Europa en su teatro. AAVV

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Europa en su teatro - AAVV Parnaseo

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somme c’est le premier moment où il y a une stratégie, des auteurs, et une bonne utilisation de la culture pour la religion, en situation conflictuelle avec un théâtre laïcisé. Contrairement au Moyen-âge où les commanditaires sont une collectivité locale qui ne distingue pas entre culture et religion, le xviie siècle, surtout jésuite, est conscient de la scission entre culture et religion, dis-cute d’ailleurs âprement du fait que le théâtre soit acceptable pour la bonne doctrine religieuse, sauf entre des mains très jésuites, et face au triomphe des arts du spectacle princiers et urbains, se sait minoritaire.

      A partir de ce gros plan sur l’Ordre qui a renouvelé la formation de tout un public, les colloques ultérieurs vont renouveler l’étude des sujets. A partir aussi de ce point d’aboutissement esthétique et doctrinal, il n’y a plus de confusion possible entre théâtre et religion: ce serait un blasphème d’insinuer que les cérémonies ecclésiastiques sont du théâtre démonstratif, alors même que leur célébration est de plus en plus tournée vers un art total de musique, d’images, de sensations et de symboles; inversement sur les scènes laïques les sujets religieux vont aller se restreignant aux commémorations hagiographiques locales, puis s’amenuisent et même disparaissent de fait par une autocensure des auteurs et du public. Le théâtre s’abstient du religieux, qu’il laisse aux jésuites… à moins qu’il ne se consacre aux lieux communs sans risque d’un bon comportement.

      Dernier volume de la série, XXXIII (2009): L′eroe sensibile: evoluzione del teatro agiografico nel primo ′600 (9 communications), hors du théâtre jésuite, confirme une séparation des genres et de leurs publics. Le théâtre est cette fois encadré dans des salles. La différenciation des genres (leur enrichissement) vers un art total et luxueux, s’est effectuée; les communications mêmes peuvent varier leur point de vue: ouverture vers l’opéra, le jeu de l’acteur, la philosophie, en particulier le stoïcisme chrétien de Gryphius (Luigi Quattrocchi). Les publications de vies de saints sont à leur sommet (Sara Cabibbo). Les saints, sur scène, sont de plus en plus des héros et des passions corporelles et psychologiques subies et détaillées avec une précision gourmande de cruauté (Guendalina Serafinelli), de plus en plus des personnages. Le théâtre peut s’écarter des préoccupations religieuses pour une formation morale et une autonomie de plus en plus diversifiée de son esthétique, avec une recherche des effets émotionnels sur le spectateur (Christian Biet). Il y a des auteurs connus (Marzio Pieri) et des parentés entre héroïsme et sainteté (Giovanni Casoli). La religion et la culture se séparent, tout en restant en bonnes fréquentations à cause de leurs bases communes dans le christianisme général. La capacité à ressentir avec excès, physiquement et moralement, est une spécification d’une tendance globale des personnages tragiques, telles que le montre aussi XXX (2006): Libidine dei potenti e angoscia dei vinti. Drammaturgia della crisi alla fine del Rinascimento, où d’ailleurs des martyrs illustrent la découverte des pays exotiques et se heurtent aux formes étrangères du pouvoir (Christian Biet). La conscience d’être dans un spectacle, avec ses règles et son langage, offre, entre scène et salle, un dialogue.

