Aux glaces polaires. Duchaussois Pierre Jean Baptiste

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Aux glaces polaires - Duchaussois Pierre Jean Baptiste

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l’automne 1873. Il avait écrit en 1870.

      Le moindre retard de la lettre, ou du colis, pouvait ajouter à ces années une quatrième, et quelque malentendu une cinquième.

      Certains des ballots, spécialement recommandés, restèrent en détresse, dans la prairie, ou sur une grève inconnue de la forêt sauvage, jusqu’à six ans. Heureux si, retrouvés enfin, ils n’étaient pas bonnement saisis, adjugés au premier venu, ou vendus comme bonum derelictum.

      Pour la première fois, notait Mgr Faraud, en novembre 1877, pour la première fois, le bagage de toutes les missions est en bon ordre ici (au lac la Biche, à mi-chemin de sa destination).

      Un exemple de ces lenteurs et de ces déceptions, qui nous laissera deviner ce qu’il en devait être lorsqu’il s’agissait de choses indispensables, comme outils de travail, vin du saint sacrifice, etc… nous a été rapporté, les derniers jours de sa vie, par le vénéré Père Ducot, à qui nous avions demandé de vouloir bien nous écrire ses «souvenirs». Nous résumons ses pages. L’exemple pourrait s’intituler: les vitres du Père Séguin.

      Le pieux et doux Père Séguin fut le premier compagnon du Père Grollier, fondateur de la mission Notre-Dame de Bonne-Espérance, au fort Good-Hope, sous le Cercle polaire. Le Père Grollier mourut bientôt, et le Père Séguin resta le chef de la mission, seul le plus souvent avec le bon Frère Kearney, parmi ses Indiens Peaux-de-Lièvres, pendant 41 ans. En 1901, comme il était presque aveugle, Mgr Grouard le fit conduire en France, son pays natal, qu’il n’avait jamais revu, dans l’espoir que les spécialistes lui rendraient un peu de lumière. Mais ce fut en vain. Le malade, tué par la «nostalgie de ses missions», mourut l’année suivante.

      Cette cécité, graduellement venue, avait pour cause lointaine et principale la triste condition des moyens d’éclairage, en ces contrées de nuits si longues: la lampe à l’huile de poisson pour l’intérieur, et surtout le parchemin des misérables fenêtres pour les heures du jour.

      Toutes nos missions du Nord ne connurent d’abord que ces carreaux de parchemin. C’étaient des morceaux de peaux de renne ou d’orignal, grossièrement raclés, et laissant passer à travers leur spongieuse épaisseur fort peu de clarté et beaucoup de froid. Peu à peu, des carreaux en vitres de petites dimensions les remplacèrent.

      La maisonnette et l’église de Good-Hope ne connurent, durant dix-sept ans, que les parchemins.

      Ce fut cependant la cinquième année de ce régime que le Père Séguin demanda qu’on lui achetât des vitres. Mais trois ans se passèrent, et rien n’arriva: ou la lettre, ou l’envoi s’étaient donc égarés. Il renouvela sa démarche, et attendit encore trois ans. Cette fois point de délai: la caisse fut débarquée, solidement clouée et en bon état apparent. On l’ouvrit, pour y trouver toutes les vitres «en miettes». Pas un fragment de verre ne pouvait servir. L’année suivante, le père n’osa plus écrire, attendu que le coût des vitres cassées avait fait un trop grand vide dans son allocation, et qu’il avait des articles plus importants à demander. Heureusement, Mgr Clut vint à passer, en route pour l’Alaska; et, touché de la misère du missionnaire, il lui promit qu’il lui apporterait, à son retour, des vitres qu’il comptait obtenir d’un brave Canadien-Français, M. Mercier, commis du fort Youkon. Mgr Clut repassa par Good-Hope, le printemps suivant, avec la nouvelle que les vitres, données en effet par M. Mercier, avaient été emportées très loin dans les montagnes Rocheuses, mais qu’un matin, au lever précipité du campement, on les avait oubliées, et que l’on n’avait remarqué leur absence que l’après-midi, après avoir sauté un grand nombre de rapides qu’il était impossible de remonter. Mgr Clut voulut réparer cette déconvenue en envoyant un ordre pressant au lac la Biche. Il gagna une année, car, deux ans après, Mgr Faraud remettait les vitres au Père Ducot, qui se rendait à Good-Hope, avec la prescription très appuyée de ne pas les perdre de vue une seule minute, et de les porter lui-même, de ses propres mains, à tous les lieux de déchargement et de rechargement.

