Aux glaces polaires. Duchaussois Pierre Jean Baptiste

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Aux glaces polaires - Duchaussois Pierre Jean Baptiste

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les épreuves de Mgr Faraud vinrent à leur terme.

      En 1889, vingtième année de son établissement au lac la Biche, il expédia les deux barges accoutumées, il remit la mission de Notre-Dame des Victoires au diocèse de Saint-Albert, qui l’avait fraternellement prêtée, et descendit à Saint-Boniface, où l’attendait l’heure de la récompense.

      Le lac la Biche était donc abandonné par l’Athabaska-Mackenzie. Qu’était-il advenu?

      Rassurés par l’exemple des missionnaires, de nombreux petits commerçants avaient fait leur apparition sur les rapides. Arrivés les premiers au fort Mac-Murray, avec leurs articles de traite, ils avaient le premier choix dans les fourrures des sauvages. La Compagnie de la Baie d’Hudson comprit alors que son obstination dans le Portage la Loche lui deviendrait funeste et se décida à suivre, comme les autres, le chemin direct de la rivière Athabaska, par les rapides.

      Elle eut d’abord recours aux missionnaires. Mgr Faraud écrivait, en 1884:

      Nous sommes organisés mieux que personne pour franchir ce difficile passage. La Compagnie elle-même n’a réussi depuis trois ans à transporter ses bagages qu’à l’aide de nos guides, de nos hommes et de nos barges.

      Mais, en 1887, résolue à écraser toutes les concurrences, elle envoya dans l’Extrême-Nord, par les barges de la mission encore, les pièces d’un vapeur.

      En même temps, elle ouvrait un chemin de 160 kilomètres, entre le coude le plus au sud de la rivière Athabaska, endroit dénommé Athabaska-Landing, et Edmonton, ville la plus septentrionale de la prairie, et dont le chemin de fer se rapprochait chaque jour.

      Le chemin du fort Pitt au lac la Biche et celui du lac la Biche à la rivière Athabaska tombaient, du même coup, en désuétude.

      C’est alors que la Compagnie offrit à Mgr Faraud de reprendre complètement ses transports et leur distribution dans tout le Nord, y compris le passage des rapides.

      Mgr Faraud accepta d’autant plus volontiers que les guides formés par lui, mais sollicités par des offres rivales, lui devenaient de plus en plus onéreux, infidèles même; et que, d’autre part, ses infirmités, avec l’insuffisance de son personnel, lui causaient des inquiétudes sans cesse croissantes.

      Il n’eut pas la douleur de savoir que sa bonne foi allait être trompée, car il mourut l’année suivante, 1890, et ce fut Mgr Grouard qui reçut, avec l’honneur de sa succession, le fardeau aggravé de ses charges.

      La Compagnie, voyant tomber Mgr Faraud, crut-elle tenir de nouveau à ses pieds les missions du Nord? Sous de futiles prétextes, elle avertit Mgr Grouard qu’au lieu de la piastre (5 fr. 15) convenue pour le transport d’une pièce, d’un fort à l’autre, il aurait à en payer deux.

      Se soumettre à pareille exaction, c’était en peu d’années saigner à blanc l’œuvre vitale. Mgr Grouard rompit en visière, et déclara qu’il se passerait de la Compagnie.

      On était en 1891. Il se hâta de «sortir du Mackenzie», où ses bulles venaient de l’atteindre, se fit bâtir un hangar, à lui, à Athabaska-Landing, par les Pères Husson et Collignon, reçut, en passant à Saint-Boniface, la consécration épiscopale, et, la besace sur l’épaule, continua sa course à travers le Canada, les Etats-Unis et l’Europe, pour mendier de la charité chrétienne le salut de ses missions.

      Il réussit.

      En 1892, une scierie à vapeur, fruit de ces aumônes, s’installait au lac Athabaska et débitait les planches destinées à devenir la coque du steamer Saint-Joseph.

      Le Saint-Joseph pouvait desservir le lac Athabaska, la rivière la Paix jusqu’aux chutes du Vermillon, et la rivière Athabaska du fort Mac-Murray au fort Smith.

