Le capitaine Paul. Dumas Alexandre
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу Le capitaine Paul - Dumas Alexandre страница 4
«Nous nous réveillâmes à l'ancre, juste à l'endroit d'où nous étions partis la veille; il ne tenait qu'à nous de croire que nous n'avions pas bougé de place, mais que seulement nous avions eu un sommeil un peu agité.
«Comme la prédiction de Nunzio s'était réalisée de point en point, nous nous approchâmes de lui avec une vénération plus grande encore que d'habitude pour lui demander des nouvelles certaines à l'endroit du temps.
Les prévisions n'étaient pas consolantes. À son avis, le temps était complètement dérangé pour huit ou dix jours; il résultait donc des observations atmosphériques de Nunzio que nous étions cloués à San Giovanni pour une semaine au moins.
«Notre parti fut pris à l'instant même: nous déclarâmes au capitaine que nous donnions huit jours au vent pour se décider à passer du nord au sud-est, et que, si, au bout de ce temps, il ne s'était pas décidé à faire sa saute, nous nous en irions tranquillement par terre à travers plaines et montagnes, notre fusil sur l'épaule, et tantôt à pied, tantôt à mulet; pendant ce temps, le vent se déciderait probablement à changer de direction, et notre speronare, profitant du premier souffle favorable, nous retrouverait au Pizzo.
«Rien ne met à l'aise le corps et l'âme comme une résolution prise, fût-elle exactement contraire à celle que l'on comptait prendre. À peine la nôtre fut-elle arrêtée, que nous nous occupâmes de nos dispositions locatives. Pour rien au monde je n'aurais voulu remettre le pied à Messine.
Nous décidâmes donc que nous demeurerions sur notre speronare; en conséquence, on s'occupa de le tirer à l'instant même à terre, afin que nous n'eussions pas à supporter l'ennuyeux clapotage des vagues, qui, dans les mauvais temps, se fait sentir jusqu'au milieu du détroit; chacun se mit à l'oeuvre, et, au bout d'une heure, le speronare, comme une carène antique, était tiré sur le sable du rivage étayé à droite et à gauche par deux énormes pieux, et orné à son bâbord d'une échelle à l'aide de laquelle on communiquait de son pont à la terre ferme. En outre, une tente fut établie à l'arrière du grand mat, afin que nous pussions nous promener, lire et travailler à l'abri du soleil et de la pluie; moyennant ces petites préparations, nous nous trouvâmes avoir une demeure infiniment plus confortable que ne l'eût été la meilleure auberge de San-Giovanni.
«Au reste, le temps que nous avions à passer ainsi ne devait point être perdu. Jadin avait ses croquis à repasser et moi, j'avais arrêté le plan de mon drame de Paul John, dont ne me restait plus que quelques caractères à mettre en relief quelques scènes à compléter. Je résolus donc de profit de cette espèce de quarantaine pour accomplir ce travail, qui devait recevoir à Naples sa dernière touche, et dès le soir même, je me mis à l'oeuvre.» Voilà ce que je trouve sur mon journal de voyage, et ce que je transcris ici pour servir à l'histoire du drame et du roman du Capitaine Paul, si jamais il prend à quelque académicien désoeuvré l'idée d'écrire, cent ans après ma mort, des commentaires sur le drame ou le roman du Capitaine Paul.
Mais nous n'en sommes encore qu'au drame; le roman viendra après.
C'est donc à bord d'un de ces petits bâtiments – hirondelles de mer, qui rasent les flots de l'archipel sicilien – sur les rivages de la Calabre, à vingt pas de San-Giovanni, à une lieue et demie de Messine, à trois lieues de Scylla, en vue de ce fameux gouffre de Charybde qui a tant tourmenté Énée et son équipage – que le drame du Capitaine Paul fut écrit, en huit jours, ou plutôt en huit nuits.
Un mois après, je le lisais à Naples – près du berceau d'un enfant qui venait de naître – à Duprez, à Ruolz et à madame Malibran.
L'auditoire me promit un énorme succès.
L'enfant qui était au berceau et qui dormait au bruit de ma voix comme au murmure berceur des chants de sa mère, était cette charmante Caroline qui est aujourd'hui une de nos premières cantatrices.
À cette époque, elle s'appelait Lili; et c'est encore aujourd'hui, pour les vieux et fidèles amis de Duprez, le seul nom qu'elle porte.
Troisième phase. – Déception.
Je revins en France vers le commencement de l'année 1836: mon drame du Capitaine Paul était complètement achevé et prêt à être lu.
Avant que je fusse à Paris, Harel savait que je ne revenais pas seul.
La dernière pièce que j'avais donnée au théâtre de la Porte-Saint- Martin était Don Juan el Marana, que l'on s'est obstiné à appeler Don Juan de Marana.
Don Juan avait réussi; mais Don Juan portait avec lui pour Harel du moins, la tache du péché originel.
Don Juan n'avait pas de rôle pour mademoiselle George.
Harel, sous ce rapport, était non pas l'aveuglement, mais le dévouement incarné; – pendant tout le temps qu'il fut directeur, son théâtre demeura un piédestal pour la grande artiste, à laquelle il avait voué un culte.
Auteurs, acteurs, tout lui était sacrifié; si la divinité splendide qu'il adorait eût eu pour ses prêtres les exigences de la mère Cybèle, Harel eût rendu un décret pareil à celui qui régissait les corybantes.
Heureusement que George était une bonne déesse dans toute la force du terme, et qu'il ne lui passa jamais par l'esprit d'user de son pouvoir dans toute sa rigueur.
À peine Harel sut-il donc que je revenais avec un drame et que, dans ce drame, il y avait un rôle pour George, qu'il accourut à la maison.
– Eh bien, me dit-il, tout en découvrant la Méditerranée, – c'est de lui le mot, rendons à César ce qui appartient à César! – nous avons donc pensé à notre grande artiste?
– Vous voulez parler du Capitaine Paul?
– Je veux parler de la pièce que vous avez faite… Vous avez fait une pièce, n'est-ce pas?
– Oui, j'ai fait une pièce, c'est vrai.
– Eh bien, voilà tout… Vous avez fait une pièce: jouons-la.
– Bon!.. pour qu'il lui arrive ce qui est arrivé à Don Juan.
Harel prit une énorme prise: c'était son moyen d'attente, chaque fois qu'un moment d'embarras l'empêchait de répondre à l'instant même.
– Don Juan, dit-il, Don Juan… certainement, c'était un bel ouvrage; mais, mon cher, voyez-vous, il y avait des vers.
– Pas beaucoup.
– C'est vrai… Eh bien, si peu qu'il y en avait, ils ont fait du tort à l'ouvrage…
Le Capitaine Paul n'est pas en vers, n'est-ce pas?
– Non;