La prononciation du français langue étrangère. Группа авторов

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La prononciation du français langue étrangère - Группа авторов Romanistische Fremdsprachenforschung und Unterrichtsentwicklung

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Ceci permet des paires minimales comme Tenor ‘ténor’ vs Tenor ‘teneur (d’un texte)’.

      2 Différents signifiés pragmatiques (comme, par exemple, l’évidence ou l’étonnement) et la modalité de la phrase sont exprimés par des mouvements tonals associées aux limites des phrases prosodiques (tons de frontière ; angl. boundary tones).1

      Contrairement à cela, l’accentuation lexicale des mots manque en français, ce qui a mené Rossi (1980) à le qualifier de « langue sans accent ». Au lieu de cela, le français présente un système intonatif basé sur le phrasé prosodique qui dépend essentiellement de la répartition de la parole en unités plus petites. Le fait que l’intonation française s’appuie entièrement sur la distribution de frontières prosodiques dans la chaîne parlée a également été reflété dans la terminologie scientifique : c’est ainsi que le français s’est vu attribuer, dans la terminologie de Jun (2014), la dénomination d’une « langue basée sur les confins » (angl. edge-based language). Les contours intonatifs du français sont réalisés par des excursions de F0 qui se produisent (obligatoirement) à la fin et (facultativement) au début des groupes rythmiques, appelés « phrases accentuelles » (PA, angl. accent phrase, cf. Jun/Fougeron 2000 ; Delais-Roussarie et al. 2015) ou « syntagmes accentuels », d’après la terminologie proposée par Kaminskaïa (2009). Le schéma (ou : gabarit) sous-jacent et ses possibles réalisations de surface sont illustrés par les syntagmes présentés au Tableau 1 : la montée finale obligatoire, symbolisée « LH* » (angl. low tone and high pitch accent), est ancrée à la frontière droite de la phrase accentuelle et réalisée sur la dernière syllabe de celle-ci. Plus la phrase accentuelle est longue, plus il est probable que s’y produit, en sus du contour F0 ascendant final, une montée initiale (facultative), symbolisée « aLHi » (angl. (left-)aligned low tone plus initial high tone).

      Tab. 1 :

      Réalisations de surface du gabarit sous-jacent /aLHiLH*/ dans la phrase accentuelle française d’après Delais-Roussarie et al. (2015 : 70). Les syllabes accentuées (finales et initiales) sont marquées par des tons hauts (H) indiqués en caractères gras.

      Le turc, enfin, occupe une position intermédiaire entre l’allemand et le français. Ceci se manifeste dans le fait que dans le cas non-marqué les mots turcs portent un accent tonal haut sur la dernière syllabe. Göksel/Kerslake (2005 : 26) appellent ce type de mots, qui constituent la plus grande partie du vocabulaire turc, les « racines régulières » (angl. regular roots). Si celles-ci sont complétées, conformément à la structure agglutinante de la langue turque, par des suffixes (accentués), l’accent tonique se déplace régulièrement vers la dernière syllabe, comme l’illustrent les exemples suivants :

dür ‘directeur’ [my ˈdyɾ̥]
müdürlük ‘direction’ [mydyɾ ˈlyk]
müdürlüğümüz ‘notre direction’ [mydyɾlyː ˈmyz]
müdürlüğümüzden ‘de notre direction’ [mydyɾlyːmyz ˈdæn]

      Tab. 2 :

      Réalisation de surface du mot phonologique turc. L’accent final est marqué en caractères gras.

      De plus, la première syllabe de ces mots prosodiques (composés de racines et d’éventuels suffixes) est normalement marquée par un ton initial bas (L) (Özge/Bozsahin 2010 : 140–144 ; Kamalı 2011 ; İpek/Jun 2013). Cela constitue un parallèle frappant avec le ton bas initial (aL) et le mouvement ascendant final, (L)H*, de la phrase accentuelle française, comme nous l’avons décrite ci-dessus. Pourtant, le turc présente également un nombre bien défini d’exceptions à ce schéma général, qui suivent plutôt le modèle de l’intonation allemande, basé sur les mots : notamment, ce que Göksel/Kerslake (2005 : 27) appellent les « racines irrégulières » (angl. irregular roots), c’est-à-dire, quelques toponymes tels que Ankara, accentué sur la syllabe initiale, et İstanbul (accentué sur la pénultime) ou certains emprunts lexicaux tels que lokanta ‘café, restaurant’ (< italien locanda) ainsi que les suffixes inaccentuables, comme, par exemple, l’affixe négatif ‑m(A)- qui bloque le déplacement de l’accent vers la droite et produit, en revanche, des formes verbales telles que gel[NÉGm]iyorsunuz ‘vous ne venez pas’ ou kal[NÉGma]dınız ‘vous n’êtes pas resté.e.s’. Par contre, les formes positives correspondantes présentent une proéminence finale régulière, c’est-à-dire geliyorsunuz ‘vous venez’, kaldınız ‘vous êtes resté.e.s’). Ainsi ces exceptions peuvent-elles même donner lieu à des contrastes sémantiques exprimées uniquement à travers la position de l’accent tonique, p. ex., dans benim ‘mon’ (ben ‘moi’ + suffixe possessif) vs benim ‘c’est moi’ (ben ‘moi’ + suffixe copulatif) ou bien dans ordu ‘armée’ vs Ordu (toponyme, ville située aux bords de la mer Noire), ce qui est illicite en français.

      4 Étude empirique

      Il est raisonnable de supposer que les similarités entre le turc et le français dans le domaine prosodique ébauchées ci-dessus – absence (partielle) d’un accent lexical et système intonatif basé sur le phrasé – devraient faciliter l’apprentissage de l’intonation du FLE par des apprenant.e.s bilingues allemand-turc. Contrairement aux apprenant.e.s monolingues allemand.e.s, les bilingues devraient profiter des parallèles existants entre l’une de leurs langues natives et la langue cible. Ainsi devraient-ils, à travers le transfert positif des caractéristiques mélodiques du turc vers le français, obtenir des rendements plus proches de la cible française que leurs condisciples monolingues. Nous visons donc à vérifier l’hypothèse suivante :

      Hypothèse : Les apprenant.e.s bilingues allemand-turc profitent des ressemblances des systèmes intonatifs français et turc et produisent l’intonation du FLE d’une manière plus conforme à la langue cible (transfert positif du turc sur le français).

      Pour corroborer cette hypothèse, nous analysons un petit corpus de parole lue sous un angle intonatif ; les mesures sur lesquelles se base notre analyse sont exposées dans la section 4.1.1, ci-dessous. Un deuxième objectif de notre enquête est de déterminer si les « meilleures » réalisations produites par les apprenant.e.s, c’est-à-dire celles qui sont le plus proches du modèle mélodique du français, sont reconnues comme telles par les auditeur/trice.s. En d’autres mots : nous sommes intéressés à savoir si l’effort indéniable d’acquérir la prosodie du FLE d’une manière conforme à la langue cible vaut vraiment la peine. À cette fin, nous incluons dans notre étude aussi la perception, que nous abordons au moyen d’une tâche d’évaluation du degré d’accent étranger mise en œuvre avec des juges natif/ve.s et non natif/ve.s. Dans ce qui suit, nous exposons, dans un premier temps, la méthodologie de notre étude empirique (cf. section 4.1), avant de présenter, dans un deuxième temps, les résultats des mesures phonétiques et de la tâche d’évaluation effectuées (cf. section 4.2).

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