Le serment des hommes rouges: Aventures d'un enfant de Paris. Ponson du Terrail

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Le serment des hommes rouges: Aventures d'un enfant de Paris - Ponson du Terrail

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le seul moyen de m'assurer son immense fortune.

      La jeune fille s'arrêta un moment et me regarda silencieusement. Elle était émue; une larme brillait dans ses yeux.

      —Ainsi, lui dis-je, après vous avoir aimée comme sa fille...

      —Il voudrait faire de moi sa femme.

      —Mais c'est un vieillard! m'écriai-je.

      —Oh! répondit-elle, à l'heure où il aurait pu, pour la première fois m'avouer son amour, j'étais encore une enfant, je l'aimais plus qu'aucun homme au monde, et j'eusse fait ce qu'il m'aurait demandé sans y réfléchir.

      —Mais depuis...

      Elle s'arrêta une seconde fois et soupira.

      Pour la seconde fois aussi, j'éprouvai un tressaillement bizarre.

      Était-ce un pressentiment?

      Elle avait un nom et un aveu sur les lèvres; mais elle se domina sans doute et me dit brusquement:

      —Croiriez-vous que cet homme s'est pris pour moi d'un amour si violent, si étrange, si effrayant, que sa jalousie est devenue mon supplice de toutes les heures et de tous les instants!

      Un jour, un jeune officier de hussards m'a demandée en mariage.

      Le comte a refusé net.

      Le jeune homme a osé m'écrire; il a fait plus, il est venu errer sous mes fenêtres. Un matin, on l'a trouvé mort dans un des fossés du château. Le comte l'avait tué pendant la nuit.

      —Quelle infamie! m'écriai-je.

      —Un autre jour, continua la jeune fille, ce tyran a osé me dire: «Vous ne voulez point être ma femme, soit! mais jamais vous n'aurez d'époux... je tuerai tous ceux qui vous aimeront.»

      La jeune fille s'arrêta encore, et la larme que j'avais vue briller dans son oeil, roula lentement sur sa joue. Je pris sa main dans les miennes:

      —Eh bien, lui dis-je, que dois-je faire? Qu'attendez-vous de moi?

      —Sauvez-moi! me dit-elle.

      Je jetai un cri.

      —Ah! tenez, acheva-t-elle, vous souvenez-vous de cette nuit... où j'allais à l'Opéra... où vous m'avez sauvée?...

      —Oui.

      —Eh bien, depuis lors...

      Elle s'arrêta... Sa voix était tremblante, étouffée.

      —Achevez? je vous en conjure! m'écriai-je hors de moi.

      —Eh bien!... cette nuit-là, j'ai compris que je ne pouvais épouser le comte...

      Les dernières paroles de la jeune fille m'avaient ouvert le ciel.

      Elle m'aimait!

      Pendant deux heures, Haydée et moi, nous échangeâmes les plus doux serments et méditâmes un plan d'évasion.

      Je voulais à tout prix la soustraire à la tyrannie du comte, la conduire en France et l'y épouser.

      J'avais oublié le pacte honteux qui me liait aux autres hommes rouges.

      VIII

      OU LE MARQUIS DE VILERS S'APPRÊTE

       A CONSOMMER SA TRAHISON

      Le timbre de la pendule, en marquant trois heures du matin, continua à lire Tony, vint nous arracher, la jeune fille et moi, à notre extase et à notre bonheur.

      —Mon Dieu! me dit-elle, il faut que vous partiez! Le comte est resté au bal, assis à une table de jeu; mais il va rentrer et il me fera demander sans doute.

      —Quand vous reverrai-je?

      —Ah! quelle maudite guerre! murmura-t-elle. La trêve expire au point du jour.

      —Il est pourtant impossible, lui dis-je, que nous attendions à dimanche prochain.

      —Oh! certes...

      —Indiquez-moi un lieu où je puisse vous revoir demain. Tenez, ici, par exemple...

      —Y songez-vous?

      —Je trouverai un moyen d'entrer sain et sauf dans la ville et de m'en aller de même.

      —Eh bien, soit, me dit-elle... À demain...

      —A demain! répondis-je en lui baisant les mains avec transport.

      Mais, comme je faisais un pas vers la porte mystérieuse, elle m'arrêta.

      —Ah! mon Dieu! me dit-elle, le billet.

      —Quel billet?

      —Celui que m'ont confié vos amis.

      Le souvenir me revint, et je sentis mon sang se glacer.

      —C'est une plaisanterie, balbutiai-je: néanmoins gardez-le, je vous dirai tout demain.

      Elle me conduisit jusqu'à la porte qui s'ouvrit sans bruit.

      Nous échangeâmes le baiser d'adieu et je me trouvai dans les ténèbres.

      —Venez! me dit une voix que je reconnus pour celle de la femme encapuchonnée.

      Celle-ci me conduisit dans la rue:

      —Retrouverez-vous votre chemin?

      —Parfaitement. Bonsoir.

      Et je regagnai la maison du magnat, où l'on dansait toujours.

      Un homme était sur le seuil du premier salon quand j'entrai; c'était Gaston de Lavenay.

      —On te cherche partout, me dit-il. Et Maurevailles prétend que tu as eu un rendez-vous avec la belle Hongroise.

      Je devins aussi pâle qu'un fantôme.

      —Maurevailles est un niais, répondis-je d'une voix altérée.

      En ce moment, je l'aperçus qui venait nous rejoindre au bras de Marc de Lacy.

      Je fis un violent effort et je lui dis:

      —Où diable as-tu vu que j'avais eu un rendez-vous avec la comtesse?

      —C'est une plaisanterie, répondit Maurevailles; mais tu es déjà si bien avec elle que nous sommes un peu jaloux.

      Je compris qu'il fallait à tout prix détourner les soupçons de mes amis, et je dis en riant:

      —Je fais les

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