Mémoires du Baron de Bonnefoux, Capitaine de vaisseau, 1782-1855. Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux

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Mémoires du Baron de Bonnefoux, Capitaine de vaisseau, 1782-1855 - Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux

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d'Égypte. – L'escadre part de Brest. – Prise d'une corvette anglaise en vue de Gibraltar. – Les indiscrétions de son équipage. – Le surlendemain, le Jean-Bart et le Dix-Août, capturent la frégate Success, qui ne se défend pas. – Chasse appuyée par le Dix-Août au cutter Sprightly. – Je suis chargé de l'amariner. – L'amiral change brusquement de route et rentre à Toulon. – Le commandant Bergeret quitte le commandement du Dix-Août; il est remplacé par M. Le Goüardun. – Mécontentement du premier Consul. – Ordre de partir sans retard. – L'escadre met à la voile. – Abordage du Dix-Août et du Formidable, dans le sud de la Sardaigne. – Graves avaries. – Relâche à Toulon. – L'amiral reçoit l'ordre de participer à l'attaque de l'île d'Elbe. Bombardement des forts. – Assaut. – Je commande un canot de débarquement. – Soldat tué par le vent d'un boulet. – Prise de l'île d'Elbe. – L'amiral Ganteaume débarque ses nombreux malades à Livourne. – Il fait passer ses 3.000 hommes de troupes sur quatre de ses vaisseaux et renvoie les trois autres sous le commandement du contre-amiral Linois. – Le moral des équipages et des troupes. – Le premier Consul accusé d'hypocrisie. – Digression sur le duel. – L'escadre passe le détroit de Messine, et arrive promptement en vue de l'Égypte. – À la surprise générale, l'amiral ordonne de mouiller et de se préparer à débarquer à 25 lieues d'Alexandrie. – Apparition de deux bâtiments anglais au coucher du soleil. – L'escadre appareille la nuit. – Un mois de navigation périlleuse sur les côtes de l'Asie-Mineure et dans l'Archipel. – Retour sur la côte d'Afrique, mais devant Derne. – Nouvel ordre de débarquement et nouvelle surprise des officiers. – Verbois, Hugon et moi, nous commandons des canots de débarquement. – À 50 mètres du rivage, l'amiral nous signale de rentrer à bord. – Fin de nos singulières tentatives de secours à l'armée d'Égypte. – Retour à Toulon. – Souffrance des équipages et des troupes. – La soif. – Rencontre à quelques lieues de Goze, du vaisseau de ligne de 74, Swiftsure. – Combat victorieux du Dix-Août contre le Swiftsure. – Pendant le combat, je suis de service sur le pont, auprès du commandant. – Mission dans la batterie basse. – Le porte-voix du commandant Le Goüardun. – Le point de la voile du grand hunier. – Paroles que m'adresse le commandant. – Capture du Mohawk. – Arrivée à Toulon. – Grave épidémie à bord de l'escadre et longue quarantaine. – La dysenterie enlève en deux heures de temps mon camarade Verbois couché à côté de moi dans la Sainte-Barbe. – Je le regrette profondément. – Fin de la quarantaine de soixante-quinze jours. – Le commandant Le Goüardun demande pour moi le grade d'enseigne de vaisseau. – Histoire de l'aspirant Jérôme Bonaparte, embarqué sur l'Indivisible. – Les relations que j'avais eues avec lui à Brest, chez Mme de Caffarelli. – Après la campagne, il veut m'emmener à Paris. – Notre camarade, M. de Meyronnet, aspirant à bord de l'Indivisible, futur grand-maréchal du Palais du roi de Wesphalie. – Paix d'Amiens. —Le Dix-Août part de Toulon pour se rendre à Saint-Domingue. – Tempête dans la Méditerranée. – Naufrage sous Oran, d'un vaisseau de la même division, le Banel. – Court séjour à Saint-Domingue. – Retour en France. – À mon arrivée à Brest, M. de Bonnefoux me remet mon brevet d'enseigne de vaisseau. – Commencement de scorbut. – Histoire de mon ancien camarade Sorbet. – Congé de trois mois. Séjour à Marmande et à Béziers. – L'érudition de M. de La Capelière. – Je retourne à Brest, accompagné de mon frère, âgé de quatorze ans, qui se destine, lui aussi à la marine.

      Les campagnes de Bertheaume étaient trop insignifiantes pour que M. de Bonnefoux me les laissât faire longtemps; il me fit donc passer sur le cutter le Poisson-Volant, destiné à protéger nos convois dans la Manche, et il m'y embarqua comme commandant en second. Je craignis, d'abord, d'être embarrassé de tant d'autorité; mais tout allait assez bien, lorsque sept vaisseaux furent désignés par le consul Bonaparte pour aller porter des secours à l'armée qu'il avait abandonnée en Égypte. Le Dix-Août étant un de ses vaisseaux, j'y retournai avec empressement. J'y retrouvai mes anciens camarades, moins Moreau, mais plus Louin et Desbois, deux très bons jeunes gens de La Guerche81. Louin se retira du service, à la paix d'Amiens. Desbois a péri dans ses navigations, victime du climat des colonies; tu vois que la mort a terriblement moissonné dans nos rangs.

