Œuvres complètes de lord Byron, Tome 3. George Gordon Byron

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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 3 - George Gordon Byron

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quelques colonnes solitaires qui semblent gémir sur leurs sœurs de la carrière, renversées auprès d'elles78; excepté le temple de Minerve qui orne encore le rocher de Colonna en élevant sa forme aérienne au-dessus des flots; excepté des tombeaux, à moitié oubliés, de quelques guerriers, dont les pierres grisâtres et le gazon non foulé bravent faiblement les siècles, mais non l'oubli, tandis que les étrangers seuls ne passent pas auprès d'eux sans s'y arrêter un instant comme moi, et peut-être ne s'en éloignent pas sans soupirer: hélas!

      87. Cependant, ô Grèce! tes cieux sont toujours purs, tes rochers toujours sauvages, frais sont tes bosquets, et tes champs couverts de verdure; ton olive mûrit comme lorsqu'elle avait le sourire de Minerve; l'Hymette est toujours riche en miel; l'abeille joyeuse y construit toujours sa forteresse odoriférante; pélerin indépendant qui voyage dans le ciel de tes montagnes, Phébus dore encore tes longs étés; le marbre de Mendéli étincelle encore à ses rayons; les arts, la gloire, la liberté, ont disparu; mais la nature est toujours belle.

      88. Dans quelque lieu que nous portions nos pas, terre sacrée! nous trouvons des débris de la gloire. Aucune partie de ton sol n'a été perdue dans une œuvre vulgaire; mais un vaste empire de merveilles se déploie autour de nous. Toutes les fictions des Muses semblent être réalisées, jusqu'à ce qu'épuisés d'admiration nous cessions de contempler des lieux qu'habitèrent si souvent les rêves de notre jeunesse. Chaque colline, chaque vallon, chaque paysage défie le pouvoir qui a renversé tes temples; le tems a ébranlé la citadelle d'Athènes, mais il a épargné la vaste plaine de Marathon.

      89. Le soleil, le sol, sont les mêmes, mais non l'esclave qui rampe sur cette plaine. Rien n'y est changé; mais elle est devenue la proie d'un maître étranger. – Il a conservé ses limites et sa gloire illimitée, ce champ de bataille où des milliers de victimes persanes courbèrent la tête sous le glaive fumant de la Hellade. Jour cher à la gloire! où le nom de Marathon devint un nom magique79, qui fait apparaître aux yeux de celui qui l'entend prononcer, le camp, l'ennemi, la mêlée, la marche des conquérans;

      90. Le Mède qui fuit, son carquois brisé et vide de flèches, le Grec intrépide et sa lance rougie du sang des vaincus; les montagnes dominant la plaine, l'étendue de l'Océan qui la baigne, la mort en face, la destruction dans la retraite; telle était la scène qu'offrait Marathon. – Quel vestige en reste-t-il ici maintenant? Quel trophée nous signale cette terre sacrée, et nous rappelle le sourire de la liberté et les larmes de l'Asie? Une urne dépouillée, une tombe violée, et la poussière que le pied de ton coursier, barbare étranger! fait voler dans les airs.

      91. Cependant des foules de pélerins viendront, sans jamais se lasser, visiter les débris de ta splendeur passée. Long-tems le voyageur, au souffle du vent d'Ionie, viendra saluer la terre brillante des exploits héroïques et de la poésie. Long-tems encore tes annales et ta langue immortelle rempliront de ta gloire le cœur de la jeunesse de toutes les nations. Orgueil du vieillard! étude du jeune homme! vénérée du sage, adorée par les poètes, comme si Minerve et les Muses y dévoilaient encore leurs divins et glorieux enseignemens.

      92. Le cœur de celui qui voyage soupire pour sa patrie, quand un être qui le chérit l'attend dans ses foyers paternels; mais celui qu'aucun lien n'y rappelle ou n'y retient, qu'il vienne visiter la Grèce, et contempler avec délices une terre son égale en tristesses. Cette terre de la Grèce n'est pas une terre destinée aux joies du monde; mais que celui qui se plaît dans la mélancolie vienne y passer ses jours; à peine regrettera-t-il sa terre natale lorsqu'il s'égarera dans l'enceinte sacrée de l'antique Delphes, lorsqu'il contemplera les plaines qui furent le tombeau des Grecs et des Perses.

      93. Qu'il approche de cette terre consacrée et traverse en paix son magique désert; mais qu'il épargne ses débris. – Que sa main avide ne vienne point dépouiller une contrée déjà trop dépouillée! Ces autels ne furent point destinés à de telles profanations. Révérez ce que les nations autrefois ont révéré, et puisse ainsi le nom de notre patrie ne pas être déshonoré! Puissiez-vous aussi retourner heureusement aux lieux de votre enfance, et y trouver tous les délices de l'amour et toutes les satisfactions de la vie!