      La nuit du 14 septembre 1875, la brigade atterrissait au fort Good-Hope.

      Les 300 sauvages, éveillés par les coups de fusil de l’équipage, rallument les feux des bivouacs et donnent la fusillade de bon accueil. Le Père Ducot, tout au bonheur de toucher enfin le rivage de son apostolat, bondit à terre et court, au milieu de cette foule qui acclame le «nouveau petit priant», vers la maison du missionnaire.

      Malade, le Père Séguin n’avait pu sortir, mais il s’était levé. N’ayant point vu de prêtre depuis plus d’une année, il couvrit de larmes, en l’embrassant, son jeune confrère. Puis, aussitôt:

      « – Et les vitres! Les avez-vous?

      – Mais oui, mon Père; et j’ai veillé sur elles comme sur un trésor.

      – Où sont-elles? Les avez-vous apportées ici?

      – Oh! Je les ai laissées dans la barge.

      «Pauvre Père Séguin, continue le Père Ducot que nous citons maintenant mot à mot, il en devint blême! Puis, après quelques instants: «C’est fini! C’est perdu! Ils les auront encore cassées, en les jetant sur la grève!..» Il en était désolé. Rien ne put le rassurer. J’étais stupéfait moi-même de sa désolation, presque scandalisé. Pour quelques vitres de cinq sous pièce, me disais-je! Je ne comprenais rien à sa tristesse, alors. Mais, après quarante années de mécomptes de ce genre mille fois renouvelés, je sais ce que c’est que pareilles déceptions. Elles sont pires que la privation elle-même. Celui qui n’a pas passé par là ne le comprendra jamais… Cette fois, Dieu merci, tout ne fut pas perdu. Le lendemain de bon matin, la caisse arriva parfaitement intacte. Le Père Séguin en était tout radieux de joie.»

      Et le Père Ducot complète sa narration de 1916 par cette note marginale:

      «Ceux qui n’ont jamais été obligés d’habiter des maisons n’ayant d’autres fenêtres que des châssis couverts de parchemin, dans un pays froid comme le nôtre, n’ont pas une idée de ce que l’on souffre d’être privé de vitres. Mais les missionnaires du Nord-Ouest, et du Mackenzie en particulier, le savent par expérience. Ils savent apprécier les nombreux avantages de châssis garnis de verre, dans une maison. Elle est mieux éclairée en tous temps, le soleil y pénètre à ses heures, elle est plus chaude en hiver et on y est à l’abri du vent, il faut moins d’huile pour s’y éclairer, moins de bois pour s’y chauffer, il y gèle moins la nuit, et quelquefois pas du tout, on y peut éviter les courants d’air, chose impossible avec des châssis en parchemin. La solitude y est aussi moins triste, le travail plus aisé, la dévotion plus facile, et l’âme plus joyeuse.»

      Le bon père, qui excellait, comme on le voit, à énumérer les détails d’une situation, aurait pu ajouter que le missionnaire de l’âge de parchemin trouva plus d’une fois, en rentrant de ses voyages d’hiver, ses fenêtres dévorées par les loups, et sa cabane bourrée de neige par la tempête.

      CHAPITRE V

      LA LUTTE POUR LA VIE

      «Le grand obstacle». – De Mgr Clut à Mgr Breynat. – Nul secours du pays, ni des sauvages. – Qu’est-ce que jeûner? – Le sourire de la charité. – La Propagation de la Foi. – «Le travail de tous». – Pour «ne pas mourir de faim et de froid». – Les frères coadjuteurs Oblats. – Pêches d’automne et d’hiver. – Le Travailleur invisible.

      « – Quels sont les principaux obstacles au progrès de la foi?»

      A cette question, posée par

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