Manuel de la procédure d'asile et de renvoi. Constantin Hruschka
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу Manuel de la procédure d'asile et de renvoi - Constantin Hruschka страница 35
2.2 La procédure d’asile proprement dite
Lorsque l’autorité entre en matière, elle accède à la demande du requérant d’asile et procède à un examen dit matériel des motifs d’asile. L’autorité doit alors se prononcer sur la qualité de réfugié et sur l’octroi de l’asile comme mesure de protection du réfugié. Pour ce faire, elle procède en trois étapes et répond successivement aux questions suivantes6 :
a. Les critères de reconnaissance de la qualité de réfugié sont-ils remplis (art. 3 LAsi, art. 1A CR) ?
b. Les déclarations du requérant sont-elles vraisemblables (art. 7 LAsi) ?
c. Y a-t-il un motif d’exclusion de l’asile (art. 53 et 54 LAsi) ?
La qualité de réfugié – La procédure d’asile doit permettre de déterminer si une personne est un réfugié au sens de la Convention relative au statut des réfugiés (art. 1A CR repris à l’art. 3 LAsi). La reconnaissance formelle de la qualité de réfugié exige l’examen de plusieurs critères qui doivent être cumulativement remplis. Est ainsi reconnue comme réfugié la personne qui, dans son Etat d’origine ou dans le pays de sa dernière résidence, est exposée à de sérieux préjudices ou [104]craint à juste titre de l’être en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social déterminé ou de ses opinions politiques. La jurisprudence suisse exige que les critères suivants soient cumulativement remplis :
1) Le requérant doit se trouver en dehors de l’Etat d’origine et avoir rompu toute relation avec les autorités.
2) Absence de volonté ou incapacité de protection de l’Etat d’origine.
3) Présence d’une crainte fondée de persécution.
4) Intensité et caractère ciblé de la persécution (« sérieux préjudices »).
5) Persécution fondée sur l’un des cinq motifs conventionnels.
6) Pas d’alternative interne de protection.
Dans de rares cas, la Convention de Genève permet d’exclure une personne de la qualité de réfugié, lorsque celle-ci a notamment commis un crime grave avant d’être admise comme réfugié (art. 1F CR). Sur l’exclusion de la qualité de réfugié (art. 1D-F CR et art. 3 al. 3 et 4 LAsi), il est renvoyé au chap. VIII, pt 3.
Vraisemblance – Les déclarations de l’intéressé doivent être substantielles, ses allégations plausibles, son récit ne doit pas présenter de contradictions majeures et la crédibilité personnelle du requérant ne doit pas être entachée par un comportement contraire à l’obligation de collaborer du requérant. Un doute sur la vraisemblance du récit ne devrait pas permettre à l’autorité d’éluder entièrement l’examen sur la qualité de réfugié (voir chap. XII, pt 5).
Octroi de l’asile – La reconnaissance de la qualité de réfugié est une étape déterminante de la procédure et fait systématiquement l’objet d’un point distinct du dispositif. L’autorité reconnaît alors formellement le besoin de protection du requérant. En réponse à ce besoin, la Suisse octroie généralement l’asile qui comprend la protection et le statut accordés en raison de la qualité de réfugié (art. 49 LAsi en lien avec art. 2 al. 2 LAsi). Le réfugié au bénéfice de l’asile reçoit alors une autorisation de séjour (permis B) qui lui confère des droits et obligations propres à son statut (voir chap. XV, pt 2).
Motifs d’exclusion de l’asile – Les Etats gardent une certaine marge d’appréciation quant à la forme et à l’étendue de la protection qu’ils entendent offrir aux réfugiés. En Suisse, l’asile est généralement octroyé au réfugié, à moins que celui-ci en soit indigne en raison d’actes répréhensibles, d’une atteinte ou d’une compromission de la sûreté de la Suisse (art. 53 LAsi – motif d’indignité), ou qu’il ne soit devenu réfugié qu’en raison d’un comportement ultérieur à sa fuite (art. 54 LAsi – motifs subjectifs postérieurs à la fuite). Un réfugié peut donc être exclu de l’asile malgré un besoin avéré de protection. Dans ce cas, l’autorité reconnaît la qualité de réfugié, mais rejette la demande d’asile et prononce le renvoi. L’exécution du renvoi d’un réfugié étant illicite (car contraire au principe de non-refoulement), ce dernier sera,[105] en principe, admis en Suisse à titre provisoire (pt 3.3.2). Il ne bénéficiera pas de l’ensemble des droits conférés par l’asile en droit suisse, mais pourra se prévaloir de ceux reconnus par la Convention de Genève (voir chap. X, pt 3 et chap. XV, pt 3).7
Rejet de l’asile et décision de renvoi – La demande d’asile est rejetée lorsque le réfugié est exclu de l’asile ou que le requérant n’a pas la qualité de réfugié. Ce rejet s’accompagne systématiquement d’une décision de renvoi dont l’exécution devra être examinée sous l’angle du droit des étrangers, dans le cadre de la procédure de renvoi.
2.3 La procédure Dublin
Les décisions de transfert Dublin font figure d’exception quant au cheminement procédural. Le TAF estime en effet qu’il n’y a pas lieu de procéder à un examen distinct des obstacles à l’exécution du renvoi lorsque celui-ci est prononcé en vertu des accords de Dublin. L’examen des motifs pouvant amener l’autorité à renoncer au transfert (en application de la clause de souveraineté de l’art. 17 RD III en lien avec l’art. 29a al. 3 OA 1) inclut d’emblée l’ensemble des éléments qui doivent être pris en considération dans le cadre de l’examen relatif à l’exécution du renvoi.8 Sur les procédures Dublin, voir chap. VII, pt 2.2.
2.4 La procédure de renvoi
La décision de renvoi prononcée suite à la non-entrée en matière ou au rejet de l’asile met fin à la procédure d’asile au sens strict, mais pas à l’ensemble de la procédure. L’examen se poursuit afin de déterminer si d’éventuels obstacles s’opposent à l’exécution du renvoi (à l’exception des cas Dublin). Celle-ci doit être possible, licite et raisonnablement exigible conformément aux dispositions de la LEtr (art. 83 et 84 LEtr). Tout étranger engagé dans une procédure de renvoi, qu’il ait déposé ou non une demande l’asile, est ainsi soumis aux mêmes dispositions concernant l’exécution du renvoi.
[106]Obstacles à l’exécution du renvoi – Conformément à l’art. 83 LEtr, le SEM admet provisoirement l’étranger dont l’exécution du renvoi est impossible, illicite ou inexigible. On parle d’impossibilité du renvoi lorsqu’un obstacle technique empêche son exécution, indépendamment de la volonté de la personne de se soumettre à la mesure.9 L’exécution du renvoi est illicite lorsqu’elle contrevient aux engagements internationaux de la Suisse, notamment en raison d’une atteinte au principe de non-refoulement ou aux dispositions de la CEDH. L’inexigibilité de l’exécution du renvoi est prononcée, quant à elle, pour des motifs d’ordre humanitaire, lorsqu’un renvoi exposerait l’étranger à une situation de danger concret, en raison notamment d’une situation de violence généralisée ou de problèmes de santé (voir chap. X).
Exécution du renvoi vs admission provisoire – Lorsqu’un obstacle s’oppose à l’exécution du renvoi,