Mémoires du Baron de Bonnefoux, Capitaine de vaisseau, 1782-1855. Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux

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Mémoires du Baron de Bonnefoux, Capitaine de vaisseau, 1782-1855 - Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux

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mon congé, je revins à Brest avec mon frère101 que, sous mes auspices, mon père destina, comme moi, à la Marine; mon frère avait alors quatorze ans.

      CHAPITRE IV

      Sommaire: La reprise de possession des colonies françaises de l'Inde. – L'escadre du contre-amiral Linois. – Le vaisseau le Marengo, les frégates la Belle-Poule, l'Atalante, la Sémillante. – Mon frère et moi nous sommes embarqués sur la Belle-Poule, mon frère comme novice et moi comme enseigne. – Avant le départ de l'expédition, mon frère passe, avec succès, l'examen d'aspirant de 2e classe. – Après divers retards, la division met à la voile, au mois de mars 1803. – À la hauteur de Madère, la Belle-Poule qui marche le mieux, et qui porte le préfet colonial de Pondichéry, se sépare de l'escadre et prend les devants. – Passage de la ligne. – Arrivée au cap de Bonne-Espérance, après cinquante-deux jours de traversée. – L'incident de l'albatros. – Une de nos passagères, Mme Déhon, craint pour moi le sort de Ganymède. – Coup de vent qui nous éloigne de la baie du Cap. – Nouveau coup de vent qui nous écarte de celle de Simon et nous rejette en pleine mer. – Rencontre de trois vaisseaux de la Compagnie anglaise des Indes, auxquels nous parlons. – Étrange embarras des équipages. – Ignorant que la guerre était de nouveau déclarée, et que, depuis un mois, les Anglais, en Europe, arrêtaient nos navires marchands, nous manquons notre fortune. – Retour de la frégate vers la baie de Lagoa ou de Delagoa. – Infructueux essais d'accostage. – Un brusque coup de vent nous écarte une troisième fois de la côte. – Le commandant se dirige alors vers Foulpointe, dans l'île de Madagascar, pour y faire de l'eau et y prendre des vivres frais. – Relâche de huit jours à Foulpointe. – Le petit roi Tsimâon. – Partie champêtre. —Sarah-bé, Sarah-bé.– À la suite d'un manque de foi des indigènes, je tente d'enlever le petit roi Tsimâon, et je capture une pirogue et les trois noirs qui la montaient. – On les garde comme otages à bord de la frégate, jusqu'à ce que satisfaction nous soit donnée. – Résultats peu brillants de mes ambassades. – Arrivée à Pondichéry cent jours après notre départ de Brest. – Nous débarquons nos passagers; mais les Anglais ne remettent pas la place. – Une escadre anglaise de trois vaisseaux et deux frégates se réunit même à Gondelour, en vue de la Belle-Poule. – Branle-bas de combat. – Plainte de M. Bruillac au colonel Cullen, commandant de Pondichéry. – Réponse de ce dernier. – Pondichéry, les Dobachis, les Bayadères. – L'amiral débarque à Pondichéry, vingt-six jours après nous. – Instruit des difficultés relatives à la remise de la place, il envoie la Belle-Poule à Madras pour essayer de les lever. – Réponse dilatoire du gouverneur anglais. – Guet-apens tendu à la Belle-Poule, à Pondichéry. – La frégate est sauvée. – Elle se dirige vers l'Île de France. – Grandes souffrances à bord par suite du manque de vivres et d'eau. – La division arrive à son tour à l'Île-de-France. – Récit de ses aventures. – Le brick le Bélier. – Perfidie des Anglais. – L'aviso espion. – La corvette le Berceau mouille à l'Île-de-France, apportant des nouvelles de la métropole. – Installation du général Decaen et des autorités civiles. – La frégate marchande la Psyché est armée en guerre et reste sous le commandement de M. Bergeret, qui rentre dans la Marine militaire. – Un navire neutre me rapporte ma malle, laissée dans une chambre de Pondichéry. – La fidélité proverbiale des Dobachis se trouve ainsi vérifiée.

      Une expédition pour reprendre possession de nos colonies dans l'Inde avait été ordonnée. Elle se composait du vaisseau le Marengo (amiral Linois et capitaine Vrignaud) et des frégates: la Belle-Poule, l'Atalante et la Sémillante, commandées par MM. Bruillac, Beauchêne et Motard. Dès les premiers préparatifs de l'armement, M. de Bonnefoux avait embarqué mon frère et moi sur la Belle-Poule; et moi, dès mon arrivée à Marmande, j'avais inspiré à mon frère le désir de se débarrasser promptement du grade de novice et d'être prêt à passer, avant le départ de l'expédition, l'examen d'Aspirant de 2e classe. Il travailla; j'étais son professeur, et je ne lui laissai pas perdre un seul instant; aussi réussîmes-nous; il eut son brevet, et mon père fut dans l'enthousiasme de la joie.

