, non sans intention peut-être, de fermer les rideaux. L'artificieuse fille posa son miroir à côté de la chandelle, sur une petite table, et procéda lentement à se déshabiller, dénouant d'abord ses lourds cheveux et y promenant ses doigts avec complaisance, puis détachant sa robe, qu'elle posa sur une chaise; après quoi, elle fit voir par le mouvement le plus naturel ses épaules virginales et se mit à tresser légèrement les ondes d'or qui avaient enveloppé jusque-là sa poitrine. Bromirski suivait tous ses mouvements, et il sentait se serrer de plus en plus les cordes qui le liaient pour jamais.

      Tandis que Warwara procédait à se déchausser, on frappa doucement à la porte. Elle jeta un châle autour d'elle et demanda:

      —Qui est là?

      —Moi!

      —Qui, vous?

      —Moi, belle Warwara.

      —Vous, Maryan! quelle audace!

      —Ce n'est pas ce petit maître, mademoiselle, mais bien votre vieil ami Bromirski! Ouvrez!

      —Pourquoi?

      —J'ai à vous parler de choses importantes.

      —Attendez jusqu'à demain!

      —Warwara, je ne suis pas un galant à poches vides, moi, je suis riche, très-riche; tous vos désirs, je vous le jure, seront comblés. Ne me repoussez pas.

      —Ah! ma mère avait bien raison de me prémunir contre vous, de dire que vous étiez un homme dangereux! Mais je saurai défendre mon honneur.

      En même temps, elle tirait le verrou, si doucement que Bromirski put croire que la porte cédait à ses assauts redoublés.

      Le lendemain, de grand matin, sans être aperçue de Maryan ni de personne, sauf l'hôtelier juif, Warwara monta dans le carrosse du baron, qui la ramena chez sa mère. Elle était pâle et grave, mais sur ses lèvres serrées on lisait la satiété du triomphe. Lorsqu'elle entra dans la chambre de madame Gondola, celle-ci ne témoigna ni mécontentement ni plaisir; une extrême surprise se peignit seule sur ses traits.

      —Tu n'entres donc pas au théâtre? dit-elle, tandis que la jeune fille ôtait ses

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