      94. Pour toi qui, dans un chant trop prolongé, viens de distraire tes heures de loisir par des vers obscurs, ta voix se perdra bientôt dans la foule des ménestrels dont les accens retentissent de nos jours avec tant d'éclat. Cède-leur un périssable laurier. – Il le disputerait mal celui qui ne s'inquiète ni des traits acérés de la critique, ni des éloges de partisans moins sévères depuis que le froid de la mort a glacé tous les cœurs dont il aurait pu envier les suffrages. Il n'est personne à qui on puisse chercher à plaire quand il ne reste personne à aimer.

      95. Toi aussi, tu n'es plus! toi qui fus si aimable et si aimée! Toi que me rendaient si chère les douces affections de notre jeunesse! qui fus pour moi ce que personne n'a été depuis, et qui ne m'abandonnas point quoique je fusse devenu indigne de toi! Qu'est-ce que ma vie est maintenant, puisque tu as cessé d'être! Tu n'es plus là pour accueillir avec transport ton voyageur à son retour; il ne lui reste qu'à gémir sur des heures qui ne reviendront plus pour lui. – Oh! que n'ont-elles jamais été, s'il ne devait plus les revoir! Il ne serait point revenu dans sa patrie pour trouver un motif de s'éloigner de nouveau!

      96. O toi, toujours aimante, toujours aimable et toujours aimée! Comme le chagrin personnel rappelle le passé et se complaît dans des pensées qui sont d'autant moins amères qu'elles sont plus éloignées! mais le tems peut-être arrachera de mon imagination ton ombre chérie. Implacable trépas! tout ce que tu pouvais me ravir, tu me l'as ravi; une mère, un ami et enfin un être qui était pour moi plus qu'un ami. Jamais tes flèches pour personne ne furent si promptes et si cruelles, et la douleur succédant à la douleur m'a privé des faibles jours que la vie aurait pu m'accorder.

      97. Dois-je alors me précipiter de nouveau dans la foule, et rechercher tout ce que dédaigne le repos de l'ame? Suivrai-je l'appel de la débauche dans les banquets joyeux, où le rire faux et bruyant laisse froid le cœur, contracte les joues creuses, et ne laisse dans l'ame abattue qu'un plus profond abattement? Vainement des traits empreints d'une gaîté forcée, veulent-ils feindre le plaisir, et cacher le secret dépit; les sourires ne font que précéder le cours de larmes futures, ou donner à la lèvre une expression mal dissimulée de dédain.

      98. Quel est le plus cruel des malheurs qui menacent la vieillesse? Quel est celui qui laisse sur le front les traces les plus profondes? C'est de voir tout ceux qu'on a aimés effacés du livre de la vie, et d'être seul sur la terre, comme moi maintenant. Je me prosterne humblement devant celui qui châtie, dont le bras s'est appesanti sur des cœurs divisés et a détruit toutes mes espérances. Roulez, passez rapidement, jours inutiles! vous n'emporterez pas mes regrets, puisque la mort a enlevé tout ce qui attachait mon ame, et condamné mes jeunes années à toutes les afflictions de la vieillesse.

      ADDITIONS AUXQUELLES RENVOIE LA NOTE 33

      I

      Avant de rien dire d'une ville dont tout le monde, voyageur ou non, a cru nécessaire de dire quelque chose, je prierai Miss Owenson, si elle choisit bientôt une héroïne athénienne pour ses quatre volumes, d'avoir la bonté de la marier à quelqu'un de meilleure condition qu'un Disdar-Aga (qui, par parenthèse, n'est pas un aga), le plus impoli de tous les petits officiers, et le plus grand patron de rapine qu'Athènes ait jamais vu (excepté lord Elgin). C'est le plus indigne des habitans de l'Acropolis, qui reçoit un traitement annuel de 150 piastres (8 livres sterling), outre lequel on lui donne encore de quoi payer sa garnison, le corps le plus indiscipliné de tous les corps indisciplinés de l'empire ottoman. Je dis ceci par amitié, me rappelant que je fus autrefois la cause que le mari de l'Ida d'Athènes manqua de recevoir la bastonnade. Le dit Disdar est un turbulent

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<p>78</p>

Le mont Pentélicus, d'où le marbre qui servit à construire les édifices publics d'Athènes fut tiré. Son nom moderne est le mont Mendéli. Une immense excavation, formée par l'exploitation des carrières, subsiste encore, et subsistera probablement jusqu'à la fin des tems.

<p>79</p>

«Siste, viator, heroa calcas!» était l'épitaphe du fameux comte Merci. Quels doivent être alors nos sentimens quand nous foulons la tombe des deux cents (Grecs) qui succombèrent à Marathon? Le principal tombeau a été récemment ouvert par Fauvel; on n'y trouva que peu d'antiquités, comme vases, etc. On m'offrit de me vendre la plaine de Marathon pour la somme de 16,000 piastres, à peu près 900 livres sterling (22,500 fr.)! Hélas! «Expende quot libras in duce summo invenies!» La cendre de Miltiade ne valait-elle pas déjà davantage? Elle n'aurait guère moins rapporté si on l'avait vendue au poids.