Le serment des hommes rouges: Aventures d'un enfant de Paris. Ponson du Terrail
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Tout à coup Lavenay poussa un cri:
—Nous n'avons qu'une chose à faire, fit-il.
—Parle, dit Marc de Lacy.
—Cet homme qui vient d'enlever la marquise, reprit Lavenay, ne restera pas à Paris...
—Qu'en sais-tu?
—D'abord, il doit évidemment nous connaître et il sait de quoi nous sommes capables. Nous avons retrouvé la comtesse Haydée, malgré toutes les précautions prises par Vilers. Ici nous la retrouverions encore, malgré tout le soin que cet inconnu pourrait mettre à la cacher. Donc il va quitter Paris et probablement la France.
—Lavenay a raison, s'écria de Lacy, mais quel peut être cet homme?
—Je n'en sais rien. Nous chercherons cela plus tard. Le plus pressé, c'est de le joindre. On ne fait pas un long voyage ainsi, surtout avec une femme, à l'improviste et sans bagages. Il ne faut pas oublier que le carrosse m'appartenait, il n'y a qu'un quart d'heure. Notre ennemi a dû toucher à son hôtel pour prendre quelques malles, puis il gagnera au plus vite l'une des portes de Paris. Si nous savions laquelle, il nous serait facile d'aller l'y attendre. Mais Paris a quinze barrières et nous ne sommes que six, dont trois imbéciles.
—Que faire alors?...
—Ma foi! prendre un grand parti: courir chez le lieutenant de police et l'informer de ce qui s'est passé. On connaît assez ses habitudes pour être sûr qu'il enverra immédiatement du monde à toutes les portes de Paris.
Si le carrosse veut sortir, on l'arrêtera.
S'il est déjà passé, on saura quelle direction il a prise.
Et qu'on nous dise cela..., avec les chevaux que nous avons, nous l'aurons vite rattrapé.
—Lavenay a raison, dit Marc de Lacy, mais je crois qu'il est bon de ne mettre qu'en partie le lieutenant de police dans la confidence.
—C'est évident.
—Peut-être aussi serait-il maladroit de nous montrer à lui tous les trois.
—Certes, dit Lavenay, un seul doit se rendre à l'hôtel de la police.
—Et celui-là?
—Ce sera moi, si vous le voulez bien. Partons ensemble. Vous m'attendrez sur la place Vendôme.
Et les Hommes Rouges partirent au quadruple galop.
XIV
OU LA POLICE FAIT PLUS QU'ON NE LUI DEMANDE
L'hôtel de la police n'était pas situé à cette époque dans le quartier où il est aujourd'hui. Il touchait à l'enclos des Capucines, avec lequel il a depuis longtemps disparu.
Le lieutenant général de police était alors M. Feydeau de Marville, ancien conseiller au Parlement de Paris.
C'était un homme d'une équité sévère et qui n'avait ni l'âpreté, ni la verve inquisitionnelles de son prédécesseur, M. Hérault, celui que le fameux voleur Poulailler attacha un jour dans son propre cabinet, en dépit des gardes et des agents.
M. de Marville, au contraire, s'appliqua à rendre ses fonctions utiles à tout le monde, aux petits comme aux grands, aux pauvres comme aux riches, et il révoqua plusieurs agents qui, dans leur habitude d'omnipotence, avaient abusé de leurs fonctions.
Dans la célèbre affaire de la tragédie de Mahomet, il n'hésita pas à faire, auprès de Voltaire, une démarche personnelle qui eut le meilleur résultat.
Tel était l'homme qu'allait voir M. de Lavenay.
Malgré l'heure avancée et bien qu'il travaillât avec ses secrétaires à des règlements sur les jeux publics, très difficiles à réprimer, M. de Marville n'hésita pas à recevoir le gentilhomme, dont le nom lui était fort connu.
Lavenay lui raconta l'enlèvement, sans dire quelle part ses amis et lui avaient eu l'intention d'y prendre.
Tout au contraire, il donna comme motif de sa démarche la vieille amitié qui l'unissait au marquis de Vilers?
M. de Marville l'écoutait avec attention.
A la fin, il demanda, tout en fixant sur Lavenay ses yeux de lieutenant de police:
—Mais que faisait donc pendant ce temps-là le marquis de Vilers?
Un instant, Lavenay, qui ne s'attendait point à cette question parce qu'on oublie toujours la chose principale, resta décontenancé, mais il se remit bien vite et riposta gaillardement.
—Vilers? mais il est en voyage!
—Et depuis quand?
—Depuis quelques jours.
—Oh! c'est étrange! j'avais cru l'apercevoir hier au petit lever du roi et même lui entendre dire qu'il n'était pas près de quitter Paris.
—Vous, ou moi, nous nous trompons, M. le lieutenant de police. La vérité est qu'à l'heure de l'enlèvement, Vilers n'était point chez lui.
—Soit! mais qui vous fait supposer que l'inconnu qui a enlevé la marquise doive, lui aussi, quitter Paris?
La réplique encore était difficile. Lavenay ne pouvait tenir en effet à faire part à M. de Marville de la poursuite sans merci dont lui-même et ses amis menaçaient la marquise.
Il trouva cette réponse:
—Le ravisseur ne doit-il pas craindre, monsieur le lieutenant de police, qu'à Paris vous ne mettiez trop tôt la main sur lui? Aussi soyez certain qu'il ne songe qu'à vous fuir. C'est pour cela que je me suis permis de venir à cette heure indue.
Le magistrat s'assit à son bureau et écrivit rapidement un ordre.
Puis il frappa sur un timbre. Un huissier entra.
M. de Marville lui remit l'ordre qu'il venait décrire.
—Dans un quart d'heure d'ici, dit-il, tous les postes des portes de Paris seront informés qu'il faut arrêter le carrosse s'il passe, qu'il faut lui donner la chasse, s'il est passé.
Lavenay se mordit les lèvres.
On lui accordait plus qu'il ne demandait.
La maréchaussée à la poursuite de l'homme mystérieux, c'était une grande chance pour qu'il pût s'échapper avec sa précieuse conquête. Ou, dans le cas où la police parviendrait à l'arrêter, c'était la marquise ramenée à son hôtel, et protégée, au moins pour un temps assez long, par M. de Marville, contre les entreprises des Hommes Rouges.
Cependant Lavenay réfléchit qu'avec des chevaux comme ceux qu'ils possédaient, lui, Lacy et Maurevailles, il leur serait facile de devancer les lourdes montures des cavaliers de la maréchaussée.
Aussi