L'argent des autres: Les hommes de paille. Emile Gaboriau

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу L'argent des autres: Les hommes de paille - Emile Gaboriau страница 5

Автор:
Серия:
Издательство:
L'argent des autres: Les hommes de paille - Emile Gaboriau

Скачать книгу

pas gardées!

      D'un geste brusque, Maxence lui coupa la parole.

      —La chambre de ma soeur, mon père, dit-il, donne sur la cour de la maison voisine...

      —Oui, mais nous sommes au second étage...

      —N'importe! J'ai un moyen.

      Et s'adressant à sa soeur:

      —Viens, Gilberte, poursuivit le jeune homme, viens, tu vas m'éclairer et me donner des draps... Ils sortirent précipitamment. Mme Favoral entrevit une lueur d'espoir.

      —Nous sommes sauvés, s'écria-t-elle.

      —Sauvés, répéta machinalement le caissier.

      —Oui, car je devine le projet de Maxence... Mais il faut nous entendre... Où vas-tu te réfugier?

      —Eh! le sais-je!...

      —Il y a un train à onze heures cinq, fit M. Desormeaux, ne l'oublions pas...

      —Mais il faut de l'argent pour prendre ce train, interrompit l'ancien avoué; j'en ai sur moi, heureusement...

      Et oubliant ses cent soixante mille francs perdus, il tirait son portefeuille. Mme Favoral l'arrêta.

      —Nous avons plus qu'il ne faut, dit-elle.

      Et elle prenait sur la table et elle tendait à son mari les billets qu'avait jetés, avant de sortir, le directeur du Comptoir de crédit mutuel.

      Il les repoussa avec un mouvement de rage.

      —Plutôt crever de faim! s'écria-t-il. C'est lui, c'est ce misérable...

      Mais il s'interrompit, et plus doucement:

      —Cache ces billets, dit-il à sa femme, et que demain Maxence aille les reporter à M. de Thaller...

      On sonna violemment.

      —La police! gémit Mme Desclavettes qui semblait près de s'évanouir.

      —Je vais parlementer, dit vivement M. Desormeaux. Fuyez, Vincent, ne perdez pas une minute...

      Et il courut à la porte d'entrée, pendant que Mme Favoral entraînait son mari vers la chambre de Mlle Gilberte.

      Rapidement et solidement, Maxence avait lié bout à bout quatre draps, qui donnaient une longueur plus que suffisante. Il ouvrit alors la fenêtre, et, en examinant la cour de la maison voisine:

      —Personne, dit-il. Tout le monde dîne. Nous réussirons.

      M. Favoral chancelait comme un homme ivre. Une affreuse émotion décomposait ses traits. Arrêtant un long regard sur sa femme et sur ses enfants:

      —Mon Dieu! murmura-t-il, qu'allez-vous devenir!...

      —Ne craignez rien, mon père, prononça Maxence. Je suis là. Ni ma mère ni ma soeur ne manqueront de rien...

      —Mon fils!... reprit le caissier, mes enfants!...

      Et d'une voix étouffée:

      —Je ne suis digne ni de votre amour ni de votre dévouement... Malheureux que je suis!... Je vous ai fait une existence désolée, une jeunesse sans plaisirs. Je vous ai imposé toutes les épreuves de la pauvreté, tandis que moi!... Et maintenant, je vous laisse la ruine et un nom déshonoré...

      —Hâtez-vous, mon père, interrompit Mlle Gilberte.

      Il semblait ne pouvoir se décider.

      —C'est cependant horrible, poursuivait-il, que de vous abandonner ainsi. Quelle séparation! Ah! la mort serait plus douce. Quel souvenir garderez-vous de moi? Certes, je suis bien coupable, mais non comme vous le pensez. J'ai été trahi. Je vais payer pour tous. Si du moins vous saviez la vérité! Mais la saurez-vous jamais! Nous ne nous reverrons plus...

      Désespérément, sa femme s'attachait à lui.

      —Ne parle pas ainsi, disait-elle. Où que tu trouves un asile, j'irai te rejoindre. La mort seule doit nous séparer. Eh! que m'importe ce que tu as fait et ce que dira le monde? Je suis ta femme. Nos enfants viendront avec moi. Nous passerons en Amérique, s'il le faut; nous changerons de nom, nous travaillerons...

      On entendait à la porte extérieure des coups de plus en plus rudes, et la voix de M. Desormeaux essayant de gagner encore quelques instants.

      —Il n'y a pas à hésiter, dit Maxence.

      Et triomphant des dernières résistances de son père, il lui attacha autour des reins l'extrémité des draps.

      —Je vais vous laisser glisser, père, lui disait-il, et, dès que vous aurez touché le sol, vous déferez le noeud... Prenez garde aux fenêtres du premier... Défiez-vous du concierge, et, une fois dans la rue, surtout, ne marchez pas trop vite... Gagnez le boulevard, où vous serez plus vite perdu dans la foule.

      Les coups à la porte redoublaient. On allait l'enfoncer évidemment, si M. Desormeaux ne se décidait pas à ouvrir.

      La lumière fut éteinte. Aidé de sa fille, M. Favoral se hissa sur l'appui de la fenêtre, pendant que Maxence retenait les draps à deux mains.

      —Je t'en conjure, Vincent, insista encore Mme Favoral, écris-nous. Mon Dieu! je ne vivrai pas, tant que je ne te saurai pas en sûreté...

      Maxence, doucement, lâchait les draps; en deux secondes, M. Favoral eut atteint le pavé de la cour.

      —J'y suis!... fit-il.

      Le jeune homme se hâta de remonter les draps qu'il jeta sous le lit. Mais Mlle Gilberte était restée à la fenêtre assez pour reconnaître la voix de son père demandant le cordon et pour entendre se refermer la lourde porte de la maison voisine.

      —Sauvé! dit-elle.

      Il était temps. M. Desormeaux venait d'être contraint de céder, le commissaire de police entrait...

       Table des matières

      Ce ne sont pas, d'ordinaire, les premiers venus, les commissaires de police de Paris, et si Polichinelle les rosse, c'est qu'il leur a plu d'être rossés.

      Sous leur titre modeste se dissimulent la plus grave peut-être des magistratures, presque la seule que connaisse le peuple, un pouvoir énorme et une influence si décisive que l'homme d'État le plus sensé du règne du tyran Louis-Philippe, osait dire un jour à la tribune: «Donnez-moi à Paris vingt bons commissaires de police, et je vous supprime tout gouvernement; bénéfice net, cent millions.»

      Parisien par excellence, le commissaire a eu le temps d'étudier le pavé de sa ville, lorsqu'il n'était encore qu'officier de paix. L'envers sombre des plus

Скачать книгу