Le magasin d'antiquités, Tome II. Чарльз Диккенс

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Le magasin d'antiquités, Tome II - Чарльз Диккенс

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répliqua le gros homme qui sembla se retenir pour ne pas donner à sa phrase une conclusion plus rude.

      – Jowl, ne le traitez pas trop durement, dit Isaac List. Il regrette, j'en suis sûr, de nous avoir offensés. Allons, brave homme, continuez ce que vous disiez, continuez.

      – Il faut que je sois bête et doux comme un agneau, s'écria M. Jowl, de perdre le temps, à mon âge, à donner des conseils quand je sais qu'ils seront mal reçus, et que je n'en retirerai que des injures pour la peine. Mais je n'en fais pas d'autres depuis que je suis au monde. L'expérience aurait pourtant bien dû refroidir ces élans de mon bon coeur.

      – Je vous répète, dit Isaac List, qu'il regrette ce qui s'est passé et qu'il désire que vous continuiez.

      – Est-ce bien vrai? demanda l'autre.

      – Oui, grommela le vieillard en s'asseyant et se balançant à droite et à gauche, continuez, continuez! à quoi servirait-il de vous contrarier là-dessus? Continuez.

      – Je reprends donc, dit Jowl, où j'en étais quand vous vous êtes levé si brusquement. Si vous êtes persuadé que le temps est venu où la chance doit tourner, et ce n'est que trop sûr; et si vous trouvez que vous ne possédez pas les moyens suffisants pour la tenter, au moins pour un coup, car vous savez bien que vous n'aurez jamais les fonds nécessaires pour tenir toute une soirée, que n'acceptez-vous l'occasion qui semble tout exprès s'offrir à vous? Empruntez, je vous dis, et vous rendrez quand vous le pourrez.

      – Certainement, ajouta Isaac List avec une intention marquée; si cette bonne dame qui montre les figures de cire a de l'argent et qu'elle le mette dans une boite d'étain quand elle va se coucher, sans fermer sa porte à clef, de peur du feu, il me semble que la chose serait facile. Je dirais presque que c'est un coup de la Providence si je n'avais pas été élevé dans des principes religieux.

      – Vous comprenez, Isaac, dit son ami d'un ton plus animé et en se rapprochant du vieillard, tandis qu'il faisait signe au bohémien de ne point intervenir; vous comprenez, Isaac; à toute heure il y a des étrangers qui vont et viennent par là; eh bien! un de ces étrangers aura pu se glisser sous le lit de la bonne dame ou se fourrer dans l'armoire, rien de plus vraisemblable; les soupçons auront le champ large, et il n'y a pas de danger qu'on se doute de la vérité… Moi, je lui donnerais sa revanche jusqu'au dernier farthing qu'il apporterait, quel que fût le montant de la somme.

      – Mais le pourriez-vous? demanda Isaac List. Votre banque est- elle assez forte pour cela?

      – Assez forte! répondit l'autre avec un dédain simulé. Monsieur, voulez-vous bien me tirer cette boite de la paille?»

      Cette invitation s'adressait au bohémien, qui se glissa à quatre pattes dans sa tente basse et étroite, et après quelques recherches, quelques fouilles en apparence laborieuses, revint avec une cassette que Jowl ouvrit au moyen d'une clef qu'il portait sur lui.

      «Voyez-vous ceci? dit-il ramassant l'argent dans sa main et le laissant retomber en pluie à travers ses doigts. Entendez-vous ceci? Connaissez-vous le son de l'or? Tenez, emportez cette cassette. Et vous, Isaac, ne parlez plus des banques que lorsque vous en aurez gagné une.»

      Isaac List, avec une grande apparence d'humilité, affirma qu'il n'avait jamais mis en doute la parole d'un gentleman aussi honorablement connu pour sa loyauté que M. Jowl, et que s'il avait laissé exhiber la cassette, ce n'était pas pour éclaircir ses doutes, car il n'en avait aucun, mais pour se régaler de la vue de tant de richesses, ce qui pouvait paraître à d'autres une jouissance vaine et purement imaginaire, mais n'en était pas moins pour lui une source de plaisir infini, le plus grand de tous les plaisirs, après celui d'avoir à soi cet argent dans sa propre poche.

