Expérience, force et espoir. Anonyme

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Expérience, force et espoir - Anonyme

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l’avenir, voilà une image de moi qui devrait vous dire que du point de vue psychologique, il est impossible qu’un tel homme devienne alcoolique. Je ne fuyais rien et on me dit un homme d’affaires conservateur et solide.

      Je m’étais absenté du bureau plusieurs fois pendant que je me remettais et retrouvais mon abstinence. Cette fois pourtant, j’ai découvert que je ne pouvais me remettre, que je ne pouvais arrêter et qu’il fallait que je sois hospitalisé. C’est le plus dur coup que mon orgueil ait jamais encaissé. Si dur que je me suis juré que je ne boirais plus jamais une goutte de bière. Cette décision a été prise après mûre réflexion et analyse.

      À l’hôpital, le médecin m’a parlé vaguement du travail des hommes qui se nommaient les Alcooliques anonymes et il m’a demandé si je souhaitais qu’un d’eux me rende visite. J’étais certain de n’avoir besoin d’aucune aide extérieure, mais par politesse pour le médecin et en espérant qu’il oublierait, j’ai accepté.

      J’étais gêné quand un homme s’est présenté chez moi un soir et m’a parlé de lui. Il a rapidement senti mon léger ressentiment et il m’a dit clairement qu’il ne faisait pas partie d’un groupe de missionnaires, qu’ils ne croyaient pas qu’il était de leur devoir d’aider des gens qui ne le désiraient pas. Je crois avoir mis fin à l’entretien en lui disant que j’étais heureux de ne pas être alcoolique et que j’étais désolé de l’avoir dérangé.

      À peine soixante jours plus tard, après avoir quitté l’hôpital une deuxième fois, je cognais à sa porte, prêt à faire n’importe quoi pour vaincre cette chose vicieuse qui m’avait battu.

      La chose que j’espérais démontrer – même un homme qui ne manque de rien matériellement, un homme avec beaucoup de fierté et de volonté, capable de fonctionner en toutes circonstances, peut devenir alcoolique et se retrouver aussi désespéré et abattu que l’homme qui a une foule de soucis et de problèmes.

      LE RECHUTEUR

      La Guerre mondiale battait son plein quand j’ai terminé mon secondaire. J’étais trop jeune pour l’armée mais assez âgé pour manipuler une machine qui fabriquait des armes de destruction. Je suis devenu machiniste avec un bon salaire. De toute façon, j’aimais les machines et j’avais toujours voulu devenir ingénieur en mécanique. Désireux d’apprendre le plus possible, j’ai insisté pour qu’on me mute d’une activité à l’autre jusqu’à ce que j’acquière une solide expérience pratique sur toutes les machines qu’on retrouve ordinairement dans un atelier d’usinage. Ainsi équipé, j’étais prêt à voyager pour acquérir plus d’expérience et sept ans plus tard, j’avais travaillé dans les plus grands centres industriels des États de l’Est, en complétant mon travail à l’atelier par des cours du soir en ingénierie maritime.

      Je profitais de la bonne vie de l’époque et je ne buvais qu’au cours du week-end, et à quelques fêtes le soir après le travail. Mais j’étais perturbé et insatisfait, et, d’une certaine façon, dégoûté de passer d’un emploi à un autre sans autre résultat qu’une enveloppe de paie à la fin de la semaine. Je n’étais pas particulièrement intéressé à gagner beaucoup d’argent, mais je voulais être à l’aise et indépendant le plus rapidement possible.

      Je me suis donc marié et pendant un certain temps, j’ai cru que j’avais trouvé la solution à mon désir de changement constant. La plupart des gens se rangent quand ils se marient et je croyais que je ferais de même, que ma femme et moi choisirions un endroit pour notre foyer et pour élever nos enfants. Je rêvais d’une vie douillette vers quarante ans. Ce n’est pas ce qui s’est produit. Après que la nouveauté de la vie maritale se fut émoussée, le vieux démon de la bougeotte m’a repris.

