Les esclaves de Paris. Emile Gaboriau

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Les esclaves de Paris - Emile Gaboriau

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miroir d'une conscience pure, est bien de celles qui font dire d'un homme: «J'aimerais à lui confier ma fortune.»

      En l'examinant ainsi, Paul subissait l'ascendant de l'honnêteté, et il se sentait porté vers lui comme la faiblesse vers la force.

      Il s'expliquait l'enthousiasme du père Tantaine et il bénissait le hasard qui l'instant d'avant, l'avait empêché de s'esquiver.

      – Nous disons donc, reprit M. Mascarot, que vos ressources actuelles sont insuffisantes, nulles même, et que vous êtes décidé à tout entreprendre pour vous assurer une position. Je vous répète là les propres expressions de ce pauvre diable de Tantaine.

      – Il a été, monsieur, le fidèle interprète de mes sentiments.

      – Très bien. Seulement, avant de parler du présent et de songer à l'avenir, nous allons, si vous le voulez bien, nous occuper du passé.

      Paul eut un tressaillement très léger, que le placeur remarqua pourtant, car il ajouta:

      – Vous excuserez l'indiscrétion, mais elle est nécessaire. J'ai ma responsabilité à mettre à couvert. Tantaine dit que vous êtes un charmant jeune homme, honnête, bien élevé. En vous voyant, je suis convaincu qu'il ne se trompe pas. Mais il me faut plus que des présomptions. Vous devez comprendre qu'avant de me porter votre garant, avant de répondre de vous à des personnes tierces…

      – C'est trop juste, monsieur, interrompit Paul, aussi suis-je prêt à vous répondre, je n'ai rien à cacher.

      Un fin sourire, que le jeune homme ne surprit pas, vint effleurer les lèvres de l'honorable placeur, et d'un geste qui lui était familier, il rajusta ses lunettes sur son nez.

      – Merci de vos bonnes dispositions, fit-il. Quant à me cacher quelque chose, eh! eh!.. ce n'est peut-être pas aussi aisé que vous le supposez.

      Il prit sur un coin de son bureau un petit paquet de fiches, les fit glisser sous son pouce comme un jeu de cartes, et poursuivit:

      – Vous vous nommez Marie-Paul Violaine?

      Paul inclina la tête.

      – Vous êtes né à Poitiers, rue des Vignes, le 5 janvier 1843; vous êtes, par conséquent, dans votre vingt-quatrième année.

      – Oui, monsieur.

      – Vous êtes un enfant naturel?

      La seconde question avait un peu surpris Paul, celle-ci le stupéfia.

      – C'est vrai, monsieur, répondit-il, sans essayer de cacher son étonnement. J'étais loin de supposer M. Tantaine si bien informé. Je reconnais que la cloison qui sépare nos chambres est plus mince encore que je ne croyais.

      M. Mascarot ne sembla pas entendre l'épigramme adressée au vieux clerc d'huissier, il continuait à remuer ses carrés de papier et à les consulter.

      Si Paul, moins naïf, se fût penché, il eut vu ses initiales P. V., en tête de chacune des fiches.

      – Madame votre mère, reprit le digne placeur, a tenu, pendant les quinze dernières années de sa vie, un petit magasin de mercerie?

      – En effet.

      – Que peut rapporter un petit commerce comme celui-là, à Poitiers? Pas grand'chose, n'est-il pas vrai? Par bonheur, elle avait, en outre, pour l'aider à vivre et à vous élever, une pension annuelle de mille francs.

      Cette fois, Paul bondit sur son fauteuil.

      Ce secret, il était bien certain que le vieux locataire de l'hôtel du Pérou n'avait pu le surprendre.

      – Monsieur, balbutia-t-il, absolument abasourdi; monsieur!.. qui a pu vous révéler un fait dont je n'ai parlé à personne depuis que je suis à Paris, une circonstance de ma vie que Rose elle-même ignore?

      Le placeur haussa bonnement les épaules.

      – Vous devez bien comprendre, répondit-il, qu'un homme de ma position est obligé à des moyens particuliers d'investigation. Eh! sans cela, ne serais-je pas trompé quotidiennement, et, par contre, exposé à tromper les autres!..

      Il n'y avait pas une heure que Paul avait passé le seuil de l'agence, mais déjà il savait à quoi s'en tenir sur les «moyens particuliers.»

      Il se rappelait l'ordre donné au sieur Beaumarchef.

      – D'ailleurs, poursuivait le placeur, si je suis curieux par état, je suis discret aussi. Ne craignez donc pas de me répondre franchement. Comment cette rente parvenait-elle à votre mère?

      – Tous les trois mois, par l'intermédiaire d'un notaire de Paris.

      – Ah!.. Connaissez-vous la personne qui les servait?

      – Aucunement.

      Cependant Paul commençait à s'inquiéter de cet interrogatoire. Mille appréhensions vagues et inexpliquées tressaillaient en lui.

      Il avait beau chercher, il ne voyait ni le but, ni la portée, ni l'utilité de toutes ces questions.

      Puis l'explication qui lui avait été donnée ne lui paraissait pas claire. On a beau disposer de moyens puissants, ce n'est pas en une matinée qu'on recueille des notions précises à ce point sur la vie d'un homme.

      Et, cependant, rien dans l'attitude du digne placeur ne justifiait les craintes du jeune homme.

      Il semblait ne questionner ainsi que par habitude, avec l'insouciance de l'homme qui remplit les formalités de son état, sans conscience de son horrible indiscrétion.

      Ce n'est qu'après un assez long silence qu'il reprit la parole:

      – Je suis là que je réfléchis, dit-il, et je vois que, selon toute probabilité, c'est votre père qui servait cette rente.

      – Non, monsieur, non.

      – Qui vous l'a affirmé?

      – Ma mère, monsieur, qui me l'a juré sur son salut, et c'était une sainte. Pauvre mère!.. je l'aimais et je la respectais trop pour lui parler de ces choses. Une fois, pourtant, poussé par je ne sais quelle misérable curiosité, j'ai osé la questionner, lui demander le nom de notre protecteur. Ses larmes m'ont cruellement fait sentir l'ignominie de ma conduite. Ce nom, je ne l'ai jamais su, mais je sais que mon père est mort avant ma naissance.

      M. Mascarot ne voulut pas remarquer l'émotion de son jeune client.

      – Comme cela, fit-il, la pension ne vous a pas été continuée après la mort de madame votre mère?

      – Cette pension, monsieur, ne nous était plus servie depuis ma majorité. Ma mère à cet égard était prévenue. Il me semble que c'est hier qu'elle m'a appris cette nouvelle. Un soir, et comme c'était l'anniversaire de ma naissance, elle avait préparé un repas meilleur que de coutume. Car elle fêtait ma venue au monde, qu'elle eût dû maudire. Pauvre mère!.. «Paul, me dit-elle, lorsque tu es né, un ami généreux m'a promis qu'il m'aiderait à t'élever. Il a tenu sa parole, tu as vingt et un ans, nous ne devons plus rien espérer de lui. Te voici un homme, mon fils, tu ne dois plus compter, je ne dois plus compter que sur toi. Travaille, sois honnête, et si jamais un devoir te paraît

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