Le Fichier Zéro. Джек Марс

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Le Fichier Zéro - Джек Марс

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Warren ? Nous devrions l’alerter…”

      “Le Capitaine est sur le pont !” cria soudain une voix puissante. Thomas se leva de son siège et fit un salut crispé, tout comme les quatre autres officiers présents dans la salle de contrôle.

      Le second entra en premier, un homme grand à la mâchoire carrée qui avait l’air beaucoup plus grave que d’habitude. Il fut suivi de près par le Capitaine Warren, son léger embonpoint forçant un peu sur les boutons du bas de sa chemise à manches courtes. Sur la tête, il portait une casquette de baseball de la Navy, dont le bleu marine semblait presque noir sous l’éclairage du pont.

      “Repos,” dit Warren sur un ton bourru. Thomas se rassit lentement sur son siège en échangeant un regard avec Davis. Le capitaine était certainement au courant pour les trois bateaux CGRI en approche et le fait qu’il soit ici alors que ces trois navires s’approchaient de plus en plus signifiait qu’il se passait quelque chose d’anormal. “Ouvrez grand vos oreilles et écoutez-moi bien, car je vais vous dire rapidement les choses.” Le capitaine fronça profondément les sourcils. Il avait coutume de froncer les sourcils et, d’ailleurs, Thomas ne se souvenait pas avoir déjà vu Warren sourire. Mais ce froncement-là semblait particulièrement inhabituel. “Les ordres viennent tout juste de tomber. Il y a eu un changement dans les règles d’engagement. Tout bateau qui ouvre le feu à moins de huit-cents mètres de distance doit être considéré comme étant hostile et traité avec une volonté de préjudice extrême.”

      Thomas cligna des yeux à ce flot soudain de paroles et eut même du mal à saisir au départ.

      Le Maître de Pont Miller, interloqué, s’aventura à prendre la parole, “Traité ? Vous voulez dire détruit ?”

      “C’est exact, Miller,” dit le Capitaine Warren en regardant le jeune homme dans les yeux. “Je veux dire détruit, démoli, effacé, dévasté, écrasé et/ou anéanti.”

      “Euh, Monsieur ?” intervint Davis. “S’il ouvre le feu ? Ou qu’il tire sur nous ?”

      “On riposte avec une arme pouvant causer des pertes humaines, Lieutenant,” lui répondit le Capitaine Warren. “Qu’il nous vise ou pas.”

      Thomas n’arrivait pas à croire ce qu’il venait d’entendre. Le CGRI avait tiré des roquettes à de nombreuses reprises depuis qu’il était à bord du Constitution, dont plusieurs fois à moins de huit-cents mètres d’eux. Il trouvait extrêmement bizarre et fortuit que les règles d’engagement aient changé si vite… et pile au moment où le navire iranien fondait sur eux.

      “Écoutez,” dit Warren, “je n’aime pas ça plus que vous, mais vous savez tous ce qui s’est passé. Franchement, je suis surpris que le gouvernement ait mis si longtemps à réagir. Mais voilà, nous y sommes maintenant.”

      Thomas savait exactement ce à quoi faisait référence le capitaine. Quelques jours auparavant, une organisation terroriste avait tenté de faire sauter l’USS New York, un destroyer Arleigh-Burke stationné dans le Port d’Haïfa en Israël. Et à peine deux jours plus tôt, la même cellule rebelle avait fait exploser un tunnel sous-marin à New York. Le Capitaine Warren avait réuni tout l’équipage dans le mess pour leur apprendre la triste nouvelle. La CIA avait eu vent de l’attaque seulement quelques heures avant qu’elle n’ait lieu et avait réussi à sauver de nombreuses vies. Toutefois, des centaines de personnes avaient tout de même péri et il y en avait encore beaucoup qui étaient toujours portées disparues. L’ampleur de l’attaque restait loin de celle du 11 Septembre, mais c’était tout de même l’une des attaques les plus importantes de ces cent dernières années sur le sol américain.

