Le capitaine Coutanceau. Emile Gaboriau

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Le capitaine Coutanceau - Emile Gaboriau

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dans les bras l’un de l’autre, s’embrassant comme du pain, écrivirent aux journaux pour démentir le fait.

      Cette scène de réconciliation n’avait-elle donc été qu’une hypocrisie préméditée des partis, désireux d’endormir leurs mutuelles défiances?..

      N’était-elle, comme d’aucuns l’insinuaient, qu’une comédie convenue entre le roi et l’évêque de Lyon pour détourner les esprits de la discussion de la loi du danger de la patrie, et laisser ainsi aux Prussiens le temps d’arriver?

      M. Goguereau, que je me permis d’interroger, m’affirma que ce n’était ni l’un ni l’autre.

      – Pourquoi donc, me dit-il, n’aurions-nous pas été sincères!.. La haine n’est pas si douce!.. Nous avons été émus et entraînés… Toutes les assemblées sont exposées à des surprises sentimentales de ce genre…

      Je vous donne l’explication telle qu’elle m’a été donnée. Ce qui n’empêche qu’une célébrité de ridicule est demeurée attachée à cette scène, qui m’avait tiré des larmes… Encore aujourd’hui, un «baiser Lamourette» est le synonyme de comédie et de trahison.

      Mais précisément parce qu’ils étaient furieux d’avoir été dupes d’un mouvement de leur cœur, les partis n’en étaient devenus que plus acharnés.

      Une mesure qu’on ne manqua pas de dire provoquée par la cour devait d’ailleurs attiser encore les colères.

      Je l’appris, au matin, d’un ouvrier, qui était entré dans notre boutique acheter un pain. Comme il me semblait exaspéré, je lui demandai ce qu’il avait:

      – J’ai, me répondit-il, que le directoire de Paris vient de suspendre Pétion de ses fonctions, et veut le poursuivre comme organisateur de la manifestation du 20 juin.

      C’était si grave que, tout d’abord, je crus à une de ces fausses nouvelles comme on en lançait dix par jour dans la circulation.

      Frapper Pétion, le maire de Paris, l’homme le plus populaire du moment… était-ce possible.

      C’était vrai. Le premier passant m’apprit que le roi, au lieu d’annuler, comme il le pouvait, cette décision, venait de la notifier à l’Assemblée, en lui laissant «le soin de statuer sur l’événement.»

      – C’est encore une trahison! criaient les sans-culottes, furibonds.

      – Quelle épouvantable maladresse! gémissaient les patriotes paisibles.

      Mais le sentiment général était que la cour n’eût point hasardé ce coup de partie, si elle n’eût été sûre de l’approche des Prussiens.

      Quoi qu’il en soit, c’est au milieu de ce déchaînement de l’opinion, que fut enfin présentée à l’Assemblée par Hérault de Séchelles, la déclaration du danger de la patrie.

      C’était le 11 juillet 1792.

      Le rapport entendu, les conclusions furent adoptées, et, aussitôt après, le président se levant, prononce d’une voix émue et au milieu d’un silence effrayant, la formule solennelle:

      «Citoyens, la patrie est en danger.»

      L’effet, je me le rappelle, fut terrible.

      Il n’y eut pas un cri dans les tribunes publiques, pas un mot, pas un geste.

      Et quand la séance fut levée, la foule, turbulente d’ordinaire, et qui emplissait les escaliers du tumulte de ses discussions, la foule s’écoula muette et consternée.

      Cependant, les patriotes étaient satisfaits.

      – Voilà enfin un acte, disaient-ils, et qui vaut un peu mieux que les embrassades de l’autre jour… Ça ira, maintenant; il faudra bien que M. Véto marche droit.

      Mais c’est en vain que le lendemain on attendit les grandes mesures du salut public.

      La déclaration demandée le 30 juin, formulée le 4 juillet et votée le 11, ne devait être proclamée que le 22 juillet. Il fallut tout ce temps pour obtenir du pouvoir exécutif l’autorisation nécessaire.

      Je vous laisse à penser si pendant ces onze jours les esprits se montèrent. Je voyais, pour ainsi dire, l’exaltation augmenter d’heure en heure…

      La veille, les ministres en masse avaient donné leur démission et avaient été remplacés par d’autres. Bast! on n’y avait pas pris garde. Ce n’est assurément pas sur eux qu’on comptait.

      J’avais acheté une carte des frontières, et tous nos voisins venaient la consulter. Et il fallait que je leur montre Coblentz, où était, disait-on, l’armée prussienne, et nous calculions les journées de marche qu’il y a pour une grande troupe de la frontière à Paris.

      Les gens, d’ailleurs, répétaient comme un verset d’Evangile, une phrase du dernier discours de Robespierre aux Jacobins.

      «Dans des circonstances aussi critiques, avait-il dit, les moyens ordinaires sont dérisoires: Français, sauvez-vous vous-mêmes.»

      – Voilà, pensais-je, qui est parler!

      Mais la préoccupation de l’étranger ne faisait pas oublier Pétion.

      M. Goguereau, qui avait promis à mon père de venir nous voir tous les jours, en son absence, était obligé de se cacher pour tenir sa promesse, tant les gens des environs qui le connaissaient l’assaillaient de questions indiscrètes.

      De tous côtés Paris signait des pétitions en faveur de son maire. Il y en eut une, celle des ouvriers du bâtiment, qui réunit quarante mille signatures. On en faisait circuler une dans notre quartier: j’y mis mon nom, et nos trois garçons, ne sachant pas écrire, y apposèrent leur croix.

      Pour un empire je n’aurais pas manqué la séance où Pétion parut à la barre de l’Assemblée.

      Il s’avança la tête haute. Jamais homme ne ressembla moins à un accusé qui vient se disculper.

      «Mon crime, commença-t-il, est d’avoir empêché le sang de couler…»

      On ne le laissa pas poursuivre…

      Il avait été disgracié par la cour, l’Assemblé l’admit aux honneurs de la séance, et décréta «que le maire de Paris serait rétabli dans ses fonctions, et que le pouvoir exécutif serait tenu d’exécuter le décret dans la journée même.»

      C’était le 13 juillet 1792.

      Le lendemain allait avoir lieu la fête de la Fédération.

      Instituée pour perpétuer le souvenir de la prise de la Bastille, cette fête du 14 juillet inspirait aux meilleurs patriotes les plus vives appréhensions.

      Paris était alors comme un baril de poudre, et chacun sentait bien qu’il suffirait de la moindre étincelle pour déterminer une formidable explosion.

      Or, quel serait le résultat d’une explosion?.. C’est ce que nul n’était capable de dire avec quelque certitude.

      Qui pouvait garantir que l’ivresse ne tournerait pas à la fureur et qu’on ne compromettrait pas en

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