      Au fort Smith rugissaient les infranchissables rapides; mais par delà ces rapides s’ouvrait la navigation de 2.500 kilomètres, jusqu’à l’océan Glacial, comme nous l’avons dit.

      Il fallait donc un deuxième steamer.

      Mgr Grouard reprit la besace; et, en 1915, le fier petit Saint-Alphonse fit son «Voyage de noces» du fort Smith aux bouches du Mackenzie.14

      La division du vicariat d’Athabaska-Mackenzie s’étant opérée en 1901, l’œuvre de progrès fut poursuivie dans l’Athabaska par Mgr Grouard, et dans le Mackenzie par Mgr Breynat.

      Les deux vicaires, comme par une apostolique émulation, fondèrent de nouveaux postes, de nouveaux couvents, et mirent au service de ces développements des ressources nouvelles. Tandis que Mgr Grouard donnait à la rivière la Paix le Saint-Charles, premier vapeur à paraître en ces régions, Mgr Breynat lançait, sur la rivière des Esclaves, le Grand Lac des Esclaves et le fleuve Mackenzie, le Sainte-Marie, le mieux construit et le plus rapide des steamers qui aient encore parcouru les fleuves et les lacs de l’Extrême-Nord.

      Cependant les rapides continuèrent à revoir, chaque printemps, la flotte des missionnaires. Elle partait d’Athabaska-Landing, depuis l’abandon du lac la Biche, se grossissant chaque année pour répondre au «tonnage» des petits vapeurs, qui l’attendaient au fort Mac-Murray et au fort Smith.

      Les deux vieilles barges «courtes et ventrues» avaient fait place à des barges longues, larges, plates et rectangulaires, simplement recourbées à l’avant et à l’arrière, munies de rames énormes (des sapins entiers), et fabriquées, à l’embarcadère même, avec de rudes madriers, condamnés eux-mêmes à devenir pièces de bâtisses, au terme du voyage.

      La capacité de cette barge était de huit à dix tonnes. Il y en eut deux d’abord, puis trois, puis quatre, et de plus en plus. En 1915, année du dernier convoi d’Athabaska-Landing à Mac-Murray, douze barges sautèrent ensemble les rapides.

      Il serait long de raconter les déceptions éprouvées par les missionnaires, depuis 1848 jusqu’à la fin du siècle, à l’arrivée des lents bateaux aux rustres équipages. Si encore ces pièces, coûtant si cher, étaient toujours parvenues, et parvenues intactes! Mais combien se perdirent en route, ou se mutilèrent, se brisèrent, lancées par des mains brutales, à chacun des portages! Quelquefois, si c’était des vivres que le ballot contenait, les bateliers s’en régalaient, en riant du missionnaire «qui serait bien attrapé», disaient-ils.

      La plus dure épreuve, dans la vie des missionnaires anciens, et, proportion gardée, dans la vie d’aujourd’hui encore, a été l’attente, la longue attente des objets dont ils avaient besoin.

      L’est et l’ouest du Canada, admirablement développés maintenant, peuvent fournir le matériel des missions et le confier aux chemins de fer qui vont rejoindre la rivière Athabaska et la rivière la Paix. Mais, à l’époque du lac la Biche, laquelle marquait cependant une avance sur celle du Portage la Loche, époque où les achats se faisaient en Angleterre, parce que le Canada n’y pouvait pourvoir, et que la métropole réduisait considérablement les taux d’importation pour ses colonies, il s’écoulait quelque trois ans, entre la demande faite par le missionnaire et l’arrivée de la chose désirée, fût-elle de première nécessité.

      Supposons-nous en 1870. Le missionnaire du fort Simpson ou du fort Norman écrit, par l’unique courrier d’hiver. Sa lettre atteindra le lac la Biche, au printemps 1871. Mgr Faraud la visera et la fera parvenir, pour l’automne, à Saint-Boniface. Mgr Taché, ainsi averti, enverra l’ordre immédiatement

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<p>14</p>

Le nom de Saint-Alphonse avait été inspiré par la reconnaissance envers les Pères Rédemptoristes, qui avaient généreusement promis la moitié de la somme que coûterait le bateau.