      “C’est le monde dans lequel nous vivons maintenant, mes garçons,” dit Warren en secouant la tête de dépit. Il pensait clairement la même chose que Thomas. Ils pensaient tous pareil.

      “Il change de cap,” dit Gilbert à travers la radio, tirant Thomas de ses pensées pour revenir sa console. L’officier avait raison : le troisième bateau était soudain devenu timide à cinq-cents mètres et bifurquait vers l’ouest. “On dirait bien que j’ai perdu vingt dollars.”

      Thomas laissa échapper un soupir de soulagement. Dans une minute, le bateau serait à plus de huit-cents mètres de distance et le Constitution poursuivrait sa patrouille à l’est vers le détroit. S’il vous plaît, ne faites rien de stupide, pensa-t-il en disant, “Le navire CGRI est à quatre-cent-cinquante mètres et se dirige vers l’est. On dirait bien qu’on ne l’intéresse pas, Monsieur.”

      Warren acquiesça d’un signe de tête. S’il était aussi soulagé que Thomas, il n’en laissait rien paraître. Le lieutenant comprenait aisément pourquoi : les règles d’engagement avaient changé soudainement. Combien de temps faudrait-il avant qu’ils ne se retrouvent dans une autre situation telle que celle-là ?

      Le Lieutenant Davis leva soudain les yeux vivement. “Ils nous saluent, Monsieur.”

      Le Capitaine Warren ferma les yeux et soupira. “Très bien. Relayez ceci, et fissa.” Plus qu’un simple officier des communications, Davis parlait couramment l’arabe et le farsi. Il traduisit le message du capitaine pendant que Warren le prononçait, écoutant et parlant en même temps. “Ici le Capitaine James Warren de l’USS Constitution. Les règles d’engagement de la Marine des USA ont changé. Vos supérieurs doivent certainement être déjà au courant mais, si ce n’est pas le cas, sachez que nous sommes pleinement autorisés par le gouvernement américain à utiliser la force léthale si le moindre bateau…”

      “Tir de roquette !” cria Gilbert dans l’oreille de Thomas.

      “Tir de roquette !” répéta Thomas. Avant même qu’il ne sache ce qu’il faisait, il retira le casque de sa tête et se précipita vers les fenêtres. À distance, il vit le navire CGRI, ainsi que la bande rouge vif qui traversa le ciel dans un arc de cercle avec un voile de fumée derrière elle.

      Alors qu’il regardait la scène, une deuxième roquette partit du pont du bateau iranien. Elles étaient tirées sur une trajectoire parallèle au Constitution, assez loin pour générer à peine quelques vagues ressenties par le destroyer.

      Thomas se tourna vers le capitaine. Le visage de Warren était devenu un peu plus pâle. “Monsieur…”

      “Retournez à votre poste, Lieutenant Cohen,” dit Warren d’une voix tendue.

      Un nœud d’effroi se forma dans l’estomac de Thomas. “Mais Monsieur, nous ne pouvons pas sérieusement…”

      “Retournez à votre poste, Lieutenant,” répéta le capitaine en serrant les dents. Thomas s’exécuta, s’asseyant lentement sur son siège sans toutefois quitter Warren des yeux.

      “Ça ne vient pas de l’amiral,” dit-il, comme s’il essayait de leur expliquait ce qu’il savait qu’il allait devoir faire. “Ni même du Chef des Opérations Navales. Ça émane du Secrétaire de la Défense. Est-ce que vous comprenez ? C’est un ordre direct dans l’intérêt de la sécurité nationale.”

      Sans dire un mot de plus, Warren s’empara d’un téléphone rouge fixé au mur. “Ici le Capitaine Warren. Tirez les torpilles.” Il y eut un moment de silence, puis le capitaine répéta avec insistance, “Affirmatif. Tirez les torpilles.” Il raccrocha le téléphone, mais sa main resta posée dessus. “Que dieu nous vienne en aide,” murmura-t-il.

      Thomas Cohen retint son souffle. Il comptait les secondes. Il venait d’atteindre

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