Expérience, force et espoir. Anonyme

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Expérience, force et espoir - Anonyme

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FEMME ET MOI

      Garçon élevé sur une ferme, ayant fréquenté la petite école rouge, j’ai travaillé sept ans, pendant et après la guerre, à un bon salaire dans une ville industrielle en développement, j’ai économisé beaucoup d’argent et j’ai finalement épousé un femme talentueuse, instruite, qui avait un bon sens hors de l’ordinaire et une vision des affaires très éclairée, la partenaire rêvée dans tous les sens du terme.

      Nous avions vingt ans, nous étions ambitieux et croyions à notre succès. Nous parlions constamment de l’avenir, échangions des idées et planifions notre vie. Le travail dans une usine, même bien payé à la pièce et en faisant des économies, ne nous semblait pas la meilleure voie. Nous en avons discuté et décidé de tenter notre chance. Notre première expérience, une épicerie de quartier, a connu du succès. L’idée d’un autre magasin, bien situé dans un centre de villégiature des environs, nous semblait excellente. Nous l’avons acheté et avons entrepris de l’exploiter. C’est alors que s’est produit une baisse généralisée des affaires dans tout le pays. Les clients étant moins nombreux, j’avais beaucoup de temps libre et j’ai commencé à apprécier un peu trop la bière maison et les alcools forts de la prohibition. Cela n’a pas aidé nos affaires. Nous avons fini par faire faillite.

      Les emplois étaient rares, mais en persévérant j’ai retrouvé du travail en usine. Quelques mois plus tard, l’usine fermait. Nous avions de nouveau fait de bonnes économies et comme la situation de l’emploi ne semblait pas devoir s’améliorer, nous avons décidé de nous relancer en affaires.

      Cette fois, nous avons ouvert un restaurant dans une région semi rurale et les choses ont bien fonctionné pendant quelque temps. Ma femme faisait l’ouverture le matin, faisait toute la cuisine et servait les clients. Plus tard dans la journée, je prenais la relève et nous fermions tard pour ne pas rater de clients. Notre établissement est devenu le lieu de rencontre préféré de groupes de fêtards qui se présentaient occasionnellement avec une bouteille.

      Je me disais que j’étais capable de supporter l’alcool car j’étais toujours sur mes deux pieds à la fermeture. Je parlais éloquemment de la façon dont j’espaçais mes consommations, du fait de ne boire que des portions raisonnables et de la folie de ceux qui ingurgitaient de grandes quantités d’alcool. Non, mossieur ! Je ne serais pas un de ces « saoulons » dominés par l’alcool. Jeune et fort, je pouvais résister aux effets de la veille et à la nausée du matin, m’abstenant même de prendre mon premier verre avant l’après-midi. Cependant, après quelque temps, l’idée de souffrir pendant quelques heures ne me plaisait plus.

      Le verre du matin est devenu le premier geste de ma routine quotidienne. J’étais devenu un « régulier ». J’avais mon remède régulier – une bonne lampée pour démarrer la journée sans attendre une heure précise. Auparavant, j’attendais que le besoin se fasse sentir ; bientôt, j’aimais tellement la chose que je n’attendais pas le besoin. Ma femme voyait bien que cela me faisait du tort. Elle m’en a parlé, doucement d’abord, puis, très sérieusement. Allais-je contribuer à tuer notre entreprise alors qu’elle avait justement besoin qu’on la protège ? Nous avons commencé à nous endetter. Ma femme, désireuse d’atteindre le but que nous nous étions fixé et appréhendant les conséquences si je ne me reprenais pas en main, m’a fait un sermon. Nous nous sommes disputés. Je suis parti en colère.

      Notre séparation a duré une semaine ; j’ai beau-coup réfléchi et je suis retourné à ma femme. Doucement, avec un peu de remords, nous avons parlé. Notre situation était pire que je ne l’avais imaginée. Nous avons trouvé un acheteur pour le commerce et nous l’avons vendu. Il nous restait de l’argent.

