Le Cabinet des Fées. Anonyme
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Le Petit Chaperon se déshabille, et va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir comment sa mère-grand était faite en son déshabillé. Elle lui dit:
--Ma mère-grand, que vous avez de grands bras!
--C'est pour mieux t'embrasser, ma fille.
--Ma mère-grand, que vous avez de grands pieds!
--C'est pour mieux courir, mon enfant.
--Ma mère-grand, que vous avez de grandes oreilles!
--C'est pour mieux écouter, mon enfant.
--Ma mère-grand, que vous avez de grands yeux!
--C'est pour mieux voir, mon enfant.
--Ma mère-grand, que vous avez de grandes dents!
--C'est pour te manger.
Et, en disant ces mots, le méchant Loup se jeta sur le Petit Chaperon Rouge, et la mangea.
MORALITÉ.
On voit ici que les jeunes enfants,
Surtout de jeunes filles
Belles, bien faites et gentilles,
Font très-mal d'écouter toutes sortes de gens
Et que ce n'est pas chose étrange
S'il en est tant que le loup mange.
Je dis le loup, car tous les loups
Ne sont pas de la même sorte.
Il en est d'une humeur accorte,
Sans bruit, sans fiel et sans courroux,
Qui, privés, complaisants et doux,
Suivent les jeunes demoiselles
Jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles.
Mais, hélas! qui ne sait que ces loups doucereux
De tous les loups sont les plus dangereux?
Note 1: (retour) Folle, very fond;
Note 2: (retour) seyait, became;
Note 3: (retour) on m'a dit, I was told.
Note 4: (retour) compère, master.
Note 5: (retour) Delà, beyond;
Note 6: (retour) là-bas, down there.
Note 7: (retour) à qui plus tôt y sera, who shall be there the soonest.
Note 8: (retour) chevillette, small peg.
Note 9: (retour) la bobinette cherra, the latch will fall.
LE CHAT BOTTÉ.
Un meunier ne laissa pour tous biens, à trois enfants qu'il avait, que son moulin, son âne et son chat. Les partages furent bientôt faits: ni le notaire ni le procureur 1 n'y furent point appelés, ils auraient eu bientôt mangé tout le pauvre patrimoine.
L'aîné eut le moulin.
Le second eut l'âne.
Et le plus jeune n'eut que le chat.
Ce dernier ne pouvait se consoler d'avoir un si pauvre lot. 2
--Mes frères, disait-il, pourront gagner leur vie honnêtement en se mettant ensemble: 3 pour moi, lorsque j'aurai mangé mon chat, et que je me serai fait un manchon de sa peau, il faudra que je meure de faim.
Le Chat, qui entendait ce discours, mais qui n'en fit pas semblant, 4 lui dit d'un air posé et sérieux:
--Ne vous affligez point, mon maître; vous n'avez qu'à me donner un sac et me faire faire 5 une paire de bottes pour aller dans les broussailles, et vous verrez que vous n'êtes pas si mal partagé que vous croyez.
Quoique le maître du Chat ne fit pas grand fond là-dessus, 6 il lui avait vu faire tant de tours de souplesse pour prendre des rats et des souris, comme quand il se pendait par les pieds ou qu'il se cachait dans la farine pour faire le mort, 7 qu'il ne désespéra pas d'en être secouru dans sa misère.
Lorsque le Chat eut ce qu'il avait demandé, il se botta bravement; et, mettant son sac à son cou, il en prit les cordons avec ses deux pattes de devant, et s'en alla dans une garenne 8 où il y avait grand nombre de lapins.
Il mit du son et des lacerons dans son sac; et, s'étendant comme s'il eût été mort, il attendit que quelque jeune lapin, peu instruit encore des ruses de ce monde, vînt se fourrer dans son sac pour manger ce qu'il y avait mis.
A peine fut-il couché, qu'il eut contentement: un jeune étourdi de lapin entra dans son sac; et le maître Chat, tirant aussitôt ses cordons, le prit et le tua sans miséricorde.
Tout glorieux de sa proie, il s'en alla chez le roi et demanda à lui parler.
On le fit monter à l'appartement de Sa Majesté, où, étant entré, il fit une grande révérence au roi, et lui dit:
--Voilà, sire, un lapin de garenne que M. le marquis de Carabas (c'était le nom qu'il prit en gré de donner à son maître) m'a chargé 9 de vous présenter de sa part.
--Dis