      En 1924, j’ai emmené ma femme dans une ville en développement du Midwest où le travail ne manquait jamais. J’y avais été plusieurs fois dans le passé et j’avais toujours pu me trouver du travail dans le département d’ingénierie de sa plus importante usine. J’avais rapidement saisi la culture de l’entreprise, réputée pour la formation solide qu’elle offrait à ses employés. Elle encourageait l’ambition et aidait les talents latents à se développer. J’aimais mon travail et je m’efforçais toujours d’obtenir de l’avancement. Je connaissais très bien les besoins mécaniques de l’usine et quand on m’a offert un poste au service des achats de la division mécanique, j’ai accepté.

      Nous habitions désormais dans une sorte de para-dis des travailleurs, un quartier superbement aménagé où on encourageait les employés à s’acheter une maison de la compagnie. Nous avons eu un petit garçon deux ans après que je sois entré au service de la compagnie et cet événement m’a fait prendre le mariage au sérieux. Mon garçon aurait le meilleur que je pourrais lui offrir. Il n’aurait jamais à travailler dur comme moi pendant des années. Nous avions un bon cercle de connaissances dans notre quartier, de gentils voisins, mes collègues de travail au service de l’ingénierie, et plus tard aux achats, étaient de bonnes personnes, la plupart déterminés à obtenir de l’avancement et à profiter des bonnes choses de la vie en ce faisant. Nous avions de belles soirées sans trop d’alcool, juste assez pour donner du piquant au samedi soir, jamais pour perdre le contrôle.

      Le fatal et le fatidique se sont produits en octobre 1929. Le travail a commencé à manquer. Les déclarations rassurantes des leaders financiers ont soutenu notre confiance que l’industrie retrouverait bientôt son équilibre. Mais le bateau tanguait de plus en plus. Dans notre entreprise, comme dans plusieurs autres, les patrons ont ordonné le ralentissement de notre travail. On a mis du personnel à pied. Ceux qui restaient travaillaient d’arrache-pied à toute tâche qui se présentait, en se demandant qui serait le prochain à partir. Je me demandais si les longues heures supplémentaires non rémunérées seraient prises en considération au moment des coupures. Je restais souvent éveillé la nuit en voyant comme d’autres hommes le fruit de mon travail menacé de destruction.

      J’ai été mis à pied. Je l’ai mal encaissé car j’étais un bon travailleur et je pensais, comme c’était souvent le cas, qu’on aurait pu mettre une autre personne à pied. Pourtant, j’ai ressenti du soulagement. C’était arrivé. En partie par ressentiment et en partie parce que j’étais libre, je me suis sérieusement saoulé. Je suis resté saoul pendant trois jours, ce qui était exceptionnel dans mon cas, ayant très rarement manqué une journée de travail parce que j’avais bu.

      Mon expérience m’a rapidement valu un poste assez important dans le service d’ingénierie d’une autre entreprise. Mon travail m’amenait à voyager passablement, jamais très loin de la maison, mais souvent, je devais passer la nuit ailleurs. Il m’arrivait parfois de ne pas avoir à me présenter au bureau pendant une semaine, mais je restais toujours en contact téléphonique. Dans un sens, j’étais pratiquement mon propre patron et, loin de la discipline du bureau, je suis devenu une proie facile pour la tentation. Et des tentations, il y en avait. Je connaissais plusieurs fournisseurs de notre entreprise qui m’estimaient et étaient très amicaux. Au début, je refusais les nombreuses invitations à prendre un verre, mais bientôt j’en acceptais plusieurs.

      Je rentrais de voyage assez affecté par ma consommation de la journée. Il n’y avait qu’un pas entre cette consommation quotidienne et mon absence répétée de mon horaire de travail. Je téléphonais et mon patron ne pouvait pas dire au son de ma voix si j’avais bu ou non, mais avec le temps il a été informé de mes escapades et m’a averti des conséquences possibles pour moi et pour mon poste. Finalement, quand mes écarts de conduite ont nui à mon efficacité et que mon chef a subi des pressions, il m’a congédié. C’était en 1932.

      Je me suis retrouvé exactement là où j’avais débuté

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