La guerre et la paix - Recherches sur le principe et la constitution du droit des gens. Pierre-Joseph Proudhon

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La guerre et la paix - Recherches sur le principe et la constitution du droit des gens - Pierre-Joseph Proudhon

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au moyen âge et formulée dans le pacte de Charlemagne, est la négation de l’indépendance et de l’autonomie des États, la négation de toute liberté humaine, chose à laquelle États et nations seront éternellement d’accord de se refuser. De plus, ce serait l’immobilisme de l’humanité, absolument comme le despotisme dans un État, ou le communisme dans une tribu, est l’immobilisation de cet État et de cette tribu. La civilisation ne marche que par l’influence que les groupes politiques exercent les uns sur les autres, dans la plénitude de leur souveraineté et de leur indépendance; établissez sur eux tous une puissance supérieure, qui les juge et qui les contraigne, le grand organisme s’arrête; il n’y a plus ni vie ni idée.

      Non, il n’est pas possible que le droit des gens soit dépourvu de sanction, comme le disent ses prétendus inventeurs les modernes jurisconsultes. Le droit des gens a pour sanction naturelle, légitime, efficace, la guerre, faite selon les règles qui se déduisent logiquement du droit de la force. — Non, il n’est pas vrai que la guerre, ou l’emploi de la force comme instrument de justice entre les nations, doive être assimilée, ainsi que le font les mêmes jurisconsultes, aux moyens de contrainte usités dans la procédure civile et criminelle, et que par conséquent elle requière, pour sa propre légitimation, l’exequatur d’une autre souveraineté. C’est méconnaître la nature et l’objet de la guerre que de la ramener à de pareils termes; c’est ne rien comprendre à la marche de l’esprit humain, aux lois de la civilisation et de l’histoire. La guerre, ainsi que nous l’avons démontré par la théorie du droit de la force et de son application, est précisément le cas, et c’est l’unique, dans lequel le droit se démontre par l’exhibition de la force. La guerre est, pour cette raison même, de tous les tribunaux le moins sujet à errer et le plus prompt à revenir de ses erreurs; et c’est ce qui fait que, comme le droit des gens domine toute espèce de droit, la guerre, qui l’affirme et le garantit, est la plus puissante de toutes les sanctions.

      De cette erreur des publicistes sur la nature de la guerre et la sanction du droit des gens, dérivent toutes les absurdités qui pullulent dans leurs écrits, et par suite toutes les calamités et les crimes que la guerre traîne à sa suite; c’est ce dont sera convaincu tout homme de bon sens qui voudra se rendre compte de la pensée qui dirige les armées et leurs opérations.

      Les questions suivantes, prises au hasard dans les livres des docteurs, compléteront notre critique.

      2. Déclarations de guerre. — La justice, selon Vattel, exige que la guerre soit déclarée avant que les hostilités commencent. — Pourquoi cela? demande Pinheïro-Ferreira, si la guerre n’est que la revendication par la force de ce qui est dû ; si, d’autre part, les moyens de contrainte doivent avoir pour but de détruire ou de paralyser les forces de l’ennemi? Il suffit que la nation lésée ait notifié sa réclamation: le refus exprimé, elle est libre d’agir. Avertir l’ennemi, par une déclaration de guerre, qu’il ait à se tenir sur ses gardes, est absurde.

      Il n’y a rien à répondre à cette observation de Pinheïro, et Vattel lui-même, après avoir posé le principe de la déclaration de guerre, le retire en ces termes:

      «Le droit des gens n’impose point l’obligation de

       «déclarer la guerre pour laisser à l’ennemi le temps

       «de se préparer à une juste défensive. Il est donc

       «permis de faire sa déclaration seulement lorsqu’on

       «est arrivé sur la frontière avec une armée, et même

       «après que l’on est entré sur les terres de

      «l’ennemi...»