      Mais un autre terrain s’est offert au théâtre religieux: l’histoire immédiate, ainsi qu’une autre fonction, ouvertement polémique. Ce qu’explore le colloque XXIX (2005): Guerre di religione sulle scene del Cinque-Seicento (18 communications). A proprement parler, il ne s’agit plus d’un théâtre religieux soucieux de spiritualité, mais d’un théâtre de propagande qui mobilise la croyance pour des messages très politiques et militaires. Outre la propagande, la question des mises en scène s’enrichit de «réalisme» guerrier qui pousse à sa limite la capacité du décor et des acteurs professionnels à faire croire à des mouvement de collectivités, sièges et batailles: ce réalisme, ou cet effet d’historicité, est une sorte de défi nouveau, après les efforts culturels pour traduire la transcendance religieuse. Ceci poussant la mise en scène à ses extrêmes, et la rhétorique démonstrative au premier plan dans le combat d’idées (Corinne Lucas Fiorato). Après l’intolérance héritée du monde antique (Manlio Simonetti), épanouie dans les croisades (Grado Giovanni Merlo), sublimée par l’épopée (Giulio Ferroni), la guerre de religion se met en scène autour des guerres d’orient (Lépante), où le mélange des impérialismes en expansion, avec ou sans motivations religieuses, cherche à contrôler la Méditerranée (Renzo Cremante, Giorgio Tagliaferro) pour la plus grande gloire de Venise. L’Europe en guerre ne peut jouer les rites chrétiens de la paix (Claudio Bernardi), le regard ne saurait où en trouver les exemples vécus: les guerres de religion françaises (Franco Giacone, Marie-Madeleine Fragonard, Luigi Mezzadri), mais l’expansion espagnole (Michele Olivari, Ricard Salvat, Maria Grazia Profeti), les conflits allemands (Albert Meier), la tension sans guerre des drames anglais (Franco Marenco). Les intertextes sont modifiés, comme l’effet qu’on en attend sur le public: ni les vies de saints ni l’Evangile, mais la littérature historique et politique, et surtout la littérature pamphlétaire, celle d’une consommation rapide, réactive plus que réfléchie, ou du réflexe atavique, au profit d’un discours d’Etat. Changement de mémoire culturelle, l’accumulation des épisodes du théâtre, entre le spectacle des supplices et les fêtes civiques des triomphes, peut apporter toutes les nuances et toutes les hyperboles en vue d’une mobilisation des consciences de ceux qui sont déjà des partisans. L’exploitation des lieux communs tragiques remaquillés d’actualité (ou l’inverse) se fait sans grande finesse de spiritualité.

      Et ceci, disait Federico Doglio en 2005, ne sort pas de notre actualité.

      Le projet a su glisser le long du temps. Du départ archaïque jusqu’au XVIIe siècle, il a bien joué des systèmes de reprises thématiques: une ville, au début, c’est l’organisation des fêtes religieuses et les jongleurs; une ville au XVIe siècle, c’est un thème qui se met en scène soi-même dans ses activités laïques avec plusieurs types de théâtre et plusieurs types de public.

      Il situe la place des œuvres religieuses dans la vie de la cité et des citoyens, dans des périodes où la croyance est au cœur de l’imaginaire et au cœur de la réflexion philosophique, puisant dans un fonds commun aux différents groupes sociaux, suscitant des formes d’expressions d’abord communes, puis différenciées. Grâce au théâtre, tant qu’il n’est pas renfermé dans les petites salles des théâtres de cour, existe un mode de partage émotionnel (et plus ou moins normatif). Le théâtre utilisant la puissance propre au spectacle (émotions immédiates, impression de présence, souder la collectivité, persuader si besoin, émouvoir toujours) pour matérialiser cette communauté d’Eglise croyante (un seul corps) et pour rappeler que les communautés terriennes ont une perspective qui transcende leur présence hic et nunc. Puis en s’ouvrant aux perspectives plus ludiques, ou plus strictement civiles, à d’autres commanditaires et à d’autres lieux, le théâtre se trouve amené à cantonner les sujets religieux dans l’excès ou dans la polémique, après lesquels, peut-être bien, le «théâtre religieux» sape sa propre vocation.

      Les colloques organisés par Federico Doglio en ont suivi l’évolution, cinq siècles à étudier, 33 ans de travail, 192 communications, et ceci n’était qu’un des ensembles suivis. Remercions-le de ce grand voyage dans l’histoire.

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