Nana. Emile Zola
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– Cré nom de Dieu! cré nom de Dieu!.. Enfin, l'estomac est solide, vous verrez ça.
D'autres convives étaient arrivés. On ne pouvait plus remuer dans la pièce. Les bruits de vaisselle et d'argenterie avaient cessé; maintenant, une querelle venait du grand salon, où grondait la voix furieuse du maître d'hôtel. Nana s'impatientait, n'attendant plus d'invités, s'étonnant qu'on ne servît pas. Elle avait envoyé Georges demander ce qui se passait, lorsqu'elle resta très surprise de voir encore entrer du monde, des hommes, des femmes. Ceux-là, elle ne les connaissait pas du tout. Alors, un peu embarrassée, elle interrogea Bordenave, Mignon, Labordette. Ils ne les connaissaient pas non plus. Quand elle s'adressa au comte de Vandeuvres, il se souvint brusquement; c'étaient les jeunes gens qu'il avait racolés chez le comte Muffat. Nana le remercia. Très bien, très bien. Seulement, on serait joliment serré; et elle pria Labordette d'aller faire ajouter sept couverts. A peine était-il sorti, que le valet introduisit de nouveau trois personnes. Non, cette fois, ça devenait ridicule; on ne tiendrait pas, pour sûr. Nana, qui commençait à se fâcher, disait de son grand air que ce n'était guère convenable. Mais, en en voyant arriver encore deux, elle se mit à rire, elle trouvait ça trop drôle. Tant pis! on tiendrait comme on tiendrait. Tous étaient debout, il n'y avait que Gaga et Rose Mignon assises, Bordenave accaparant à lui seul deux fauteuils. Les voix bourdonnaient, on parlait bas, en étouffant de légers bâillements.
– Dis donc, ma fille, demanda Bordenave, si on se mettait à table tout de même?.. Nous sommes au complet, n'est-ce pas?
– Ah! oui, par exemple, nous sommes au complet! répondit-elle en riant.
Elle promenait ses regards. Mais elle devint sérieuse, comme étonnée de ne pas trouver quelqu'un là. Sans doute il manquait un convive dont elle ne parlait point. Il fallait attendre. Quelques minutes plus tard, les invités aperçurent au milieu d'eux un grand monsieur, à figure noble et à belle barbe blanche. Et le plus surprenant était que personne ne l'avait vu entrer; il devait s'être glissé dans le petit salon par une porte de la chambre à coucher, restée entrouverte. Un silence régna, des chuchotements couraient. Le comte de Vandeuvres savait certainement qui était le monsieur, car ils avaient tous deux échangé une discrète poignée de main; mais il répondit par un sourire aux questions des femmes. Alors, Caroline Héquet, à demi-voix, paria pour un lord anglais, qui retournait le lendemain se marier à Londres; elle le connaissait bien, elle l'avait eu. Et cette histoire fit le tour des dames; seulement, Maria Blond prétendait, de son côté, reconnaître un ambassadeur allemand, à preuve qu'il couchait souvent avec une de ses amies. Parmi les hommes, en phrases rapides, on le jugeait. Une tête de monsieur sérieux. Peut-être qu'il payait le souper. Probable. Ça sentait ça. Bah! pourvu que le souper fût bon! Enfin, on resta dans le doute, on oubliait déjà le vieillard à barbe blanche, lorsque le maître d'hôtel ouvrit la porte du grand salon.
– Madame est servie.
Nana avait accepté le bras de Steiner, sans paraître remarquer un mouvement du vieillard, qui se mit à marcher derrière elle, tout seul. D'ailleurs, le défilé ne put s'organiser. Les hommes et les femmes entrèrent débandés, plaisantant avec une bonhomie bourgeoise sur ce manque de cérémonie. Une longue table allait d'un bout à l'autre de la vaste pièce, vide de meubles; et cette table se trouvait encore trop petite, car les assiettes se touchaient. Quatre candélabres à dix bougies éclairaient le couvert, un surtout en plaqué, avec des gerbes de fleurs à droite et à gauche. C'était un luxe de restaurant, de la porcelaine à filets dorés, sans chiffre, de l'argenterie usée et ternie par les continuels lavages, des cristaux dont on pouvait compléter les douzaines dépareillées dans tous les bazars. Cela sentait une crémaillère pendue trop vite, au milieu d'une fortune subite, et lorsque rien n'était encore en place. Un lustre manquait; les candélabres, dont les bougies très hautes s'éméchaient à peine, faisaient un jour pâle et jaune au-dessus des compotiers, des assiettes montées, des jattes, où les fruits, les petits fours, les confitures, alternaient symétriquement.
