Manuel de la procédure d'asile et de renvoi. Constantin Hruschka
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Le séjour des personnes admises à titre provisoire est réglé aux art. 83 à 88 LEtr, 74 OASA et 16 à 26a OERE. D’importantes distinctions sont faites selon que la personne est reconnue comme réfugié ou comme étranger admis à titre provisoire. Seule la première peut se prévaloir des droits conférés par la CR et bénéficie de ce fait d’un bien meilleur statut.
3.3.1 Non-entrée en matière et admission provisoire
Chaque année, plusieurs dizaines de personnes se voient notifier une décision de NEM, puis mis au bénéfice de l’admission provisoire en raison d’un obstacle à l’exécution du renvoi. L’examen dissocié du besoin de protection au sens du droit d’asile d’une part, et du droit des étrangers d’autre part, conduit à une problématique propre au système Suisse : une personne admise à titre provisoire peut être autorisée à rester en Suisse sans que ses motifs d’asile ne soient examinés par une autorité compétente. Ces cas de figure restent cependant marginaux par rapport au nombre de demandes traitées.
3.3.2 Réfugié admis provisoirement
En 2014, 9367 personnes ont été admises à titre provisoire, parmi lesquelles 2494 en tant que réfugiés exclus de l’asile. Les dispositions relatives à l’exclusion de l’asile ont été appliquées en premier lieu aux ressortissants du Tibet (République populaire de Chine), d’Erythrée, de Syrie, du Sri Lanka et d’Iran. Cela s’explique dans la quasi-totalité des cas par l’existence de motifs subjectifs postérieurs à la fuite (voir chap. IX, pt 3.3). Les diasporas de ces pays étant fréquemment surveillées par les services secrets du pays d’origine, toute personne engagée – ou suspectée de l’être – auprès de l’opposition en exil encourt un risque de persécution et devient de ce fait un réfugié. L’exclusion de l’asile vise alors à « punir » les personnes qui ne s’engageraient politiquement qu’au motif d’acquérir la qualité de réfugié. La continuité des convictions ou orientations déjà affichées avant le départ étant particulièrement difficile à démontrer, ces mesures touchent avant tout les communautés de pays [111]dont l’opposition politique est active en Suisse, à l’instar notamment des Iraniens, des Sri Lankais et des Syriens. Sont également exclues de l’asile les personnes dont la qualité de réfugié ne se fonde que sur le départ illégal du pays. Cette situation touche, en Suisse, essentiellement les Erythréens et les Tibétains dont la socialisation en Erythrée ou en Chine n’est cependant pas mise en doute.
3.3.3 Etranger admis provisoirement
Il se peut qu’une personne ne remplisse pas les critères de la qualité de réfugié, sans pour autant que l’on puisse la renvoyer dans son pays d’origine. 6873 personnes ont obtenu en 2014 une admission provisoire, sans reconnaissance de la qualité de réfugié.16 La plupart de ces admissions provisoires sont octroyées en raison de l’inexigibilité de l’exécution du renvoi. Les « réfugiés de la violence » ayant fui une situation de guerre ou de violence généralisée peuvent alors rester en Suisse au bénéfice d’une admission provisoire lorsque la situation sécuritaire est telle que l’on ne saurait raisonnablement exiger qu’ils retournent dans leur pays. En pratique, les ressortissants d’Afghanistan, de Somalie, d’Irak ou de Syrie représentent une part importante des étrangers admis en Suisse à ce titre. D’autres aspects humanitaires, tels que l’état de santé de la personne, l’accès aux soins ou les possibilités de réintégration sociale et économique peuvent également conduire à l’inexigibilité de l’exécution du renvoi, particulièrement en présence d’un cumul d’éléments défavorables au renvoi (chap. X, pt 3).
Lorsque l’autorité prononce l’admission provisoire sans reconnaître la qualité de réfugié, l’intéressé peut recourir contre le rejet de l’asile selon les modalités de recours ordinaires.
3.4 Reconnaissance du besoin de protection (taux de protection)
Le taux d’octroi de l’asile ne suffit pas à reconnaître le besoin de protection des personnes qui déposent une demande d’asile en Suisse. Si l’on admet l’admission provisoire comme étant une forme de protection au même titre que l’asile, on constate que 76.6 % des demandeurs d’asile dont les demandes ont été traitées sur le fond (à l’exclusion des décisions de non-entrée en matière) ont reçu une protection en 2014 à l’issue de la procédure.17 Le SEM détermine quant à lui le taux d’octroi d’une protection par rapport à l’ensemble des décisions rendues en première instance (y compris les décisions de NEM) et arrive à un taux de reconnaissance de 58.3 % en 2014.
[112]4 Aspects procéduraux de la décision
4.1 La décision d’asile et son dispositif
La décision formelle – Le SEM est en principe tenu de statuer par décision sur toute demande d’asile déposée en Suisse.18 La décision se divise en trois parties : la première relate l’état de fait sur lequel se fonde l’examen de la demande, la seconde se prononce sur la qualité de réfugié et l’octroi de l’asile, voire sur les éventuels motifs de non-entrée en matière et la troisième partie se concentre le cas échéant sur l’examen d’éventuels obstacles à l’exécution du renvoi. L’ensemble des conclusions figure dans le dispositif en fin de décision, qui énumère les constatations développées dans les considérants. Les éléments centraux de la décision sont repris dans une lettre d’accompagnement qui n’a pas de valeur légale à proprement parler.
Le dispositif – L’autorité se prononce successivement et séparément sur les éléments essentiels de la décision que sont l’entrée en matière, la qualité de réfugié, l’octroi de l’asile, le renvoi et l’exécution du renvoi le cas échéant. Elle désigne si nécessaire un canton d’attribution, ou un canton responsable de l’exécution du renvoi. Ce n’est qu’au moment de la reconnaissance formelle du statut de réfugié que la personne peut se prévaloir des droits qui découlent de la qualité de réfugié, excluant toute application rétroactive.19
4.2 Délais et stratégies de traitement
Délais de traitement – En procédure de première instance, le SEM doit en principe rendre une décision dans les dix jours ouvrables qui suivent le dépôt de la demande (art. 37 al. 2 LAsi).20 Pour les décisions NEM, le délai d’ordre est de cinq jours ouvrables à compter du dépôt de la demande ou de l’approbation d’une requête de (re)prise en charge par un autre Etat Dublin (al. 1). Les délais d’ordre de la LAsi [113]sont applicables par analogie aux demandes de réexamen.21 Le non-respect de ces délais n’a toutefois pas de conséquence juridique sur la procédure.22 En dépit de la volonté marquée de l’ensemble des acteurs de la procédure, les incitations législatives ne suffisent visiblement pas à réduire les délais de traitement en pratique. D’importants changements sont toutefois attendus avec l’introduction des procédures cadencées actuellement expérimentées au centre test de la Confédération à Zurich