Études: Baudelaire, Paul Claudel, André Gide, Rameau, Bach, Franck, Wagner, Moussorgsky, Debussy…. Jacques Rivière

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Études: Baudelaire, Paul Claudel, André Gide, Rameau, Bach, Franck, Wagner, Moussorgsky, Debussy… - Jacques Rivière

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en proie à la réminiscence[12]. Il revoit confusément cette forme parfaite que l'univers a dépouillée pour jamais et qu'il s'efforce pourtant de ressaisir. A la longue le souvenir qui vient le visiter dans son abîme, se fait plus précis. Ainsi qu'au naufragé la consolation des longs mirages, le paradis terrestre s'étend au fond de sa mémoire[13]. Il est svelte et nu comme les arbres clairs des Iles; il est semblable à la mer tiède et domptée des beaux climats, où les navires circulent, voluptueusement appuyés au flanc des vagues:

      J'irai là-bas où l'arbre et l'homme pleins de sève

       Se pâment longuement sous l'ardeur des climats;

       Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève!

       Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve

      Parfois, séduit par un espoir moins fort, c'est d'une voix plus basse, avec une sorte de regret sans révolte, que le poète appelle son bonheur:

      Dis-moi, ton cœur, parfois, s'envole-t-il, Agathe,

       Loin du noir océan de l'immonde cité,

       Vers un autre océan où la splendeur éclate,

       Bleu, clair, profond, ainsi que la virginité?

       Dis-moi, ton cœur, parfois, s'envole-t-il, Agathe?

       . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

       Comme vous êtes loin, paradis parfumé,

       Où sous un clair azur tout n'est qu'amour et joie,

       Où tout ce que l'on aime est digne d'être aimé!

       Où dans la volupté pure le cœur se noie!

      Pourtant, si l'atteignait notre amour:

      Tout y parlerait

       A l'âme en secret

       Sa douce langue natale.

      Là, tout n'est qu'ordre et beauté,

      Le poète parle avec une tendresse pénétrée des moindres existences, des objets eux-mêmes. Il semble qu'il n'ose les toucher. Il met toute sa précaution à les soulever. Il les enveloppe dans ses vers avec émerveillement. Il sent tout le prodige qu'il y a à ce qu'ils soient tels et non pas autres. Il se complaît à décrire des appartements, à dire la couleur des tentures, l'odeur qu'exhalent les meubles. Avec révérence il évoque le désordre que le passé lentement au fond des armoires compose:

      Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,

       De vers, de billets doux, de procès, de romances,

      Semblable aux visions pâles qu'enfante l'ombre

       Et qui nous enchaînent les yeux,

       La tête, avec l'amas de sa crinière sombre

       Et de ses bijoux précieux,

      Sur la table de nuit, comme une renoncule,

       Repose...

      A tout ce qui est, à tout ce qui, privé de perfection, vit pourtant, le poète étend son admiration muette et triste. Il épouse toute misère, il est prêt à recevoir tout sentiment. Dans l'infinité des souffrances il n'en est aucune qui le trouve distrait. Mais il n'est là que pour les aimer. Trop de respect en lui pour qu'il s'indigne. Il garde cette impartialité terrible que donne un immense amour de la vie:

      Loin du monde railleur, loin de la foule impure,

       Loin des magistrats curieux,

       Dors en paix, dors en paix, étrange créature,

       Dans ton tombeau mystérieux;

      Ton époux court le monde, et ta forme immortelle

       Veille près de lui quand il dort;

       Autant que toi sans doute il te sera fidèle,

      Chaque vers du Crépuscule du Matin, sans cri, avec dévotion, éveille une infortune:

      Les maisons çà et là commençaient à fumer.

       Les femmes de plaisir, la paupière livide,

       Bouche ouverte, dormaient de leur sommeil stupide;

       Les pauvresses, traînant leurs seins maigres et froids,

       Soufflaient sur leurs tisons et soufflaient sur leurs doigts,

       C'était l'heure où parmi le froid et la lésine

       S'aggravent les douleurs des femmes en gésine.

       Comme un sanglot coupé par un sang écumeux

       Le chant du coq au loin déchirait l'air brumeux;

       Une mer de brouillards baignait les édifices,

      

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