Le serment des hommes rouges: Aventures d'un enfant de Paris. Ponson du Terrail
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Читать онлайн книгу Le serment des hommes rouges: Aventures d'un enfant de Paris - Ponson du Terrail страница 11
Il passa son bras sous le mien.
—J'ai à te parler, marquis, me dit-il.
—Que veux-tu?
—Nous avons recueilli un nouveau renseignement.
—Sur qui?
—Sur elle, parbleu!
—Voyons?
—Elle va chaque dimanche, au matin, avant le jour, entendre la messe dans une petite chapelle située au milieu des bois. C'est un voeu qu'elle a fait.
—Ah! fis-je avec une indifférence affectée.
—Un seul serviteur l'accompagne.
—Eh bien?
—Tu comprends que le moment est propice.
—Pourquoi?
—Mais pour l'enlever.
—C'est juste, balbutiai-je.
—Ah ça! me dit Gaston, mais tu es idiot, mon cher, depuis une heure.
—Tu trouves?
—Tu es amoureux fou, stupide.
—Toi aussi.
—D'accord; mais je n'oublie pas nos conventions, tandis que toi...
—Je ne parais pas m'en souvenir, veux-tu dire?
—Précisément.
Je fis un violent effort sur moi-même et je répondis:
—Pardonne-moi, mais je viens d'éprouver une violente contrariété et j'ai l'esprit à tout autre chose qu'à nos amours.
—Qu'as-tu donc?
—J'ai aperçu dans le bal un officier autrichien que j'ai connu à Paris avant la guerre et je désire le trouver.
—Une querelle?
—Peut-être...
—Mais, c'est jour de trêve...
—Oh! pas pour des affaires particulières... j'ai mes raisons.
—Veux-tu que je t'accompagne?
—C'est inutile. Au revoir...
Et grâce à ce prétexte, je me débarrassai de Gaston, m'élançai au plus épais de la foule et parvins à gagner la porte. Dix minutes après, j'étais assis sur le seuil extérieur de la petite maison isolée au bord du Danube, que la comtesse Haydée m'avait assignée comme lieu de rendez-vous.
J'attendis environ une heure dans la plus vive anxiété.
Pourquoi la jeune Hongroise m'avait-elle donné rendez-vous? Pourquoi avait-elle besoin de me voir et n'avait-elle foi qu'en moi?
A l'émotion que de telles pensées devaient faire naître dans mon coeur, joignez le souvenir de ce serment infâme que j'avais prêté et de cette loterie étrange à laquelle j'avais consenti.
Depuis une heure, mes amis m'étaient devenus odieux.
Il me semblait que ces trois hommes formaient entre elle et moi une barrière infranchissable.
Toutes ces réflexions tumultueuses torturaient mon esprit, lorsque je vis se mouvoir dans l'éloignement une forme humaine.
La nuit était assez sombre, et je ne pus distinguer tout d'abord à qui j'avais affaire.
Cependant j'entendis un pas léger résonner sur le sol glacé et bientôt je pus me convaincre que la personne qui venait à moi était une femme.
Cette femme était enveloppée dans une mante épaisse qui lui cachait entièrement le visage.
Je crus que c'était la comtesse elle-même et j'allai vers elle.
Mais une voix qui m'était inconnue me dit, en mauvais français:
—Qui êtes-vous?
—Je suis le marquis de Vilers.
—C'est bien, reprit la voix, on vous attend.
—Où?
—Suivez-moi. Elle n'a pu venir ici.
La femme inconnue me prit alors par la main et me fît remonter les bords du Danube vers la ville, où nous pénétrâmes par une ruelle tortueuse et sombre.
—Où me conduisez-vous? demandai-je.
—Venez toujours, répondit la femme encapuchonnée.
Nous cheminâmes ainsi de ruelle en ruelle pendant un quart d'heure environ.
Puis, la femme s'arrêta.
J'essayai alors de m'orienter, et je cherchai à savoir où je me trouvais. J'étais sur le seuil d'une porte bâtarde, sous les murs d'une maison noire et de sinistre apparence.
Un moment je crus à un guet-apens.
Mais je n'étais pas homme à reculer et me contentai de porter sous mon manteau la main à la garde de mon épée.
La femme souleva un marteau qui rendit à l'intérieur un bruit sourd; une minute s'écoula, puis la porte s'ouvrit.
—Venez, répéta l'inconnue.
J'avais devant moi un corridor ténébreux.
La femme encapuchonnée me prit par la main et m'entraîna. Je fis en ce moment une réflexion bizarre.
Peut-être un rival malheureux avait-il entendu la comtesse Haydée lorsqu'elle m'assignait un rendez-vous, et, ivre de jalousie, me tendait-il un piège?
Mais je serais allé au bout du monde et je n'en continuai pas moins à marcher.
Tout à coup, à l'extrémité du corridor, nous atteignîmes une porte.
La femme encapuchonnée poussa cette porte, et, lorsque celle-ci fut ouverte, je demeurai, ébloui.
VII
OU TONY EST INITIÉ A UNE SOMBRE HISTOIRE
D'AMOUR
Je me trouvai, disait encore le marquis de Vilers dans ce manuscrit si palpitant, à l'entrée d'un joli boudoir comme nos marquises de Versailles savent en avoir.
C'était un boudoir à la française avec des