      Bien que M. List et M. Jowl eussent l'air de s'adresser mutuellement l'un à l'autre, il était à remarquer qu'ils épiaient le vieillard qui, les yeux fixés sur le feu, se tenait assis dans l'attitude de la méditation. On pouvait juger de l'intérêt qu'il prenait à leur conversation par un certain mouvement de tête involontaire, ou par une contraction de ses traits à chaque mot qui sortait de leur bouche.

      «Le conseil que je lui donne là, dit Jowl en se recouchant à plat ventre, est bien simple… un vrai conseil d'ami. Pourquoi donc procurerais-je à un individu le moyen de me gagner peut-être tout ce que je possède, si ce n'est parce que je le considère comme mon ami? C'est une folie de se donner tant de mal pour les autres, bien sûr, mais c'est mon caractère, et je ne puis pas m'en empêcher; ainsi il ne faut pas m'en vouloir, mon cher Isaac List.

      – Moi, vous en vouloir! répliqua Isaac; je ne vous en veux pas le moins du monde, monsieur Jowl. Je voudrais bien être à même de me montrer aussi généreux que vous! et, d'ailleurs, comme vous dites, il rendra, s'il gagne; mais s'il perd…

      – Ça, c'est la moindre des choses, dit Jowl. Car, enfin, supposez qu'il perde, et rien n'est moins vraisemblable d'après ce que je connais des chances du sort, eh bien! il vaut toujours mieux, il me semble, perdre l'argent des autres que le sien.

      – Ah! s'écria vivement Isaac List, quel plaisir de gagner! Quel plaisir de ramasser de l'argent, de brillants, de beaux petits jaunets, et de les plonger dans sa poche! Quel délice de triompher à la fin, de penser qu'on n'a pas été obligé de s'arrêter tout court et de tourner le dos à la fortune! qu'on a fait, au contraire, bravement la moitié du chemin pour la rencontrer! Mais vous ne partez pas, mon vieux monsieur?

      – Pardon, il faut que je parte, dit le vieillard qui s'était levé et qui avait fait déjà deux ou trois pas à la hâte, lorsqu'il revint non moins précipitamment: «J'aurai l'argent, tout, jusqu'au dernier sou.

      – À la bonne heure, c'est bien, ça! s'écria Isaac en sautant et le frappant sur l'épaule; j'estime en vous ce reste de jeune sang. Ah! ah! ah! Joe Jowl regrette presque de vous avoir donné des conseils. Comme nous allons rire à ses dépens! Ah! ah! ah!

      – Il m'a promis ma revanche, vous savez, dit le vieillard montrant Jowl avec un mouvement violent de sa main ridée; vous savez, il m'a promis écu pour écu, jusqu'au fond de la bourse, qu'il y ait beaucoup ou qu'il y ait peu. Rappelez-vous ça.

      – Je suis votre témoin, répondit Isaac, et j'aurai soin que tout s'exécute loyalement.

      – J'ai engagé ma parole, dit Jowl avec une feinte répugnance, et je la tiendrai. Quand aura lieu cette joute? Je souhaite que ce soit le plus tôt possible. Sera-ce cette nuit?

      – Il faut d'abord que j'aie l'argent, dit le vieillard; je l'aurai demain…

      – Pourquoi pas cette nuit? dit Jowl en insistant.

      – Il est tard; je serais obligé de trop me presser. Il faut agir avec prudence. Non, non, ce sera pour demain soir.

      – Demain, soit! dit Jowl. Buvons une goutte de réconfort. Bonne chance au plus vaillant! Remplissez les verres.»

      Le bohémien apporta trois gobelets d'étain qu'il remplit d'eau-de- vie jusqu'au bord. Le vieillard se détourna en se disant à lui- même quelques mots avant de boire. Celle qui l'écoutait entendit prononcer son propre nom, joint à des souhaits si fervents, qu'ils semblaient adressés au ciel comme une prière pleine d'angoisses.

      «Que Dieu ait pitié de nous! s'écria en elle-même la pauvre enfant. Que Dieu nous assiste à cette heure d'épreuve!.. Oh! que faire pour le sauver?..»

      Le reste de la conversation s'acheva assez brièvement sur un ton plus bas; c'étaient de bons avis sur l'exécution du projet et sur les précautions à prendre pour écarter les soupçons.

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