      C’est le guet-apens que Vattel autorise, en vertu de sa fiction du droit des gens volontaire. Aussi qu’arrive-t-il? Autrefois, les peuples s’envoyaient des hérauts chargés de faire longtemps d’avance ces déclarations; du temps de Vattel, on se bornait à les afficher dans les capitales; maintenant on renvoie les ambassadeurs, la veille et quelquefois le lendemain du jour où les hostilités commencent. Et il n’y a rien à redire, si la guerre est telle que les jurisconsultes modernes la définissent.

      C’est autre chose si la guerre est, comme nous le soutenons, la revendication légale du droit de la force, si de plus, comme nous venons de l’établir, elle est la sanction du droit des gens. Alors il est de toute évidence qu’elle doit procéder exactement comme si elle était ordonnée par une autorité supérieure, c’est-à-dire être déclarée à l’avance, et cela précisément afin que la nation attaquée se mette en défense: sans quoi la victoire de l’agresseur serait de mauvais aloi; il y aurait surprise, non pas démonstration de la force. Ainsi le veut le sentiment commun des nations, et jusqu’à ces derniers temps leur pratique y a été conforme.

      3. Jusqu’où il est permis de pousser la résistance. — Vattel avoue que la résistance devient punissable quand elle est manifestement inutile. «Alors, dit-il, c’est opiniâtreté,

       «non valeur.»

      Mais, dans le système de Vattel, qui n’admet la guerre juste des deux côtés qu’au moyen de la fiction du droit des gens volontaire, et qui refuse toute qualité juridique à la force, cette proposition est de sa part une inconséquence. Il se peut que le plus fort soit un agresseur injuste; comment blâmer un homme qui, assailli par quatre brigands, se défend jusqu’au dernier soupir plutôt que de livrer ou sa fille, ou sa femme, ou sa fortune, le pain de ses enfants? Dans le cas même le plus favorable, celui d’une guerre de conquête ou de simple prééminence, comment blâmer un peuple qui préfère la mort à la domination? De ce prétexte d’inutilité de la défense résultera la vengeance du vainqueur, je le sais bien; c’est ainsi que, dans un siège, les habitants qui résistent à l’assaut s’exposent à être passés au fil de l’épée. Mais la vengeance de l’ennemi ne fait pas que la résistance soit injuste: Vattel devait d’autant mieux le comprendre qu’il nie le droit de la force.

      Pour moi, qui affirme la réalité du droit de la guerre. et qui fais de ce droit la sanction du droit des gens, mais qui en même temps ne puis oublier que la guerre peut avoir pour but l’extinction d’une nationalité, je ne me prononce qu’avec réserve. Si la guerre est, comme je le dis, la sanction du droit des gens, nous devons tous en reconnaître la loi, qui est celle de la force, d’autant mieux que céder à la force n’implique pas de honte. Mais s’il s’agit d’incorporation ou d’émancipation politique, alors il me semble que les deux puissances belligérantes sont seules juges du prix qu’elles attachent respectivement à leur extension ou à leur liberté, et conséquemment du degré de leur résistance. Car se défendre à outrance peut devenir en certains cas un acte d’héroïsme, respectable au vainqueur lui-même. Les circonstances seules me paraissent devoir décider de la résolution à prendre, dont chacun au surplus reste maître.

      4. De l’interruption du commerce. — Suivant Pinheïro-Ferreira, l’état de guerre n’est pas une raison suffisante d’interrompre les relations commerciales entre deux pays. C’est sans doute le blocus continental qui a suggéré à Pinheïro-Ferreira cette opinion d’une haute philanthrophie, et il faut avouer qu’avec un tel principe Napoléon 1er eût été réduit de bonne heure. Bien plus, il faut reconnaître que les opérations commerciales, si elles devaient être respectées et maintenues, rendraient le plus souvent les opérations militaires inexécutables. Profondément convaincu de l’absurdité du droit de la force et de l’immoralité de la guerre, Pinheïro-Ferreira ne marchande point, comme les autres, avec le préjugé. Il s’attache à entourer la guerre de toutes les conditions qui peuvent l’abréger, la restreindre, la rendre impraticable et impossible. Tel est le caractère général des écrits de ce philosophe.

      Malheureusement

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