– Vous savez, dit Nana, on se place comme on veut… C'est plus amusant.
Elle se tenait debout, au milieu de la table. Le vieux monsieur, qu'on ne connaissait pas, s'était mis à sa droite, pendant qu'elle gardait Steiner à sa gauche. Des convives s'asseyaient déjà, quand des jurons partirent du petit salon. C'était Bordenave qu'on oubliait et qui avait toutes les peines du monde pour se relever de ses deux fauteuils, gueulant, appelant cette rosse de Simonne, filée avec les autres. Les femmes coururent, pleines d'apitoiement. Bordenave apparut, soutenu, porté par Caroline, Clarisse, Tatan Néné, Maria Blond. Et ce fut toute une affaire pour l'installer.
– Au milieu de la table, en face de Nana! criait-on. Bordenave au milieu! Il nous présidera!
Alors, ces dames l'assirent au milieu. Mais il fallut une seconde chaise pour sa jambe. Deux femmes soulevèrent sa jambe, l'allongèrent délicatement. Ça ne faisait rien, il mangerait de côté.
– Cré nom de Dieu! grognait-il, est-on empoté tout de même!..
Ah! mes petites chattes, papa se recommande à vous.
Il avait Rose Mignon à sa droite et Lucy Stewart à sa gauche. Elles promirent d'avoir bien soin de lui. Tout le monde, maintenant, se casait. Le comte de Vandeuvres se plaça entre Lucy et Clarisse; Fauchery, entre Rose Mignon et Caroline Héquet. De l'autre côté, Hector de la Faloise s'était précipité pour se mettre près de Gaga, malgré les appels de Clarisse, en face; tandis que Mignon, qui ne lâchait pas Steiner, n'était séparé de lui que par Blanche, et avait à gauche Tatan Néné. Puis, venait Labordette. Enfin, aux deux bouts, se trouvaient des jeunes gens, des femmes, Simonne, Léa de Horn, Maria Blond, sans ordre, en tas. C'était là que Daguenet et Georges Hugon sympathisaient de plus en plus, en regardant Nana avec des sourires.
Cependant, comme deux personnes restaient debout, on plaisanta. Les hommes offraient leurs genoux. Clarisse, qui ne pouvait remuer les coudes, disait à Vandeuvres qu'elle comptait sur lui pour la faire manger. Aussi ce Bordenave tenait une place, avec ses chaises! Il y eut un dernier effort, tout le monde put s'asseoir; mais, par exemple, cria Mignon, on était comme des harengs dans un baquet.
– Purée d'asperges comtesse, consommé à la Deslignac, murmuraient les garçons, en promenant des assiettes pleines derrière les convives.
Bordenave conseillait tout haut le consommé, lorsqu'un cri s'éleva. On protestait, on se fâchait. La porte s'était ouverte, trois retardataires, une femme et deux hommes, venaient d'entrer. Ah! non, ceux-là étaient de trop! Nana, pourtant, sans quitter sa chaise, pinçait les yeux, tâchait de voir si elle les connaissait. La femme était Louise Violaine. Mais elle n'avait jamais vu les hommes.
– Ma chère, dit Vandeuvres, monsieur est un officier de marine de mes amis, monsieur de Foucarmont, que j'ai invité.
Foucarmont salua, très à l'aise, ajoutant:
– Et je me suis permis d'amener un de mes amis.
– Ah! parfait, parfait, dit Nana. Asseyez-vous… Voyons, Clarisse, recule-toi un peu. Vous êtes très au large, là-bas…
Là, avec de la bonne volonté…
On se serra encore, Foucarmont et Louise obtinrent pour eux deux un petit bout de la table; mais l'ami dut rester à distance de son couvert; il mangeait, les bras allongés entre les épaules de ses voisins. Les garçons enlevaient les assiettes à potage, des crépinettes de lapereaux aux truffes et des niokys au parmesan circulaient. Bordenave ameuta toute la table, en racontant qu'il avait eu un instant l'idée d'amener Prullière, Fontan et le vieux Bosc. Nana était devenue digne; elle dit sèchement qu'elle les aurait joliment