La guerre et la paix - Recherches sur le principe et la constitution du droit des gens. Pierre-Joseph Proudhon

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«n’empêche de le retenir jusqu’à ce que ses rapports

       «aient cessé d’offrir des dangers. Le soin de notre

       «propre défense nous oblige, et la responsabilité de

       «la vie de tant d’hommes confiés à notre conduite

       «nous fait un devoir d’être inexorables pour la trahison

       «prouvée.»

      Soupçonné, l’espion est retenu; convaincu, il est fusillé comme traître. La raison d’État militaire ne plaisante pas. Mais comment l’écrivain que je cite ne s’aperçoit-il pas que ce qu’il trouve juste de flétrir dans un cas ne peut pas devenir légitime dans l’autre; et réciproquement que ce qu’il conseille à celui-ci, il n’a pas le droit de le proscrire chez celui-là ? L’espionnage est un fait de guerre, rien de plus: voilà ce que la logique lui commande de dire. Donc, ou revenez aux vrais principes, dont vous n’admettez que la moitié, et abstenez-vous de part et d’autre de toute trahison et guet-apens; ou bien ayez le courage de sanctionner votre commune fourberie, et traitez réciproquement vos espions comme vous faites vos tirailleurs, vos patrouilles et vos estafettes. Il n’y a pas de milieu.

      Tous les journaux ont rapporté l’histoire de cet officier autrichien qui, dans la dernière guerre, fit fusiller toute une famille piémontaise soupçonnée, à tort ou à raison, d’avoir fait l’espionnage. Onze personnes, parmi lesquelles un vieillard de soixante ans et un enfant de quatorze, furent passées par les armes. M. de Cavour dénonça le fait à l’indignation de l’Europe. M. de Cavour a eu grandement raison, si la guerre, par sa nature et par son objet, doit se renfermer exclusivement dans les moyens de force, attendu qu’elle est un jugement de la force, et qu’elle ne saurait sans infamie prendre un autre caractère. Mais tel n’est pas le code actuellement en vigueur. D’après ce code, dont on n’aurait jamais fini de relever les contradictions, mais qui, tel qu’il est, suffit pour justifier pleinement l’officier autrichien, il est permis de mettre à mort les citoyens qui espionnent pour le compte de leur pays, comme les transfuges, les déserteurs et les traîtres, avec lesquels ils n’ont évidemment rien de commun; permis en outre de les décourager par la terreur, autre moyen de guerre universellement admis, et qui emporte, à l’occasion, le massacre de familles entières, sans distinction d’âge ni de sexe, de coupable ni d’innocent. L’exécution des onze Piémontais n’a pas empêché les Autrichiens d’être battus, sans doute: ceci est une autre affaire. Mais il est probable que la terreur aura retenu les langues; et qui sait si l’éclat fait par M. de Cavour n’a pas justement servi l’objet que se proposait l’Autrichien?

      Grotius va plus loin encore. Il est d’avis qu’on peut à la guerre, en toute honorabilité, afin de mieux tromper l’ennemi, arborer son pavillon, prendre ses couleurs, dérober, s’il se peut, son mot d’ordre. De faits pareils les exemples abondent. Sur quoi je réitère mon observation: comment ne voit-on pas que, par ces indignes et immorales pratiques, on substitue à la guerre des hommes, rationnelle et généreuse, juste et féconde, la chasse à l’affût des carnassiers? C’est une maxime parmi les militaires qu’un général peut être vaincu, mais qu’il ne doit jamais être surpris. Je le vieux bien. Mais il y a surprise et surprise, et je ne puis mettre sur la même ligne la vigilance de l’homme qui combat, avec la félonie du lâche qui trompe. C’est une honte pour l’humanité qu’un général honnête homme, servant son pays dans une guerre régulière, ait à s’occuper de pareils risques. Est-ce que la police de la guerre ne devrait pas l’en affranchir?

      Sur tout cela Vattel et les autres pensent absolument comme Grotius. Vattel établit fort bien que les conventions entre ennemis doivent être observées: mais s’agit-il des faits de guerre, il trouve parfait que la ruse et la tromperie, falsiloquium, se joignent à la force; il va même jusqu’à voir dans cet usage un progrès de la civilisation sur la barbarie,

      «Comme l’humanité nous oblige à préférer les

       «moyens les plus doux dans la poursuite de nos

       «droits, si, par une ruse de guerre, une feinte

       «exempte de perfidie, on peut s’emparer d’une place

       «forte, surprendre l’ennemi et le réduire, il vaut

       «mieux, il est réellement plus louable de réussir de

       «cette manière que par un siége meurtrier ou par

       «par une bataille sanglante.»

      Et il ajoute en note:

      «Il fut un temps où l’on condamnait au supplice

       «ceux qui étaient saisis en voulant surprendre une

       «place. En 1597, le prince Maurice voulut surprendre

       «Venloo. L’entreprise manqua, et, quelques-uns de

       «ses gens ayant été pris, ils furent condamnés à la

       «mort, le consentement des parties ayant introduit ce

       «nouvel usage des droits, pour obvier à ces sortes de

       «dangers.»

      Cet usage-là était dans la bonne voie. «Mais,» dit Vattel avec un sentiment non équivoque de satisfaction, «depuis lors l’usage a changé... Les stratagèmes

       «font la gloire des grands capitaines.»

      Il dit encore, sans songer que les faits qu’il cite démentent sa théorie:

      «On a vu des peuples, et les Romains eux-mêmes.

       «pendant longtemps, faire profession de mépriser à

       «la guerre toute espèce de surprise, de ruse, de stratagème;

       «d’autres, tels que les anciens Gaulois, qui

       «allaient jusqu’à marquer le temps et le lieu où

       «ils se proposaient de livrer bataille. Il y avait plus

       «de générosité que de sagesse dans une pareille

      «conduite.»

      Il cite également, d’après Tite-Live, livre XLII, c. 47, l’exemple des sénateurs qui blâmaient la conduite peu franche tenue dans la guerre contre Persée..

      Il résulte de ces passages, qui n’ont jamais été relevés ni contredits, que ni Grotius, ni Vattel, ni aucun de leurs successeurs, n’ont connu la vraie nature, le but et l’essence de la guerre; qu’ils n’en ont pas compris les lois, et qu’il est juste de leur imputer la plus grande partie du mal qui l’a accompagnée depuis deux siècles. Comment accuser les militaires, quand les docteurs enseignent une pareille morale?

      A Lonato, en 179G, le général Bonaparte, accompagné de son état-major et. suivi seulement de 1,200 hommes, tomba au milieu de 4,000 Autrichiens qui le sommèrent de se rendre. On sait comment Bonaparte se tira de ce mauvais pas. Il fit débander les yeux au parlementaire, lui dit qu’il était le général en chef, que les Autrichiens étaient eux-mêmes cernés par l’armée française, et qu’il leur accordait trois minutes pour se rendre. La bonhomie germanique fut dupe de la rouerie italienne, et 4,000 hommes posèrent les armes devant 1,200.

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