      Cette armée d'Égypte était dans un état déplorable. Kléber, qui en avait pris le commandement après le départ de Bonaparte, avait été assassiné. Menou, qui l'avait remplacé, n'avait pas ce qu'il fallait pour remonter le moral d'hommes courroucés de l'abandon de leur premier général; et les généraux en sous-ordre, consternés de la mort de Kléber, ne pouvaient s'accorder ni entre eux, ni avec Menou, et ils revenaient en France dès qu'ils le pouvaient. Les vivres, les vêtements, les armes, les munitions, tout manquait, en Égypte, à nos soldats; le pays était en hostilité permanente; les ports étaient bloqués par des vaisseaux anglais; enfin, une armée de cette nation, débarquée sur le sol africain, faisait cause commune avec le pays.

      Dans cet état, sept vaisseaux portant 3.000 hommes de troupes étaient bien peu de chose; aussi crut-on que le Consul voulait, seulement, paraître se rappeler ses compagnons d'armes. Ces vaisseaux étaient commandés par le contre-amiral Ganteaume82 montant l'Indivisible, et ayant sous ses ordres le contre-amiral Linois83, montant le Formidable, de 80 canons comme l'Indivisible84.

      Sous Gibraltar, nous fûmes aperçus par des navires garde-côtes anglais. Dès le lendemain, au point du jour, une corvette anglaise se trouva à portée de canon de notre escadre. Elle ne résista pas et fut prise. Quelques indiscrétions nous firent savoir qu'à notre apparition le commandant de Gibraltar avait expédié ce bâtiment et deux autres qui étaient prêts, pour porter, dans toute la Méditerranée, la nouvelle de notre présence dans cette mer. Les deux autres bâtiments étaient la frégate Success et le cutter Sprightly. Admirons, toutefois, notre heureuse étoile. Le surlendemain, nous rencontrâmes la frégate que, malgré sa marche distinguée, le Jean-Bart et le Dix-Août atteignirent et réduisirent promptement; car elle ne se défendit en aucune manière; et, peu après, le Dix-Août aperçut et chassa le cutter.

      D'abord il nous gagna et sembla devoir nous échapper. Le commandant Bergeret prévit que le temps faiblirait dans la soirée, qu'alors le Sprightly serait en calme, tandis que nos voiles hautes, beaucoup plus élevées que les siennes, porteraient encore. Il persista donc, et il fit bien, puisque, avant la nuit, ce bâtiment était à nous. J'y fus envoyé pour l'amariner; mais, comme l'amiral ne voulut pas l'adjoindre à son escadre, il l'expédia pour Malaga; ainsi je n'en gardai pas le commandement; ce fut un chef de timonerie qui fut chargé de cette mission de quelques heures.

      Qui n'aurait cru, d'après cela, que nous allions continuer notre route avec diligence et sécurité? Il n'en fut pas ainsi: trois voiles furent vues, un soir, qui ne furent ni chassées ni reconnues, et que nous ne revîmes pas le lendemain. Leur aspect fit changer les projets de l'amiral, qui prit, aussitôt, la direction de Toulon, où il arriva85, et où il fut abandonné par deux capitaines, étonnés sans doute de cette rentrée. M. Bergeret était l'un d'eux. Quel vide il nous laissa et comme je le regrettai! Toutefois il fut remplacé par M. le Goüardun86, homme du monde, peu marin, mais très brave, très poli, très spirituel. Avant de quitter définitivement son bord, le commandant Bergeret nous fit appeler, Hugon et moi, pour nous embrasser et nous faire un cadeau d'adieu. Le mien fut le hamac de matelot dans lequel le commandant Bergeret couchait habituellement et quelques Essais sur la tactique navale, qu'il avait écrits pendant la campagne de Bruix.

      Par l'un, il semblait me dire qu'un marin ne devait jamais être assez bien couché pour que la vigilance lui fût difficile; et, par son manuscrit, que, quels que fussent les devoirs que

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<p>81</p>

Chef-lieu de canton du département d'Ille-et-Vilaine, à 21 kilomètres au sud de Vitré.

<p>82</p>

Honoré-Joseph-Antoine Ganteaume, né le 13 avril 1755, à la Ciotat (aujourd'hui département des Bouches-du-Rhône), avait servi dans la Marine royale en qualité d'officier auxiliaire, lieutenant de frégate et capitaine de brûlot, du 30 mars 1779 au 17 mai 1785. Il y était rentré comme sous-lieutenant de vaisseau, le 1er mai 1786. La Révolution le nomma successivement lieutenant de vaisseau, en 1793, capitaine de vaisseau en 1794. Ce fut la partie brillante de sa carrière, pendant laquelle il servit avec éclat sous Villaret-Joyeuse et Renaudin. Contre-amiral en 1798, il ramena Bonaparte en France, au mois d'octobre 1799. Après le 18 brumaire, le premier Consul le fit entrer au Conseil d'État. Nommé vice-amiral, le 30 mai 1804, créé comte de l'Empire, Ganteaume est mort en activité de service à Aubagne (Var), le 28 septembre 1818. Il était pair de France et Inspecteur général des classes.

<p>83</p>

Voyez ci-après la notice sur l'amiral Linois.

<p>84</p>

L'escadre partit de Brest, le 23 janvier 1801.

<p>85</p>

Le 18 février 1801.

<p>86</p>

Louis-Marie Le Goüardun, né le 9 septembre 1754, était capitaine de vaisseau, depuis le 12 brumaire de l'an III. C'était un ancien officier auxiliaire de la Marine royale.