Le Chevalier de Maison-Rouge. Alexandre Dumas
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Читать онлайн книгу Le Chevalier de Maison-Rouge - Alexandre Dumas страница 12
– Marie, il y a un billet caché dans la bouche du poêle; ôtez-le.
– Allons, allons! dit le municipal en tirant brutalement la jeune fille à lui et en la séparant de sa mère. Aurez-vous bientôt fini de vous embrasser?
– Monsieur, dit la jeune fille, la Convention a-t-elle décrété que les enfants ne pourront plus embrasser leur mère?
– Non; mais elle a décrété qu’on punirait les traîtres, les aristocrates et les ci-devant, et c’est pourquoi nous sommes ici pour interroger. Voyons, Antoinette, réponds.
Celle qu’on interpellait aussi grossièrement ne daigna pas même regarder son interrogateur. Elle détourna la tête, au contraire, et une légère rougeur passa sur ses joues pâlies par la douleur et sillonnées par les larmes.
– Il est impossible, continua cet homme, que tu aies ignoré la tentative de cette nuit. D’où vient-elle?
Même silence de la part de la prisonnière.
– Répondez, Antoinette, dit alors Santerre en s’approchant, sans remarquer le frisson d’horreur qui avait saisi la jeune femme à l’aspect de cet homme, qui, le 21 janvier au matin, était venu prendre au Temple Louis XVI pour le conduire à l’échafaud. Répondez. On a conspiré cette nuit contre la République et essayé de vous soustraire à la captivité que, en attendant la punition de vos crimes, vous inflige la volonté du peuple. Le saviez-vous, dites, que l’on conspirait?
Marie-Antoinette tressaillit au contact de cette voix qu’elle sembla fuir, en se reculant le plus qu’elle put sur sa chaise. Mais elle ne répondit pas plus à cette question qu’aux deux autres, pas plus à Santerre qu’au municipal.
– Vous ne voulez donc pas répondre? dit Santerre en frappant violemment du pied.
La prisonnière prit sur la table un troisième volume.
Santerre se retourna; la brutale puissance de cet homme, qui commandait à 80, 000 hommes, qui n’avait eu besoin que d’un geste pour couvrir la voix de Louis XVI mourant, se brisait contre la dignité d’une pauvre prisonnière, dont il pouvait faire tomber la tête à son tour, mais qu’il ne pouvait pas faire plier.
– Et vous, Élisabeth, dit-il à l’autre personne, qui avait un instant interrompu sa tapisserie pour joindre les mains et prier, non pas ces hommes, mais Dieu, – répondrez-vous?
– Je ne sais ce que vous demandez, dit-elle; je ne puis donc vous répondre.
– Eh! morbleu! citoyenne Capet, dit Santerre en s’impatientant, c’est pourtant clair, ce que je dis là. Je dis qu’on a fait hier une tentative pour vous faire évader et que vous devez connaître les coupables.
– Nous n’avons aucune communication avec le dehors, monsieur; nous ne pouvons donc savoir ni ce qu’on fait pour nous, ni ce qu’on fait contre nous.
– C’est bien, dit le municipal; nous allons savoir alors ce que va dire ton neveu.
Et il s’approcha du lit du dauphin.
À cette menace, Marie-Antoinette se leva tout à coup.
– Monsieur, dit-elle, mon fils est malade et dort… Ne le réveillez pas.
– Réponds, alors.
– Je ne sais rien.
Le municipal alla droit au lit du petit prisonnier, qui feignait, comme nous l’avons dit, de dormir.
– Allons, allons, réveille-toi, Capet, dit-il en le secouant rudement.
L’enfant ouvrit les yeux et sourit.
Les municipaux alors entourèrent le lit.
La reine, agitée de douleur et de crainte, fit un signe à sa fille, qui profita de ce moment, se glissa dans la chambre voisine, ouvrit une des bouches du poêle, en tira le billet, le brûla, puis aussitôt rentra dans la chambre, et, d’un regard, rassura sa mère.
– Que me voulez-vous? demanda l’enfant.
– Savoir si tu n’as rien entendu cette nuit?
– Non, j’ai dormi.
– Tu aimes fort à dormir, à ce qu’il paraît?
– Oui, parce que quand je dors, je rêve.
– Et que rêves-tu?
– Que je revois mon père que vous avez tué.
– Ainsi, tu n’as rien entendu? dit vivement Santerre.
– Rien.
– Ces louveteaux sont, en vérité, bien d’accord avec la louve, dit le municipal furieux; et, cependant, il y a eu un complot.
La reine sourit.
– Elle nous nargue, l’Autrichienne, s’écria le municipal. Eh bien, puisqu’il en est ainsi, exécutons dans toute sa rigueur le décret de la Commune. Lève-toi, Capet.
– Que voulez-vous faire? s’écria la reine s’oubliant elle-même. Ne voyez-vous pas que mon fils est malade, qu’il a la fièvre? Voulez-vous donc le faire mourir?
– Ton fils, dit le municipal, est un sujet d’alarmes continuel pour le conseil du Temple. C’est lui qui est le point de mire de tous les conspirateurs. On se flatte de vous enlever tous ensemble. Eh bien, qu’on y vienne. – Tison!… – Appelez Tison.
Tison était une espèce de journalier chargé des gros ouvrages du ménage dans la prison. Il arriva.
C’était un homme d’une quarantaine d’années, au teint basané, au visage rude et sauvage, aux cheveux noirs et crépus descendant jusqu’aux sourcils.
– Tison, dit Santerre, qui est venu, hier, apporter des vivres aux détenus?
Tison cita un nom.
– Et leur linge, qui le leur a apporté?
– Ma fille.
– Ta fille est donc blanchisseuse?
– Certainement.
– Et tu lui as donné la pratique des prisonniers?
– Pourquoi pas? autant qu’elle gagne cela qu’une autre. Ce n’est plus l’argent des tyrans, c’est l’argent de la nation, puisque la nation paye pour eux.
– On t’a dit d’examiner le linge avec attention.
– Eh bien, est-ce que je ne m’acquitte pas de mon devoir? à preuve qu’il y avait hier un mouchoir auquel on avait fait deux nœuds, que je l’ai été porter au conseil, qui a ordonné à ma femme de le dénouer, de le repasser, et de le remettre à madame Capet sans lui rien dire.
À cette indication de deux nœuds faits à un mouchoir, la reine tressaillit, ses prunelles se dilatèrent, et Madame Élisabeth et elles échangèrent un regard.
– Tison,