Le serment des hommes rouges: Aventures d'un enfant de Paris. Ponson du Terrail

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Le serment des hommes rouges: Aventures d'un enfant de Paris - Ponson du Terrail

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      A L'HOTEL DE VILERS

      Après avoir enfin gagné sa chambre, Tony, tout bouleversé par les terreurs de mame Toinon, récapitula dans son cerveau les événements singuliers dont il venait d'être témoin et acteur.

      Pour un enfant de seize ans, habitué à l'existence calme et un peu effacée qu'il avait menée jusqu'alors auprès de la bonne mame Toinon, il y avait de quoi devenir fou.

      Tony en était à se demander s'il n'avait pas rêvé, si le duel sans témoins, la cassette d'ébène, le manuscrit du mort, l'histoire des Hommes Rouges et enfin l'aventure du bal de l'Opéra n'étaient pas le résultat d'un épouvantable cauchemar...

      Malheureusement il n'y avait pas à en douter. Tout cela était arrivé, bien véritablement arrivé.

      —Que vais-je faire, ou plutôt que dois-je faire? se demandait le jeune commis en s'asseyant, pour réfléchir, sur le bord de sa couchette.

      Il songeait que son premier devoir était maintenant d'informer la comtesse de Vilers de la mort de son mari. Mais il était peut-être bien tôt pour se présenter à l'hôtel. La jeune femme, rentrant du bal, épuisée par tant d'émotions, n'avait-elle pas besoin d'un repos si péniblement gagné?

      Il se dit qu'il valait mieux attendre quelques heures. Il ferait jour alors à l'hôtel de Vilers. La comtesse, remise de sa nuit, serait mieux à même de recevoir l'épouvantable nouvelle.

      Puis Tony succombait à la fatigue; malgré lui, ses paupières s'appesantissaient.

      Il pensa que sa mission ne se bornait pas à voir la comtesse, qu'il lui restait bien d'autres choses à faire et que, loin de nuire au succès, quelques heures de sommeil lui rendraient, à lui aussi, la force nécessaire pour les accomplir jusqu'au bout.

      Dans cette idée, il se coucha tout habillé sur son lit et s'endormit,—pour quelques heures, pensait-il.

      Mais, l'on doit s'en douter, le pauvre garçon était rompu de lassitude, et à son âge on dort bien.

      Quand il se réveilla, le jour commençait à tomber...

      —Ah! mon Dieu, s'écria-t-il, quelle heure peut-il être et combien de temps ai-je dormi? Pourvu qu'il ne soit pas trop tard maintenant!...

      Et, sans quitter le costume de mousquetaire qu'il avait porté à l'Opéra, costume qui, du reste, nous l'avons dit, allait remarquablement bien à sa figure éveillée et fière, il descendit les escaliers quatre à quatre et s'élança dans la rue.

      Il arriva bientôt à l'île Saint-Louis. La porte de l'hôtel était fermée.

      Il frappa. Personne ne répondit.

      —Que se passe-t-il donc? se demanda-t-il.

      Tony saisit de nouveau le marteau et se mit à frapper de toutes ses forces. Mais ce fut en vain.

      Quelques bourgeois du voisinage, seuls, ouvrirent leurs fenêtres pour voir d'où venait ce tapage. Puis, se disant que les affaires de l'hôtel de Vilers ne les regardaient point, ils rentrèrent prudemment dans leur logis.

      Tony ne se rebuta pas. Irrité au contraire de ce silence, il voulut en pénétrer la cause.

      —L'hôtel, pensa-t-il, doit avoir une autre sortie, soit du côté de la Seine, soit sur la rue voisine.

      Et il se mit à chercher cette issue.

      Il ne se trompait pas.

      Comme toutes les demeures seigneuriales de cette époque, l'hôtel de Vilers donnait sur d'immenses jardins qui s'étendaient jusqu'au quai de Béthune.

      Le mur, qui leur servait de clôture, avait sans doute quelque point vulnérable, quelque brèche où il était facile de le franchir en s'écorchant un peu les mains et les genoux.

      Il est vrai que Tony, en commettant ainsi une escalade, s'exposait à recevoir un coup de fusil ou tout au moins à être arrêté par quelque jardinier.

      Mais il n'y pensa même pas.

      Et, depuis vingt-quatre heures, il en avait vu bien d'autres!

      Il prit donc sa course vers le quai, décidé à pénétrer de vive force dans l'hôtel.

      Comme il arrivait au coin de la rue de la Femme-sans-Tête, il aperçut une voiture attelée de deux chevaux qui stationnait sous la garde d'un cocher.

      Très pressé d'arriver à son but, le jeune homme ne jeta qu'un regard distrait sur cette voiture, un de ces grands carrosses monumentaux suspendus à d'immenses courroies de cuir, comme on les faisait en ce temps-là et dont on retrouve encore quelques spécimens au Petit-Trianon et au musée de Cluny.

      D'ailleurs l'eût-il regardée, il n'eût pu voir dedans, car devant les glaces les rideaux de cuir étaient fermés.

      Quant au cocher, qui ne portait pas de livrée, il avait, pour se préserver sans doute contre le froid de janvier, relevé jusqu'aux oreilles les collets de sa roquelaure, et les boucles de sa perruque lui cachaient en grande partie le visage.

      Tony avait d'ailleurs bien autre chose à faire que de s'occuper de ce carrosse, qui appartenait probablement à quelque seigneur du voisinage.

      Il lui tardait d'en finir.

      Il examina rapidement la muraille du jardin et trouva bientôt l'aide qu'il cherchait.

      Par-dessus la crête du mur, un gros arbre moussu laissait passer une branche comme pour inviter à s'en servir.

      En sautant, l'apprenti saisit cette branche; puis, roidissant les reins et raccourcissant progressivement les bras, il exécuta ce que les gymnastes appellent le rétablissement.

      Tout essoufflé de cet effort, il s'assit sur la branche pour se reposer un peu.

      Le plus dur était fait. Il ne s'agissait plus que de descendre. Mais Tony dominait le jardin; il voulut en profiter pour s'orienter.

      Comme il examinait les larges allées, se demandant laquelle conduisait directement à l'hôtel, un cri étouffé se fit entendre à quelque distance de lui, suivi d'un piétinement.

      Puis les branches d'un fourré crièrent, froissées par la chute d'un corps.

      Tony dégringola, plutôt qu'il ne sauta, du haut de sa branche et s'élança vers le point d'où partait le bruit.

      Deux hommes luttaient en effet dans un fourré. L'un d'eux, qui tenait l'autre sous son genou et était en train de le bâillonner, était enveloppé d'un grand manteau.

      Et, à la pâle clarté de la lune qui se levait, le jeune homme vit en pâlissant la couleur de ce manteau...

      L'agresseur était un des Hommes Rouges!...

      Quant à celui qu'on bâillonnait, Tony le reconnut également. C'était le vieux Joseph, l'ami, le valet de chambre du marquis.

      Tony

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