      J’avais un talent naturel pour la mécanique, j’étais habile avec des outils. Nous sommes rentrés en ville et, décidé à ne jamais plus travailler en usine, j’ai cherché un endroit pour ouvrir un atelier attenant à une maison, et j’ai lancé un atelier d’usinage de métal. J’avais mal choisi le moment de me lancer en affaires. Mon entreprise a littéralement disparu avec la Dépression.

      Il n’y avait pas de travail du tout. Nous étions en retard sur notre loyer et nos autres obligations. Nous n’avions souvent rien à manger. Comme nous avions besoin de chaque sou pour manger et nous loger, usant nos vieux vêtements sans acheter rien d’autre que pour nos deux enfants, je n’ai pas bu pendant deux ans. Je cherchais du travail. J’ai sonné aux portes partout en ville demandant un emploi. Ma femme m’accompagnait, elle sollicitait un côté de la rue pendant que je faisais l’autre. Nous n’avons rien négligé pour sur-vivre, mais nous n’arrivions toujours pas, à tel point que nous risquions de nous trouver dans la rue avec nos effets.

      Prenant mon courage à deux mains, j’ai parlé avec mon propriétaire qui avait des liens avec une grande entreprise d’immobilier qui gérait plusieurs propriétés.

      Nous devions six mois de loyer et ils ont pensé que la seule façon de récupérer le loyer en retard était de me donner quelques petits contrats. Ma femme a appris à faire fonctionner la machinerie pendant que je m’occupais de l’installation. L’entreprise immobilière a aimé mon travail et a commencé à me donner d’autres mandats. Pendant cette période sinistre, avec deux bébés à nourrir, je ne pouvais pas dépenser beaucoup pour boire. Je suis resté abstinent. Ma femme et moi avons même recommencé à fréquenter l’église et à rembourser nos dettes.

      C’était les années difficiles de la Dépression. Pendant trois ans, Noël pour notre petite famille n’était que le 25 décembre. Nos clients nous voyaient comme deux jeunes sérieux qui tentaient de tenir le coup pendant que la situation s’améliorait un peu, et nous avons commencé à obtenir de meilleurs contrats. Nous pouvions désormais embaucher des travailleurs compétents et nous avons acheté une voiture et plusieurs petits camions. Nous étions devenus prospères et avons emménagé dans une maison mieux équipée.

      Mes poches, vides pendant des années, contenaient désormais des billets. Les premiers billets sont rapidement devenus une liasse retenue par une bande élastique. J’étais bien connu des entreprises d’immobilier, des hommes d’affaires et des politiciens. On m’aimait et j’étais populaire. Une accalmie a succédé à une bonne saison. J’avais du temps libre et j’ai recommencé à boire. Cela a duré un mois, mais, grâce à l’aide de ma femme, je me suis repris à temps. « Souviens-toi comment nous avons perdu le magasin ! Souviens-toi du restaurant ! », disait ma femme. Je m’en souvenais trop bien. C’était trop récent et le souvenir en était trop amer. J’ai solennellement juré d’arrêter et je suis à nouveau devenu abstinent, cette fois pendant neuf longs mois.

      Les affaires continuaient de prospérer. Bientôt, il nous est apparu qu’en faisant bien attention, nous pourrions éventuellement avoir une assez bonne affaire, un revenu suffisant pour nous permettre de bien vivre et de donner une bonne éducation à nos enfants.

      Mes affaires sont saisonnières. L’automne et le début de l’hiver sont très occupés. Les premiers mois de l’année sont assez calmes. Mais malgré la réduction du volume, je faisais des contacts, je développais mes futures affaires et je rencontrais des gens qui pouvaient éventuellement me donner des contrats. Ne voyant pas de danger à l’horizon, malgré mon expérience passée, je refusais rarement les invitations de mes amis d’affaires à prendre un verre. Après quelque temps, je buvais chaque jour, et bientôt, je buvais bien plus que jamais auparavant, car j’avais toujours les poches pleines d’argent.

      Au début, je retrouvais ma femme et mes enfants le soir, un peu plus gai que d’habitude. Mais le joyeux drille de mari et père qu’ils avaient connu a cédé la place à un homme qui claquait la porte en rentrant. Ma femme, sérieusement inquiète après des semaines et des semaines

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