Le Souvenir Zéro. Джек Марс
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Читать онлайн книгу Le Souvenir Zéro - Джек Марс страница 11
Elles s’étaient vraiment parlé la veille, cette partie-là n’était pas un mensonge. Sara avait seize ans à présent et une de ses colocataires lui apprenait à conduire. Maya était peinée de rater ces parties si importantes de la vie de Sara, mais elle avait ses propres objectifs et était bien déterminée à les atteindre.
En résumé, la vérité sur la mort de leur mère et les mensonges de leur père avaient creusé non seulement un fossé entre elles et leur père, mais également entre les deux filles. Elles avaient pris des chemins distincts et, même si elles gardaient contact et s’entraidaient quand c’était possible, aucune n’irait désormais jusqu’à perturber sa propre vie pour l’autre.
“Quelqu’un en veut encore ?” proposa Maria. “Il en reste plein.”
L’attention de Maya revint à la table du dîner. Elle était perdue dans ses propres pensées et, quand elle regarda autour d’elle, elle vit que tout le monde avait fini son assiette. Aussi, elle posa sa fourchette. Elle voulait juste que cette visite se termine, les remercier pour le repas et se casser d’ici. “Non, merci. C’était très bon en tout cas.”
“Je suis d’accord,” dit Greg avec enthousiasme. “Absolument délicieux.” C’est alors que l’idiot blond ouvrit sa grande bouche une fois de trop. “Merci, Madame Lawson.”
Une boule de colère enfla en elle comme un ballon qu’on gonfle. Les mots sortirent de la bouche de Maya avant même qu’elle ait eu le temps de réfléchir. “Elle n’est pas Madame Lawson.”
Maria fut prise de court. Son père la regardait toujours mais, à présent, ses yeux étaient écarquillés de surprise et il avait la bouche entrouverte.
Greg se râcla nerveusement la gorge. “Désolé,” murmura-t-il. “J’ai juste cru…”
La colère monta d’un cran en elle. “Je te l’ai dit sur la route en venant ici. Tu n’aurais pas à croire quoi que ce soit si tu arrêtais de parler de toi, ne serait-ce que pendant cinq putains de minutes !”
“Hé,” riposta Greg. “Tu ne peux pas me parler comme ça…”
“Ah ouais ? Et pourquoi pas ?” le défia-t-elle. “Est-ce que ta maman va me disputer ? Ouais, Greg, je sais, c’était la mairesse de Baltimore pendant deux ans. Tu le sors pratiquement à chaque phrase. Mais tout le monde s’en fout !”
Sa gorge se serra et son visage devint rouge, mais il ne répondit pas.
“Maya,” dit Maria gentiment, mais avec fermeté. “Je comprends que tu sois contrariée, mais c’était juste un accident. Ce n’est pas la peine d’être désagréable. Nous sommes tous des adultes ici…”
“Oh.” Maya prit un ton sarcastique. “Je crois que j’ai toutes lais raisons d’être désagréable. Tu veux que je te les énumère ?” Elle était assez intelligente pour comprendre ce qui était en train de se passer, mais trop en colère pour réprimer ses émotions. La vérité était évidente. Elle était toujours très remontée contre son père, même si elle se persuadait du contraire. Mais elle avait canalisé toute cette hostilité et cette fureur dans son école et l’atteinte de ses objectifs. Ici et maintenant, sans rien de tout ça et assise face à l’homme qui lui avait fait tant de mal, tout remontait en bouillonnant à la surface. Elle avait soudain chaud et son cœur s’était emballé.
Tout à coup, elle se rendit compte qu’elle ne pourrait jamais se rappeler un seul souvenir heureux de son enfance sans réaliser amèrement que la vie de son père, et une grande partie de la sienne par extension, n’était qu’un gros mensonge enveloppé dans une myriade de mensonges plus petits. La lumière la plus brillante de son enfance, sa mère, avait été cruellement et froidement éteinte à cause de ça, des mains d’un homme que Maya avait été assez bête pour croire qu’elle pouvait lui faire confiance.
Et non seulement son père l’avait su, mais il avait laissé ce John Watson s’en tirer.
“Maya,” dit son père. “S’il te plaît…”
“Toi, fermes-la !” gueula-t-elle. “Elle est morte à cause de toi !” Elle fut étonnée par la propre intensité de sa voix, puis surprise que son père ne se mette pas en colère en retour. Mais il se contenta de fermer la bouche et de baisser les yeux vers la table, comme un chiot à qui on aurait mis un coup de pied.
“Écoute, je ne sais pas ce qui se passe ici,” dit gentiment Greg, “mais je crois que je vais vous laisser…”
Il commençait à se lever, mais Maya leva un doigt menaçant devant son visage. “Assieds-toi ! Tu ne sors pas d’ici.”
Greg s’abaissa immédiatement dans sa chaise comme si elle était un sergent instructeur donnant un ordre à son soldat. Maria la regardait de biais, un sourcil légèrement arqué, comme si elle attendait de voir ce qui allait se passer ensuite. Les épaules de son père s’affaissèrent et il garda la tête basse.
“Fais chier,” murmura Maya en passant la main dans ses cheveux courts. Elle pensait avoir dépassé tout ça, dépassé les ondes émotionnelles qui s’abattaient sur elle comme une vague folle, dépassé les tentatives de concilier le professeur souriant et plein d’humour qu’elle appelait Papa avec l’agent secret qui était responsable des traumatismes qu’elle allait porter pour le restant de ses jours. Elle pensait en avoir fini avec les sanglots qui la secouaient quand elle changeait de vêtements et voyait les fines cicatrices blanches du message qu’elle avait gravé dans sa propre jambe quand elle pensait qu’elle allait mourir et qu’elle avait rassemblé ses dernières forces pour lui donner un indice sur l’endroit où se trouvait sa sœur.
Ne t’avise pas de pleurer.
“C’était une erreur.” Elle se leva et se dirigea vers la porte pour sortir. “Je ne veux plus jamais te revoir.”
Elle réalisa qu’elle était trop en colère pour pleurer. Au moins, elle avait dépassé ce stade-là.
Maya se glissa derrière le volant de la voiture de location et démarra le moteur. Greg arrivait en courant derrière elle.
“Maya !” cria-t-il. “Hé, attends !” Il essaya d’ouvrir la portière côté passager, mais elle avait déjà verrouillé les portes. “Allez, laisse-moi entrer.”
Elle commença à reculer dans l’allée.
“Ce n’est pas drôle !” Il frappa sur la vitre avec sa paume. “Comment est-ce que je vais rentrer ?”
“Ta mère a l’air pleine de ressources,” lui cria-t-elle par la vitre fermée. “Tu n’as qu’à l’appeler.”
Puis, elle s’éloigna dans la rue, tandis qu’une minuscule version de Greg apparaissant dans son rétroviseur, les mains sur la tête, l’air totalement ahuri. Elle savait qu’elle allait le payer cher, une fois de retour à l’académie. Mais, pour le moment, elle s’en fichait. En effet, alors que cette maison étrangère où vivait son père rapetissait dans le rétro, il lui sembla qu’un poids quittait ses épaules. Elle était venue ici, aujourd’hui, à cause d’un certain sens de la famille et des responsabilités. Un vrai fardeau…
Mais maintenant, elle réalisait que si elle ne les revoyait jamais et qu’elle ne remettait jamais les pieds ici, ça lui irait parfaitement. Elle était très bien toute seule.