Nana. Emile Zola

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Nana - Emile Zola страница 18

Nana - Emile Zola

Скачать книгу

elles épousent Dieu, lorsqu'elles n'ont pu épouser leur cousin, dit entre ses dents Vandeuvres, que cette question ennuyait, et qui venait rejoindre Fauchery. Mon cher, avez-vous jamais vu une femme aimée se faire religieuse?

      Il n'attendit pas la réponse, il en avait assez; et, à demi-voix:

      – Dites donc, combien serons-nous demain?.. Il y aura les Mignon, Steiner, vous, Blanche et moi… Qui encore?

      – Caroline, je pense… Simonne… Gaga sans doute… On ne sait jamais au juste, n'est-ce pas? Dans ces occasions, on croit être vingt et l'on est trente.

      Vandeuvres, qui regardait les dames, sauta brusquement à un autre sujet.

      – Elle a dû être très bien, cette dame Du Joncquoy, il y a quinze ans… La pauvre Estelle s'est encore allongée. En voilà une jolie planche à mettre dans un lit!

      Mais il s'interrompit, il revint au souper du lendemain.

      – Ce qu'il y a d'ennuyeux, dans ces machines-là, c'est que ce sont toujours les mêmes femmes… Il faudrait du nouveau. Tâchez donc d'en inviter une… Tiens! une idée! Je vais prier ce gros homme d'amener la femme qu'il promenait, l'autre soir, aux Variétés.

      Il parlait du chef de bureau, ensommeillé au milieu du salon. Fauchery s'amusa de loin à suivre cette négociation délicate. Vandeuvres s'était assis près du gros homme, qui restait très digne. Tous deux parurent un instant discuter avec mesure la question pendante, celle de savoir quel sentiment véritable poussait une jeune fille à entrer en religion. Puis, le comte revint, disant:

      – Ce n'est pas possible. Il jure qu'elle est sage. Elle refuserait… J'aurais pourtant parié l'avoir vue chez Laure.

      – Comment! vous allez chez Laure! murmura Fauchery en riant. Vous vous risquez dans des endroits pareils!.. Je croyais qu'il n'y avait que nous autres, pauvres diables…

      – Eh! mon cher, il faut bien tout connaître.

      Alors, ils ricanèrent, les yeux luisants, se donnant des détails sur la table d'hôte de la rue des Martyrs, où la grosse Laure Piédefer, pour trois francs, faisait manger les petites femmes dans l'embarras. Un joli trou! Toutes les petites femmes baisaient Laure sur la bouche. Et, comme la comtesse Sabine tournait la tête, ayant saisi un mot au passage, ils se reculèrent, se frottant l'un contre l'autre, égayés, allumés. Près d'eux, ils n'avaient pas remarqué Georges Hugon, qui les écoutait, en rougissant si fort, qu'un flot rose allait de ses oreilles à son cou de fille. Ce bébé était plein de honte et de ravissement. Depuis que sa mère l'avait lâché dans le salon, il tournait derrière madame de Chezelles, la seule femme qui lui parût chic. Et encore Nana l'enfonçait joliment!

      – Hier soir, disait madame Hugon, Georges m'a menée au théâtre. Oui, aux Variétés, où je n'avais certainement plus mis les pieds depuis dix ans. Cet enfant adore la musique… Moi, ça ne m'a guère amusée, mais il était si heureux!.. On fait des pièces singulières, aujourd'hui. D'ailleurs la musique me passionne peu, je l'avoue.

      – Comment! madame, vous n'aimez pas la musique! s'écria madame Du Joncquoy en levant les yeux au ciel. Est-il possible qu'on n'aime pas la musique!

      Ce fut une exclamation générale. Personne n'ouvrit la bouche de cette pièce des Variétés, à laquelle la bonne madame Hugon n'avait rien compris; ces dames la connaissaient, mais elles n'en parlaient pas. Tout de suite, on se jeta dans le sentiment, dans une admiration raffinée et extatique des maîtres. Madame Du Joncquoy n'aimait que Weber, madame Chantereau tenait pour les Italiens. Les voix de ces dames s'étaient faites molles et languissantes. On eût dit, devant la cheminée, un recueillement d'église, le cantique discret et pâmé d'une petite chapelle.