      Plusieurs causes politiques, plusieurs alternatives de nouvelles de guerre ou de continuation de paix retardèrent le départ de la division, qui n'eut lieu qu'au mois de mars 1803, c'est-à-dire près d'un an après mon retour de Saint-Domingue.

      J'avais profité de ce long intervalle, surtout de mon retour à Brest, pour prendre, aux cours publics, des leçons de dessin; je m'étais donné un maître d'escrime, un de danse; avec un de mes camarades, j'avais appris les éléments de la musique et de l'exécution sur la flûte; à l'Observatoire, je m'étais complètement familiarisé avec mon cercle de réflexion et avec les calculs relatifs aux montres marines; enfin je n'avais rien négligé pour me préparer dignement à tirer tout le parti possible d'une campagne qui devait, au moins, durer trois ans, et pour en rendre la longueur agréable. Aussi, me pénétrant de plus en plus de la beauté de la devise de Robertson: Vita sine litteris mors est, m'étais-je muni d'une infinité de livres de littérature, de critique, d'agrément, de mathématiques, de physique, de chimie; j'emportai, en outre, des grammaires anglaises, des dictionnaires et autres ouvrages pour apprendre cette langue, à l'étude de laquelle je donnai rigoureusement deux heures par jour; je fis provision de modèles, de papier, de crayons et autres objets nécessaires pour le dessin; et ce fut, ainsi pourvu et préparé, que j'appareillai sans regrets, et plein de la confiance, au contraire, qu'un aussi beau voyage allait marquer ma place dans le corps et m'y rendre tout facile pour l'avenir.

      Enfin la Division partit: à la hauteur de Madère, le préfet colonial de Pondichéry, que nous portions sur la Belle-Poule, demanda à profiter de l'avantage de marche de la frégate pour prendre les devants et préparer la réception du capitaine général Decaen102, passager sur le Marengo.

      L'amiral y consentit. Le vent continuant à être bon, nous franchîmes diligemment le groupe riant des îles Canaries, couronnées par le pic aérien de Ténériffe; nous doublâmes celles du cap Vert et, dix jours après notre départ de Brest, nous étions dans les parages où règnent habituellement les calmes de la ligne équinoxiale. La cérémonie burlesque du baptême y fut d'autant plus divertissante que nous avions de fort aimables passagères. Après quelques contrariétés, le temps redevint favorable; enfin, au bout d'une traversée de cinquante-deux jours, nous nous présentâmes devant le cap de Bonne-Espérance.

      Les approches de cette terre nous furent annoncées par les foux, oiseaux au long cou, à la physionomie stupide; par les damiers, dont le plumage figure les cases du jeu de ce nom, et par les albatros, qui ont des ailes de huit à dix pieds d'envergure; on en voit jusqu'à deux cent lieues de terre: les vents de la tempête, au milieu de laquelle ils semblent se jouer, provoquent leur courage, et leur force est si prodigieuse que maint berger des pâturages du Cap voit souvent enlever par eux quelque brebis qui se hasarde à s'éloigner du troupeau. Un jour, j'étais dans un petit canot suspendu à notre poupe; pendant que j'y faisais une observation astronomique, un de ces oiseaux se dirigea vers moi avec tant d'assurance que la crainte de voir mon instrument fracassé d'un coup d'aile me fit machinalement plier le corps en deux pour que mon cercle fût garanti par l'embarcation. Mon mouvement était fort naturel; mais j'avais été vu, et ce fut un texte inépuisable de plaisanteries. Mme Déhon, jeune Parisienne, renchérissait sur tous, et, toutes les fois qu'un albatros paraissait, elle me priait, en grâce, de me dérober à la vue du bipède emplumé, redoutant pour moi le sort de Ganymède, enlevé par l'oiseau de Jupiter.

      Le cap de Bonne-Espérance fut pour nous le cap des Tempêtes, nom qu'il portait avant les illustres Diaz et Gama.

      Nous fîmes route pour y relâcher; un coup de vent furieux s'éleva et nous en éloigna. Nous espérâmes être plus heureux à la baie de Simon

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<p>101</p>

Laurent de Bonnefoux né à Béziers en 1788.

<p>102</p>

Charles-Matthieu-Isidore Decaen, plus tard comte de l'Empire, né à Creully, près de Caen, le 13 avril 1769, était général de division depuis 1800.