Le capitaine Paul. Dumas Alexandre

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Le capitaine Paul - Dumas Alexandre

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style="font-size:15px;">      – Non, non, restez, cher ami; je crois que vous êtes en froid avec votre directeur et votre directrice, c'est une occasion de vous raccommoder.

      Et je sortis.

      Le lendemain, la première personne que je rencontrai me dit:

      – Vous voilà donc revenu, vous?

      – Sans doute.

      – Oui, oui, oui, j'ai lu cela ce matin dans le journal.

      – Comment! le journal a eu la bonté d'annoncer mon retour en France?

      – Indirectement.

      – Ah!

      – Oui… à propos d'une pièce que vous avez lue à la Porte-SaintMartin.

      – Et qui a été refusée?

      – Le journal a dit cela; mais je suppose que ce n'est pas vrai?

      – Hélas! mon cher, c'est la vérité pure.

      – Mais qui donc a fait mettre cela dans les journaux?

      – Personne.

      – Comment, personne?

      – Mon cher, ces choses-là se trouvent toutes composées; le metteur en pages les rencontre sur le marbre et les insère par erreur.

      L'erreur faite, il en est désespéré mais que voulez-vous?

      – Ah! n'importe, c'est bien malveillant. – Ah! cher ami que vous avez d'ennemis!

      Et la première personne s'éloigna en levant les bras au ciel.

      Pendant huit jours, ce fut la même gamme.

      Il va sans dire qu'après ce concert de plaintes funèbres, qu'après tous ces discours prononcés sur la tombe de l'auteur d'Henri III et d'Antony, aucun directeur n'eut l'idée de demander à jouer le Capitaine Paul.

      Pauvre Capitaine Paul! il était regardé comme un posthume!

      Quatrième phase. – Transformation.

      Cependant, vers 1835, je crois, la Presse s'était fondée, et j'y avais inventé le roman-feuilleton.

      Il est vrai que l'essai n'avait pas été heureux. Girardin ne m'avait livré qu'un feuilleton hebdomadaire et j'avais débuté par la Comtesse de Salisbury, qui n'est pas une de mes meilleures choses.

      En feuilleton quotidien, le roman eût pu se soutenir.

      En feuilleton hebdomadaire, il ne fit aucun effet.

      Mais les autres journaux n'en adoptèrent pas moins ce nouveau mode de publication.

       Le Siècle m'envoya Desnoyers.

      Louis Desnoyers est un de mes plus vieux camarades. Nous avions fait de l'opposition littéraire et politique ensemble dès 1827. Nous avions fondé, avec Vaillant – je ne sais ce qu'il est devenu – et Dovalle, qui a été tué en duel, un journal intitulé le Sylphe; on oublia ce titre pour l'appeler le Journal rose, attendu qu'il était imprimé sur papier rose; sa couleur lui avait valu de nombreux abonnements de femmes.

      À quoi tient le succès!

      La révolution de Juillet tua le Journal rose! Mira tua Dovalle. J'étais vice-président de la commission des récompenses nationales: je fis Vaillant sous-officier et l'envoyai en Afrique, où les Arabes, selon toute probabilité, ont tué Vaillant.

      Il y avait bien longtemps que nous ne nous étions vus, Desnoyers et moi.

      D'abord, j'arrivais d'un long voyage; puis les gens qui ont beaucoup à faire ne se voient pas.

       Le Siècle ne pouvait donc choisir un ambassadeur qui me fût plus sympathique. Aussi, depuis vingt ans, est-il accrédité près de moi.

      Il fut convenu que je donnerais au Siècle un roman en deux volumes.

      Connu comme auteur dramatique, je l'étais très peu comme romancier.

      Au théâtre, j'avais donné _Henri III, Christine, Antony, la Tour de Nesle, Teresa, Richard Darlington, Don Juan el Marana, Angèle _et Catherine Howard, je crois.

      En librairie, j'avais publié seulement mes Impressions de voyage en Suisse, mes Scènes historiques du temps de Charles VI, la Rose rouge et quelques feuilletons de la Comtesse de Salisbury.

       Le Siècle était un journal à trente mille abonnés.

      Il s'agissait d'y avoir un succès.

      Je signai mon traité avec le Siècle, me réservant le choix du sujet, m'engageant seulement à ce que le roman n'eût pas plus de deux volumes.

      Seulement le Siècle était pressé.

      Je promis de lui donner les deux volumes dans un mois.

      Desnoyers alla porter mon engagement au Siècle.

      Je voulais en avoir le coeur net. Je prétendais à part moi qu'il y avait un succès dramatique dans le Capitaine Paul; il devait, par conséquent, y avoir un succès littéraire.

      Tout roman ne peut pas faire un drame, mais tout drame peut faire un roman.

      Les beaux romans qu'on eût faits avec Hamlet, avec Othello, avec Roméo et Juliette, si Shakespeare n'en avait pas fait trois magnifiques drames!

      Je me mis donc à étudier la marine avec mon ami Garnerey le peintre; Garnerey, qui a eu depuis un si beau succès en publiant ses Pontons.

      Garnerey se chargea, en outre, de revoir mes épreuves.

      Au bout du mois, le drame en cinq actes était devenu un roman en deux volumes.

      Maintenant, disons comment le drame reparut à son tour sur l'océan littéraire, et comment le Capitaine Paul fit son chemin, quoiqu'il montât une humble péniche, nommée le Panthéon, au lieu de monter cette frégate de soixante-quatorze que l'on appelait la Porte-Saint-Martin.

      Cinquième phase. – Résurrection.

      Mon drame refusé par Harel, je l'avais porté à mon ami Porcher.

      Je n'ai pas besoin de vous dire ce que c'est que mon ami Porcher, chers lecteurs; si vous me connaissez, vous le connaissez; si vous ne le connaissez pas, ouvrez mes Mémoires, année 1836, et vous ferez connaissance avec lui.

      Je lui avais dit:

      – Mon cher Porcher, gardez-moi ce drame-là; Harel n'en veut pas: mademoiselle George n'en veut pas, Bocage n'en veut pas mais d'autres en voudront.

      Porcher secoua la tête.

      Porcher ne pouvait pas croire que trois sommités comme Harel, George et Bocage se trompassent.

      Il aimait naturellement mieux croire que c'était moi qui me trompais.

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