      – Voyons, murmura Vandeuvres en ramenant Fauchery au milieu du salon, il faut pourtant que nous inventions une femme pour demain. Si nous demandions à Steiner?

      – Oh! Steiner, dit le journaliste, quand il a une femme, c'est que Paris n'en veut plus.

      Vandeuvres, cependant, cherchait autour de lui.

      – Attendez, reprit-il. J'ai rencontré l'autre jour Foucarmont avec une blonde charmante. Je vais lui dire qu'il l'amène.

      Et il appela Foucarmont. Rapidement, ils échangèrent quelques mots. Une complication dut se présenter, car tous deux, marchant avec précaution, enjambant les jupes des dames, s'en allèrent trouver un autre jeune homme, avec lequel ils continuèrent l'entretien, dans l'embrasure d'une fenêtre. Fauchery, resté seul, se décidait à s'approcher de la cheminée, au moment où madame Du Joncquoy déclarait qu'elle ne pouvait entendre jouer du Weber sans voir aussitôt des lacs, des forêts, des levers de soleil sur des campagnes trempées de rosée; mais une main le toucha à l'épaule, tandis qu'une voix disait derrière lui:

      – Ce n'est pas gentil.

      – Quoi donc? demanda-t-il en se tournant et en reconnaissant la Faloise.

      – Ce souper, pour demain… Tu aurais bien pu me faire inviter.

      Fauchery allait enfin répondre, lorsque Vandeuvres revint lui dire:

      – Il paraît que ce n'est pas une femme à Foucarmont; c'est le collage de ce monsieur, là-bas… Elle ne pourra pas venir. Quelle déveine!.. Mais j'ai racolé tout de même Foucarmont. Il tâchera d'avoir Louise, du Palais-Royal.

      – Monsieur de Vandeuvres, demanda madame Chantereau qui haussait la voix, n'est-ce pas qu'on a sifflé Wagner, dimanche?

      – Oh! atrocement, madame, répondit-il en s'avançant avec son exquise politesse.

      Puis, comme on ne le retenait pas, il s'éloigna, il continua à l'oreille du journaliste:

      – Je vais encore en racoler… Ces jeunes gens doivent connaître des petites filles.

      Alors, on le vit, aimable, souriant, aborder les hommes et causer aux quatre coins du salon. Il se mêlait aux groupes, glissait une phrase dans le cou de chacun, se retournait avec des clignements d'yeux et des signes d'intelligence. C'était comme un mot d'ordre qu'il distribuait, de son air aisé. La phrase courait, on prenait rendez-vous; pendant que les dissertations sentimentales des dames sur la musique couvraient le petit bruit fiévreux de cet embauchage.

      – Non, ne parlez pas de vos Allemands, répétait madame Chantereau. Le chant, c'est la gaieté, c'est la lumière…

      Avez-vous entendu la Patti dans le Barbier?

      – Délicieuse! murmura Léonide, qui ne tapait que des airs d'opérette sur son piano.

      La comtesse Sabine, cependant, avait sonné. Lorsque les visiteurs étaient peu nombreux, le mardi, on servait le thé dans le salon même. Tout en faisant débarrasser un guéridon par un valet, la comtesse suivait des yeux le comte de Vandeuvres. Elle gardait ce sourire vague qui montrait un peu de la blancheur de ses dents. Et, comme le comte passait, elle le questionna.

      – Que complotez-vous donc, monsieur de Vandeuvres?

      – Moi, madame? répondit-il tranquillement, je ne complote rien.

      – Ah!.. Je vous voyais si affairé… Tenez, vous allez vous rendre utile.

      Elle lui mit dans les mains un album, en le priant de le porter sur le piano. Mais il trouva moyen d'apprendre tout bas à Fauchery

Скачать книгу