Le capitaine Paul. Dumas Alexandre
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– Pour deux raisons.
– Dites.
– La première, parce que c'est un rôle de mère.
– Elle ne joue que cela! Voyons la seconde raison.
– La seconde, parce qu'elle a un fils.
– Après?
– Et qu'elle ne voudra jamais être la mère de Bocage.
– Bah! elle a bien été la mère de Frédérick.
– Oui; mais le rôle de Gennaro n'avait pas l'importance du rôle du Capitaine Paul; elle dira que la pièce n'est point à elle.
– Bon! et la Tour de Nesle! la pièce était à elle peut-être! elle l'a jouée hier pour la quatre cent vingtième fois. À quand la lecture?
– Vous le voulez, Harel?
– Je vous apporte un traité: mille francs de prime, dix pour cent de droits, soixante francs de billets; tenez, vous n'avez plus qu'à signer.
– Merci. Harel: nous lisons demain, mais sans traité.
– Nous lisons demain?
– Oui.
– Qui voulez-vous à la lecture?
– Mais vous, George et Bocage, voilà tout.
– À quelle heure?
– À une heure.
– Est-ce long?
– Trois heures de représentation.
– C'est la bonne mesure, on peut jouer trois actes avec cela.
– Et même cinq.
– Hum! hum!
– Vous en avez bien joué sept avec la Tour de Nesle.
– C'était dans les jours néfastes; mais ces jours-la sont passés, Dieu merci!
– Vous êtes toujours chef de bataillon dans la garde nationale?
– Toujours.
– Je ne m'étonne plus de la tranquillité de Paris. À demain.
– À demain.
Le lendemain, à une heure, nous étions dans le boudoir de George; George toujours belle et couchée dans ses fourrures, Bocage toujours blagueur, Harel toujours spirituel.
– Eh bien, me dit Bocage, vous voilà donc, vous?
– Oui, me voilà.
– Qu'est-ce qu'on me dit? on me dit que vous avez découvert la Méditerranée?
– On a bien fait de vous le dire, mon ami; vous n'auriez pas trouvé cela tout seul.
– Et, à ce qu'il paraît, vous avez fait un rôle pour George?
– J'ai fait une pièce pour moi.
– Comment, pour vous?
– Ce qui veut dire qu'elle ne sera probablement pas du goût de tout le monde.
– Pourvu qu'elle soit du goût du public.
– Vous savez que ce n'est pas toujours une raison pour qu'elle soit bonne.
– Enfin, nous allons voir.
– Lisons, lisons, dit Harel.
La place me portait malheur. C'était à la même place que j'avais lu Antony à Crosnier.
Après le premier acte, qui est assez brillant et tout entier au Capitaine Paul, Bocage s'était frotté les mains et s'était écrié:
– Eh bien, le voyageur, il n'est donc pas encore si usé qu'on le dit?
Ainsi, voyez, chers lecteurs, en 1836, il y a juste vingt-cinq ans de cela, on disait déjà que j'étais usé.
Mais, dès ce premier acte, tout au contraire, George avait commencé de s'assombrir.
– Mon cher Harel, dis-je en souriant, je crois que le baromètre est à la pluie.
– Il faudra voir, dit Harel, il faudra voir. On ne peut pas juger d'après un premier acte.
Comme je l'avais prévu, le baromètre passa de la pluie à l'averse, de l'averse à l'orage, et de l'orage à la tempête.
Le pauvre Harel était au supplice: il entassait prises sur prises.
Au troisième acte, il sonna pour qu'on lui remplît sa tabatière.
George ne soufflait pas le mot.
Bocage commença à me trouver plus usé que le public n'avait dit.
La lecture finit au milieu de la consternation générale.
– Eh bien, fis-je à Harel, je vous l'avais bien dit.
– Le fait est, mon cher, dit Harel en se bourrant le nez de tabac, le fait est que, cette fois, là, franchement, il faut vous dire ces choses-là en ami, je crois que vous vous êtes trompé.
– C'est l'avis de George surtout; n'est-ce pas, George?
– Moi… vous savez bien que je n'ai pas d'avis. Je suis engagée au théâtre de M. Harel; je joue les rôles qu'on me distribue.
– Pauvre victime! Eh bien, rassurez-vous, ma chère George, vous ne jouerez pas celui-là.
– Cependant je ne dis pas qu'en faisant quelques corrections…
– En coupant le rôle du capitaine Paul, par exemple?
– Allons, bien, voilà que vous pensez que je ne veux pas jouer le rôle à cause de M. Bocage.
– Vous ne voulez pas jouer le rôle parce qu'il ne vous convient pas, chère amie, voilà tout. J'ai prévenu Harel; c'est lui qui s'est entêté, prenez-vous-en à lui. Seulement vous savez, Harel…
– Quoi, cher ami?
– Notre lecture reste entre nous; la pièce ne vous convient pas, elle peut convenir à un voisin.
– Comment donc! c'est faire…
Et, tout en portant son pouce et son index à son nez pour absorber une dernière prise de tabac, Harel appuya la main sur son coeur.
Je roulai mon manuscrit, j'embrassai George.
– Sans rancune, chère, lui dis-je.
– Oh!